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Soros et Ringier Axel Springer se partagent désormais les médias polonais

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16 novembre 2023

Temps de lecture : 8 minutes
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Soros et Ringier Axel Springer se partagent désormais les médias polonais

Temps de lecture : 8 minutes

Le groupe Wirtualna Polska Holding (« Pologne virtuelle ») qui gère le site Internet le plus visité en Pologne, wp.pl, compte depuis le 8 novembre une représentante du fonds d’investissement sorosien Media Development Inverstment Fund (MDIF) à son conseil de surveillance. Après avoir pris pied dans la presse quotidienne (depuis 2016) puis étendu son influence dans la radio (depuis 2019) en Pologne, la famille Soros a fait son entrée au début du mois d’octobre au capital de Wirtualna Polska. La somme investie est certes modeste, pour le moment, avec 6 millions de zlotys pour 0,2 % des actions, mais le but est noble : « soutenir l’indépendance des médias ».

Un groupe polono-américain

Si bien que les dirigeants de Wirtu­al­na Pol­s­ka Hold­ing, un groupe à cap­i­tal polon­ais, ont choisi de ven­dre des actions au fond d’investissement améri­cain en dessous de leur valeur réelle, selon leur com­mu­niqué. « Dans ce cas, cepen­dant, il est beau­coup plus impor­tant pour nous, en tant que pro­prié­taires, de trou­ver un parte­naire qui nous sou­tien­dra dans la défense de la lib­erté des médias en Pologne. Le paquet de con­trôle reste entre des mains polon­ais­es », a déclaré Jacek Świder­s­ki, le prési­dent de Wirtu­al­na Pol­s­ka Holding.

Le MDIF de Soros en première ligne

« Le MDIF sou­tient les médias libres dans le monde entier, car ils sont le fonde­ment de la démoc­ra­tie et l’épine dor­sale de la société civile. Ils jouent un rôle essen­tiel en met­tant en lumière les actions des per­son­nes au pou­voir – quel que soit leur par­ti – et en les oblig­eant à ren­dre des comptes aux citoyens. WP est l’un des plus grands médias de Pologne. Nous appré­cions sa posi­tion et la qual­ité de son jour­nal­isme, ain­si que la grande impor­tance des récentes pub­li­ca­tions d’investigation pour le marché polon­ais. Cet investisse­ment témoigne de l’engagement con­stant de MDIF pour pro­téger les médias indépen­dants sur le marché polon­ais », a déclaré de son côté Har­lan Man­del, le PDG de MDIF.

D’une manière générale, ain­si qu’on peut le lire sur le site du fonds d’investissement sorosien, « Le MDIF four­nit des finance­ments par emprunt et par cap­i­taux pro­pres, assor­tis de con­seils stratégiques, aux médias indépen­dants dans les pays où l’accès à des nou­velles et à des infor­ma­tions fiables est men­acé. »

En juin dernier, le rédac­teur en chef du site Wirtu­al­na Pol­s­ka et son col­lègue d’Onet avaient pub­lié des édi­to­ri­aux dénonçant des pres­sions dont ils auraient fait l’objet de la part du gou­verne­ment de Mateusz Moraw­iec­ki pour infléchir leur ligne édi­to­ri­ale, qui est à la fois pro­gres­siste et ouverte­ment hos­tile aux con­ser­va­teurs du PiS et à la droite sou­verain­iste et pro-vie.

Les deux premiers sites polonais sont progressistes

Onet.pl est en com­péti­tion avec Wirtu­al­na Pol­s­ka pour le titre de site le plus vis­ité. En sep­tem­bre 2023, wp.pl a eu 8 120 412 vis­i­teurs uniques con­tre 7.686 090 pour onet.pl. Les deux sites ont une ligne édi­to­ri­ale sim­i­laire. Onet appar­tient au groupe médi­a­tique ger­mano-suisse Ringi­er Axel Springer. Ce groupe médi­a­tique est égale­ment pro­prié­taire du tabloïde Fakt, qui est le quo­ti­di­en le plus ven­du en Pologne, ain­si que de l’hebdomadaire Newsweek Pol­s­ka, numéro un dans le seg­ment des heb­do­madaires d’actualité et d’opinion.

Des médias favorables à Donald Tusk

Ce sont autant de médias favor­ables à la coali­tion des libéraux et de la gauche qui est en train de se met­tre en place sous la direc­tion de l’ancien pre­mier min­istre et ancien prési­dent du Con­seil européen Don­ald Tusk après les élec­tions du 15 octo­bre. Le par­tie Droit et Jus­tice et ses alliés de la coali­tion Droite unie ne dis­posent en effet plus d’une majorité suff­isante à la Diète pour con­tin­uer à gouverner.

Dans le domaine des sites Inter­net d’information, le groupe Wirtu­al­na Pol­s­ka Hold­ing est égale­ment pro­prié­taire d’o2.pl, le numéro 5 des sites Inter­net d’information en sep­tem­bre avec 2 113 614 vis­i­teurs uniques. Le numéro 4, Gazeta.pl, avec ses 3 078 162 vis­i­teurs uniques en sep­tem­bre, appar­tient au jour­nal Gaze­ta Wybor­cza du groupe Ago­ra, où, rap­pelons-le, le MDIF sorosien est égale­ment action­naire. Le numéro 3, interia.pl, appar­tient au groupe de télévi­sion Pol­sat, à cap­i­taux polon­ais, dont la ligne est moins féro­ce­ment engagée con­tre les con­ser­va­teurs du PiS et moins ouverte­ment en faveur des libéraux et de la gauche que les médias d’Agora et ceux de Ringi­er Axel Springer, mais qui reste mal­gré tout plutôt libérale-lib­er­taire et pro-UE.

L’américain Warner Bros est de la partie

On notera au pas­sage qu’avec le groupe de télévi­sion TVN, pro­priété de l’Américain Warn­er Bros. Dis­cov­ery, qui est, lui, très engagé con­tre le PiS depuis des années (comme les médias du groupe Ago­ra) et la télévi­sion publique qui devrait bien­tôt repass­er sous le con­trôle des amis de Don­ald Tusk, le paysage audio­vi­suel polon­ais va bien­tôt rede­venir assez mono­corde, comme avant l’arrivée des con­ser­va­teurs au pou­voir en 2015.

La presse quotidienne n’est pas indemne

Il n’en sera pas autrement du côté de la presse papi­er quo­ti­di­enne. Après les deux tabloïds de tête (Fakt du groupe Ringi­er Axel Springer et Super Express, à cap­i­taux polon­ais), on a, dans l’ordre du nom­bre d’exemplaires ven­dus, le jour­nal Gaze­ta Wybor­cza du groupe Ago­ra et le jour­nal Rzecz­pospoli­ta du groupe Gre­mi Media, deux groupes médi­a­tiques où les sociétés et fonds sorosiens ont pris des par­tic­i­pa­tions. Dans le cas de Gre­mi Media, pro­prié­taire des quo­ti­di­ens Rzecz­pospoli­ta et Parki­et, la société néer­landaise Plu­ralis BV, détenue par des fonds sorosiens, dont MDIF, est même le plus gros action­naire. La rédac­tion en chef de Rzecz­pospoli­ta a changé à la fin du mois d’août, quand Plu­ralis a éten­du son influ­ence sur Gre­mi Media, à l’approche des élec­tions par­lemen­taires polon­ais­es du 15 octobre.

Au print­emps, Plu­ralis avait lancé une opéra­tion de crowd­fund­ing en Alle­magne par le biais de la GLS Bank afin de s’opposer à une « vague de con­quête des médias » par les gou­verne­ments d’Europe cen­trale. En Pologne, cela fai­sait référence au rachat de la presse régionale par la com­pag­nie pétrolière Orlen.

Une indépendance très dépendante

En fait d’indépendance, alors que le groupe Wirtu­al­na Pol­s­ka Hold­ing compte désor­mais au sein de son con­seil de sur­veil­lance une cer­taine Joan­na Róży­c­ka-Iwan qui est « chief investe­ment offi­cer » (respon­s­able des investisse­ments au niveau mon­di­al) de MDIF, cette même dame est aus­si au con­seil de sur­veil­lance de Gre­mi Media et du groupe de radio Eurozet, racheté par Ago­ra en 2019. Eurozet est notam­ment pro­prié­taire de Radio Zet, numéro 2 de la radio en Pologne. L’autre racheteur d’Eurozet en 2019, aux côtés d’Agora, c’était la société tchèque SFS Ven­tures dont un impor­tant action­naire est la société améri­caine Sal­va­tors­ka Ven­tures LCC appar­tenant aus­si au fonds sorosien MDIF. La représen­tante du MDIF au sein de Wirtu­al­na Pol­s­ka est aus­si au con­seil de sur­veil­lance de Gre­mi Media aux côtés du Hon­grois Zoltán Var­ga, pro­prié­taire de médias hon­grois gau­cho-lib­er­taires et grand cri­tique de Vik­tor Orbán (Plu­ralis lui a reven­du une par­tie de ses actions fin août), ain­si que d’un cer­tain Grze­gorz Kos­sakows­ki, un Polon­ais qui a passé plus de vingt ans au sein du groupe Agora.

En fait de médias indépen­dants, on a donc plutôt affaire à des médias inter­dépen­dants au sein d’un même réseau.

Une autre illus­tra­tion de cette sup­posée indépen­dance des médias anti-gou­verne­men­taux (plus pour longtemps, car ils rede­vien­dront bien­tôt pro-gou­verne­men­taux avec le retour de Tusk au pou­voir), c’est la let­tre envoyée par le PDG du groupe Rigi­er Axel Springer aux jour­nal­istes de ses médias polon­ais en mars 2017. Une let­tre dans laque­lle il enjoignait ses jour­nal­istes de soutenir Don­ald Tusk et la voie d’une inté­gra­tion tou­jours plus poussée de l’UE, con­tre « les pop­ulistes  qui ont traîné l’UE dans la boue », les pop­ulistes en ques­tion étant bien enten­du les con­ser­va­teurs au pou­voir en Pologne. Inutile de pré­cis­er que les médias sorosiens et ceux du groupe ger­mano-suisse sont tous pro-avorte­ment et soute­naient les grandes mais éphémères man­i­fes­ta­tions pro-avorte­ment de la fin 2020.

Les médias du monde libéral libertaire en position dominante

À côté de ces grands groupes, les médias con­ser­va­teurs en Pologne font plutôt fig­ure de nains appau­vris, alors que ce sont tou­jours les con­ser­va­teurs qui sont au pou­voir depuis main­tenant 8 ans. Mateusz Moraw­iec­ki s’est en effet vu con­fi­er par le prési­dent Andrzej Duda la mis­sion de for­mer un nou­veau gou­verne­ment, les listes du PiS étant mal­gré tout arrivées en tête aux élec­tions du 15 octo­bre. On sait cepen­dant qu’il n’a qua­si­ment aucune chance d’y arriv­er, faute d’alliés.

Si nous n’entendrons bien­tôt plus par­ler dans les grands médias français des men­aces con­tre la lib­erté de la presse et con­tre le plu­ral­isme médi­a­tique en Pologne, c’est pour­tant main­tenant qu’il ya le plus de soucis à ce faire, les groupes médi­a­tiques les plus puis­sants et les mieux financés en Pologne étant déjà tous du côté du prochain gou­verne­ment de Don­ald Tusk.

George Soros et la société ouverte

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