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Médias et politiques : back-room pour tous et tout-e‑s !

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5 septembre 2017

Temps de lecture : 6 minutes
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Médias et politiques : back-room pour tous et tout-e‑s !

Temps de lecture : 6 minutes

Les campagnes électorales de 2017 ont montré combien les mondes politique et médiatique forment un seul de même monde. À de très rares exceptions près, exceptions toujours étiquetées « de droite dure » ou « d’extrême droite ». Des mots qui tuent dans la novlangue libérale-libertaire. C’est ainsi que le discrédité Décodex du Monde a pu signaler Valeurs actuelles comme n’étant pas fiable. C’est ce monde qui a conduit Emmanuel Macron à l’Élysée. Le fait est incontestable tant le soutien apporté au candidat Macron a été massif. Ces mondes qui ne font qu’un ne sont pas une structure organisée. Simplement un ensemble de lieux de pouvoirs médiatiques et politiques où tout un chacun pense la même chose sur tous les sujets. Ce sont ces milieux qui ont par exemple assassiné politiquement le trop catholique François Fillon. L’actuelle porosité entre politiques et médias institutionnalise cette réalité.

Bruno Roger-Petit ou la plus grosse prise

Dans les maisons spé­cial­isées, cer­tains vis­i­teurs préfèrent ce qui est gros. Le prési­dent de la République n’a donc pas lés­iné sur la taille en se ser­vant dans la mai­son médias. Il s’est offert un gros objet en la per­son­ne de Bruno Roger-Petit, déjà large­ment ral­lié à la cause depuis son bureau de Chal­lenges.

Il n’avait pas échap­pé aux obser­va­teurs que le jour­nal­iste fai­sait la tournée des popotes en faveur du can­di­dat Macron durant la cam­pagne prési­den­tielle. Cela ne choquait alors pas plus que cela : 99 % des médias tirant sur la même laisse. Lors de la vis­ite de Macron à l’usine Whirlpool d’Amiens par exem­ple, les divers médias ne se sont pas insurgés sur ce fait : pour ren­con­tr­er les salariés en grève, le can­di­dat a refusé que la presse l’accompagne. Il est entré dans l’usine avec son équipe de télévi­sion per­son­nelle, laque­lle a fourni les seules images disponibles aux dif­férentes rédac­tions. Ce fait devait alarmer les médias. Il n’en fut évidem­ment rien. Ce sont pour­tant ces mêmes médias qui ont com­mencé à cri­ti­quer le prési­dent Macron depuis l’été, sans doute insat­is­faits des récom­pens­es. Ce qui ne sera pas le cas de Bruno Roger-Petit, transfuge des médias vers l’Élysée. La porosité médias/politiques n’est pas une nou­veauté. Elle est cepen­dant inédite à cette échelle.

Que vient-il faire dans l’En Marche-shop ?

« Sym­bole emblé­ma­tique de la servi­tude des médias à l’égard d’Emmanuel Macron qui furent la clé de sa réus­site, l’éditorialiste poli­tique vedette de Chal­lenges, Bruno Roger-Petit, reçoit un chou­ette nonosse pour ses bil­lets louangeurs », écrit avec justesse et humour Car­o­line Par­men­tier dans le quo­ti­di­en Présent. Une fois nom­mé, la pre­mière mis­sion rem­plie par BRP (eh oui…) a été d’effacer les 40 000 tweets de son compte.

Il est vrai qu’il y appelait en 2013 à abat­tre au révolver les familles de LMPT, ou encore à leur jeter des bombes. Puis en 2014, BRP rêvait sur twit­ter d’un prési­dent prénom­mé Ahmed. Juste avant le mas­sacre de Char­lie Heb­do. Ce qui, à la lumière des atten­tats islamistes répétés, ne manque pas d’être… explosif. La même année, le nou­veau porte-parole de l’Élysée demandait que l’on cen­sure les mal-pen­sants, Zem­mour par exem­ple, et les lieux de réin­for­ma­tion ou de cri­tique (l’Observatoire du jour­nal­isme ?). Voilà donc le cur­sus du nou­veau jou­et com­mu­ni­ca­tion­nel du prési­dent. À l’évidence, ce mon­sieur est nom­mé afin de met­tre un terme à la cacoph­o­nie et aux couacs en série. Sans doute va-t-il cha­peauter Sibeth Ndi­aye, com­pagnon de route de feu le can­di­dat Macron, et jusque-là respon­s­able des rela­tions presse du prési­dent. Cette même Sibeth Ndi­aye qui con­fir­mait la mort de Simone Veil aux jour­nal­istes par un tweet dont la teneur est une insulte à l’intelligence : « Yes ! La meuf est dead ! ».

Ces mots de la fran­co-séné­galaise résu­ment à eux seuls l’esprit qui règne aujourd’hui dans cer­taines officines En Marche du pou­voir. Un mar­queur de l’esprit rég­nant est le mépris de toute éthique : BRP ne dis­ait-il pas que beau­coup de jour­nal­istes avaient tout de « con­seillers du prince », sur Europe 1 ? Il est vrai que son nou­veau patron, main­tenant prési­dent, déclarait quant à lui, lors des prési­den­tielles, dans L’émission poli­tique, que « quand on pré­side, on n’est pas le copain des jour­nal­istes ». Pour­tant, les rela­tions trou­bles de l’actuel prési­dent de la république avec les médias sont un secret de polichinelle, ain­si que l’explique par exem­ple Mar­i­anne.

La consanguinité médias/politiques : une véritable épidémie

Une épidémie qui se man­i­feste de trois manières : le nom­bre de poli­tiques qui ayant per­du leur man­dat devi­en­nent chroniqueurs dans la presse, le nom­bre de cou­ples unis­sant des jour­nal­istes et des poli­tiques et, bien sûr, la nom­i­na­tion de BRP. L’épidémie tend à faire ressem­bler le Paris médi­a­tique à la fois à une sorte de back-room et à une officine de type ORTF : « Les libéraux-lib­er­taires par­lent aux Français » risquant de devenir une sorte de slogan.

Le phénomène n’est pas nou­veau mais il est devenu mas­sif, avec François Hol­lande d’abord (le prési­dent et qua­tre min­istres en cou­ple avec des jour­nal­istes en 2012), et se car­ac­térise par les allers-retours entre les deux sphères théorique­ment séparées. Une sépa­ra­tion des pou­voirs qui est cen­sé­ment un des critères de la démoc­ra­tie. Mas­sif en cette ren­trée des class­es, au point que l’on évoque main­tenant un mer­ca­to des jour­nal­istes et des poli­tiques. Comme pour le foot­ball. Pêle-mêle : Rose­lyne Bach­e­lot, Hen­ri Guaino, Raquel Gar­ri­do, Jean-Pierre Raf­farin, Gas­pard Gantzer, Aurélie Fil­ip­pet­ti, Julien Dray, Eduar­do Rihan Cypel… Une majorité de soci­aux-libéraux, comme au sein de LRM et de la pro­fes­sion médi­a­tique. Et plus large­ment du monde de la cul­ture. Ain­si, Vin­cent Mon­adé, prési­dent du Cen­tre Nation­al du Livre, félic­i­tait-il Nico­las Demor­and et Léa Salamé, pour leur pre­mière sur France Inter par un tweet où il s’estimait « très très con­va­in­cu », indi­quant au pas­sage que la mati­nale d’Inter est sa « mati­nale depuis 30 ans ». Par con­tre, bien qu’ayant été annon­cé le 26 août 2017 comme futur édi­to­ri­al­iste de l’émission d’Europe 1 Hon­de­lat­te racon­te, par le jour­nal­iste lui-même, Jean Mes­si­ha ne fera finale­ment pas son com­ing out médi­a­tique. Christophe Hon­de­lat­te ayant, dit-on du côté de la direc­tion de la radio, par­lé trop vite. Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour com­pren­dre que la polémique née sur les réseaux soci­aux suite à l’annonce de Hon­de­lat­te a provo­qué ce demi-tour en marche for­cé. Peut-être la qual­ité de député du FN de Jean Mes­si­ha a‑t-elle joué un rôle ? Si cette hypothèse devait s’avérer vraie, elle ne pour­rait qu’accréditer les accu­sa­tions de par­ti pris idéologique des médias français. Posons la ques­tion : de quoi cette insti­tu­tion­nal­i­sa­tion des liens de con­san­guinité entre poli­tiques et médias est-elle le nom ?