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Ouverture de la chasse médiatique au Zemmour

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30 décembre 2019

Temps de lecture : 7 minutes
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Ouverture de la chasse médiatique au Zemmour

Temps de lecture : 7 minutes

Pre­mière dif­fu­sion le 10/10/2019

Après la Convention de la droite tenue à Paris le samedi 28 septembre 2019, le tout Paris médiatique s’est levé comme un seul homme, un homme à pensée unique, pour dénoncer des propos dangereux. Depuis, la chasse médiatique au Zemmour est ouverte. Petit point d’étape.

L’OJIM suit ce qui est devenu une nou­velle « affaire Zem­mour ». La manière de réa­gir des médias con­venus est vio­lente. Mieux, ces réac­tions sem­blent en décalage com­plet avec la réal­ité vécue par les Français. Éric Zem­mour (por­trait) dénonce la déstruc­tura­tion de la société française par l’immigration et l’islamisation trop mas­sive. Quoi de plus quo­ti­di­en ? Sauf en cer­tains lieux de pou­voir parisiens.

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Un point mal­heureuse­ment très intéres­sant est que l’actualité est venue con­firmer les pro­pos de Zem­mour, pro­pos qui sont les mêmes que ceux de nom­breux lanceurs d’alerte en France, la plu­part du temps accusés d’extrémisme de droite par les médias con­venus bobo libéraux-lib­er­taires : le 3 octo­bre 2019, un fonc­tion­naire de la Pré­fec­ture de police de Paris, con­ver­ti à l’islam, assas­si­nait au couteau plusieurs de ses col­lègues. Durant deux jours, médias et poli­tiques ten­taient de démin­er la grav­ité incroy­able de ce fait en évo­quant l’acte d’un homme psy­chologique­ment per­du. La réal­ité est autre : l’homme est un ter­ror­iste islamiste qui a pu opér­er en plein cœur du ren­seigne­ment de la police nationale, en ayant accès à toutes les don­nées infor­ma­tiques, y com­pris celles clas­si­fiées secret défense. La majorité des médias ont préféré par­ler de « rad­i­cal­i­sa­tion », comme si cette forme de rad­i­cal­ité en valait une autre.

Pour mesur­er la grav­ité de ce fait, il con­vient de rap­pel­er que la France compte 263 tués par des ter­ror­istes islamistes depuis 2012. Le tueur, Har­pon, est devenu musul­man et islamiste (déf­i­ni­tion d’islamisation) dans un con­texte où une majorité des migrants s’installant en France est musul­mane. Tout devrait lancer l’alerte, les médias égale­ment : la reli­gion musul­mane pose un prob­lème spé­ci­fique à la société française. Elle se dis­tingue mal de l’islamisme, les fron­tières entre islam et islamisme étant poreuses et floues. Les dis­cours ten­dant à dédouan­er l’islam sont avant tout idéologiques et seule la reli­gion musul­mane béné­fi­cie d’une telle bien­veil­lance en France (les autres pour­tant ne tuent pas). Zem­mour le dit : il y a trop d’immigrés, trop de musul­mans, trop d’islamisation et trop de migrants islamisés. Exacte­ment ce que mon­tre le réel. Que voient les médias ? Que Zem­mour serait… dan­gereux. Peu de réac­tions lucides en con­tre­points, la plus forte étant celle d’Olivier Maulin dans Valeurs Actuelles en ligne.

Chasse au Zemmour ?

Faisons le point, étant don­né que peu après son dis­cours de la con­ven­tion de la droite nom­bre de per­son­nes ont appelé à ce que le jour­nal­iste polémiste soit mis à la porte des médias où il tra­vaille, médias qui paraît-il servi­raient ain­si la soupe à ses idées « nauséabon­des » (de l’avis du pre­mier min­istre, tou­jours soucieux de débat démoc­ra­tique et apaisé).

- Zem­mour écrit des édi­to­ri­aux dans Le Figaro. Dès le 30 sep­tem­bre, la Société des jour­nal­istes du quo­ti­di­en demandait des expli­ca­tions à la direc­tion du jour­nal, accu­sant Zem­mour d’être « un ren­tier de la polémique ». Le com­mu­niqué lais­sait enten­dre que la direc­tion devrait se sépar­er du jour­nal­iste. Le Figaro a décidé de le con­serv­er dans ses pages. On imag­ine l’ambiance dans la rédaction.

- Zem­mour col­la­bore avec RTL. La chaîne de radio a mis fin à cette col­lab­o­ra­tion tout en indi­quant qu’il pour­rait être invité dans les émis­sions de la radio (hypocrisie, quand tu nous tiens…). Il par­tic­i­pait au débat de 8h20 du ven­dre­di, c’est ter­miné. La sta­tion appar­tient au groupe M6. Le mes­sage dif­fusé en interne par la Société des jour­nal­istes de RTL ne manque pas de saveur :

« Le bureau de la SDJ salue le fait que la direc­tion a (…) con­tac­té Éric Zem­mour pour lui faire de son pro­fond désac­cord tant sur la forme que sur le fond. Tout en restant très attachée à la diver­sité des opin­ions, elle lui a sig­nifié que ses thès­es sont incom­pat­i­bles avec l’e­sprit des débats aux­quels il par­tic­i­pait à l’an­tenne, et plus large­ment avec le « Vivre ensem­ble » qui car­ac­térise RTL ».    

Un « vivre ensem­ble » qui s’est vio­lem­ment exprimé dans les locaux de la pré­fec­ture de police et non dans ceux de RTL, ceci expli­quant sans doute cela.

- Zem­mour par­ticipe à « Zem­mour et Naul­leau » sur Paris Pre­mière. Dans l’émission du mer­cre­di 2 octo­bre 2019, il a main­tenu ses pro­pos, pré­cisant n’avoir « injurié per­son­ne » et « avoir le droit de cri­ti­quer une reli­gion ». Il a aus­si indiqué ce fait impor­tant : « tous les jour­nal­istes font de la poli­tique ». Ce que vient, par exem­ple, con­firmer cette infor­ma­tion de Valeurs Actuelles, en date du mar­di 8 octo­bre, par laque­lle on apprend que des jour­nal­istes man­i­fes­taient le dimanche 6 octo­bre 2019 con­tre le défilé anti PMA. Ce qui ne sem­ble pas génér­er de polémique ni de demande d’expulsion de leurs médias respec­tifs. La chaîne de télévi­sion Paris Pre­mière appar­tient aus­si au groupe M6, elle indique avoir rap­pelé « fer­me­ment » les con­di­tions de sa par­tic­i­pa­tion à Éric Zem­mour (con­vo­ca­tion chez le sur­veil­lant général ?). Paris Pre­mière ne se sépare pas de Zem­mour : la chaîne ne veut pas se sui­cider, mais le met sous contrôle.

- Le dis­cours de Zem­mour a été dif­fusé en direct sur LCI, chaîne du groupe TF1. Une dif­fu­sion qui a entraîné dit-on près de 3000 saisines auprès du CSA, ce qui appa­raît comme un signe révéla­teur dans les arti­cles des médias con­venus alors que ces saisines n’ont aucun sens : n’importe quel groupe un tant soit peu organ­isé peut saisir en masse le CSA.

Hésitation de CNews puis accord

Éric Zem­mour était, peu avant son dis­cours à la Con­ven­tion de la droite, appelé à se voir con­fi­er une émis­sion quo­ti­di­enne par la chaîne du groupe Canal+, CNews, chaîne cen­trée sur les débats con­tra­dic­toires. Selon Le Parisien, les jour­nal­istes de la chaîne trou­vaient cela impens­able. Après avoir hésité, Vin­cent Bol­loré a don­né son accord, mais la déci­sion sem­ble avoir été difficile.

L’affaire Zem­mour agit comme un véri­ta­ble révéla­teur : d’abord, le fait évi­dent, indis­cutable, que la majorité des médias et des jour­nal­istes français répon­dent à une con­cep­tion du monde unique, uni­forme, inca­pable de se tourn­er vers une pen­sée autre que la leur. Ensuite, le fait tout aus­si évi­dent que ces médias et ces jour­nal­istes (non tous, répé­tons-le mais la majorité) sont com­plète­ment décon­nec­tés du pays réel. Lors des man­i­fes­ta­tions des gilets jaunes, nom­bre de jour­nal­istes affir­maient ne pas com­pren­dre le pourquoi du ressen­ti­ment pop­u­laire à leur égard. S’ils reflé­taient un peu la réal­ité du pays, la diver­sité des opin­ions et respec­taient les con­cep­tions du monde qu’ils jugent un peu vite racistes ou xéno­phobes, alors jour­nal­istes et médias seraient peut-être respec­tés en retour. Ce n’est évidem­ment pas pos­si­ble. Pourquoi ? C’est qu’il n’y a presque plus de presse véri­ta­ble ni de lib­erté d’expression médi­a­tique en France, juste la con­sti­tu­tion d’une sorte de par­ti unique des médias qui sert de chien de garde. Les Nou­veaux chiens de garde, tel est le titre du film de Gilles Bal­bas­tre et Yan­nick Ker­goat, d’après le livre de Serge Hal­i­mi. On est en plein dans l’actualité.

PS : dernière minute, Nutel­la a annon­cé qu’il annu­lait sa pub­lic­ité pen­dant l’émission de Zem­mour et Naul­leau sur Paris Pre­mière. L’alliance du grand cap­i­tal et du poli­tique­ment cor­rect ne manque pas de saveur (si on peut par­ler de saveur pour la pâte à tartin­er). Voir notre arti­cle sur les Sleeep­ing giants et le total­i­tarisme soft.