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Reporters sans frontières, une ONG idéologue et subventionnée

10 août 2024

Temps de lecture : 6 minutes
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Reporters sans frontières, une ONG idéologue et subventionnée

Temps de lecture : 6 minutes

Pour la semaine de Pâques, l’OJIM prend des vacances et repub­lie entre le 2 et le 7 avril les arti­cles les plus sig­ni­fi­cat­ifs du pre­mier trimestre de 2024. Retour le 8 avril et bonnes Pâques à tous !

L’Arcom et le monde médiatique continuent à se creuser la tête sur la façon de faire respecter le pluralisme des médias selon des critères qui satisferont le Conseil d’État, ou plutôt, à travers lui, Reporters sans frontières. La tâche n’est pas simple si l’on veut préserver l’indépendance des médias, car l’association qui appelle ce nouveau pluralisme semble très proche de la gauche.

Pre­mière dif­fu­sion le 26 févri­er 2024
L’OJIM prend ses quartiers d’été : du dimanche 28 juil­let au dimanche 25 août nous repub­lions les arti­cles les plus sig­ni­fi­cat­ifs du pre­mier semestre.

Reporters sans frontières, une organisation perfusée ?

Dans sa charte éthique en matière de rela­tions avec ses dona­teurs, Reporters sans fron­tières (RSF) affirme que son fonc­tion­nement est assuré par des sou­tiens financiers qui expri­ment « l’adhésion des dona­teurs à la vision, aux mis­sions et aux valeurs de RSF. » On ne peut que souscrire… sauf à se pencher d’un peu plus près sur les dona­teurs en ques­tion. En effet, plus de la moitié des recettes de RSF (52% en 2022) provi­en­nent de sub­ven­tions, prin­ci­pale­ment de trois bailleurs : l’Union européenne, l’Agence France Développe­ment (AFD) et la Swedish Inter­na­tion­al Devel­op­ment Coop­er­a­tion Agency (Sida). Ain­si, en 2021, l’Union européenne don­nait près d’1,4 mil­lion d’euros à l’ONG.

Or, les con­tribuables ne sont évidem­ment jamais con­sultés par le gou­verne­ment lorsqu’il s’agit d’attribuer des subventions.

Par ailleurs, la plainte con­tre CNews, à un moment charnière de réat­tri­bu­tion des fréquences, et alors que cette chaîne bat des records d’audience, pose ques­tion quant à « l’adhésion des dona­teurs à la vision, aux mis­sions et aux valeurs de RSF. » Les téléspec­ta­teurs de CNews, par ailleurs con­tribuables français, adhèrent-ils au récent rap­port de RSF qual­i­fi­ant cette chaîne de chaîne d’opinion et deman­dant le change­ment de son fonctionnement ?

De la même façon, étant don­né que la charte men­tionne plus loin que « Le dona­teur recon­naît agir pour son pro­pre compte et non pour celui d’un tiers », on peut se deman­der pourquoi l’ONG reçoit des sub­ven­tions. Le dona­teur, l’État ou une instance supra-nationale, agit pour le compte d’un tiers, en l’occurrence le contribuable.

L’ami Soros toujours là

Au-delà des sub­ven­tions publiques, Reporters sans fron­tières fonc­tionne grâce à des fonds privés. 11% de ses recettes (1,3 mil­lions d’euros en 2021) provi­en­nent de « dons et mécé­nat ». Par­mi eux, la fon­da­tion Open Soci­ety, créée par George Soros. France Info, qui n’est en général pas pointé comme étant dans le même cer­cle infer­nal que le groupe Bol­loré, décrit cette fon­da­tion comme « réseau pour le sou­tien à la gauche améri­caine, à la pro­mo­tion des minorités, à l’égalité des sex­es et pour inciter au vote les électeurs noirs et lati­nos. » Cette fon­da­tion a don­né 300 000€ à Reporters sans fron­tières en 2021, soit près du quart des recettes « dons et mécé­nat » de cette année-là. Or, si l’on en croit sa charte, « RSF s’interdit de recevoir des fonds ou des dona­tions de toute nature qui puis­sent être assim­ilées à une démarche de prosé­lytisme. » Le sou­tien à la gauche améri­caine n’est donc pas du prosé­lytisme pour Reporters sans frontières.

Voir aus­si : Une base de don­nées sur les réseaux Soros

Des perfusions aux actions

Entre les sub­ven­tions publiques et les dons de la gauche libérale lib­er­taire, si Reporters sans fron­tières était neu­tre, cela tiendrait du mir­a­cle. Ses actions n’en don­nent pas l’impression. Ain­si, dans son rap­port d’activité 2021, l’ONG revient sur un film des­tiné à con­tr­er « les dis­cours men­songers de Vladimir Pou­tine » à pro­pos de l’invasion russe en Ukraine, « par les images des reporters qui cou­vrent le con­flit. »

RSF explique que « seuls les faits rap­portés par les jour­nal­istes peu­vent déjouer la pro­pa­gande du Krem­lin » et que « ce nou­veau spot a pour objec­tif d’amener les spec­ta­teurs à mesur­er l’importance du jour­nal­isme dans la prise de con­science et la mobil­i­sa­tion des pop­u­la­tions sur des sujets déter­mi­nants pour leur avenir. » On salue le tra­vail des jour­nal­istes qui veil­lent à illus­tr­er les faits pour per­me­t­tre aux lecteurs, audi­teurs et téléspec­ta­teurs, d’avoir d’autres con­tenus que les déc­la­ra­tions poli­tiques pour se faire une idée des événe­ments mondiaux.

Mais pourquoi l’ONG sem­ble-t-elle éviter la prob­lé­ma­tique de la dés­in­for­ma­tion par l’image, au moins aus­si nocive que la pro­pa­gande par le dis­cours ? Les exem­ples de pho­tos trafiquées, sor­ties de leur con­texte ou util­isées pour illus­tr­er un événe­ment inap­pro­prié exis­tent pour­tant, tout comme les jour­nal­istes mil­i­tants, voire mal­hon­nêtes. Par ailleurs, si, selon RSF, le jour­nal­isme per­met « la prise de con­science et la mobil­i­sa­tion des pop­u­la­tions sur des sujets déter­mi­nants pour leur avenir », pourquoi le tra­vail de CNews, qui met un cer­tain accent sur les sujets de droite, dont l’immigration et ses con­séquences néga­tives, est-il problématique ?

Vincent Bolloré placé sur le même plan que …la Chine

Plus récem­ment, le rap­port d’activité 2022, qui revient sur les actions de RSF par ordre chronologique, s’ouvre d’abord sur son appel à un boy­cott diplo­ma­tique des Jeux olympiques d’hiver en Chine « en signe de protes­ta­tion con­tre les vio­la­tions mas­sives com­mis­es par le régime, en par­ti­c­uli­er la per­sé­cu­tion des jour­nal­istes. » Le régime com­mu­niste chi­nois n’est en effet pas con­nu pour garan­tir la lib­erté de la presse, c’est le moins que l’on puisse dire. Cette action est immé­di­ate­ment suiv­ie du « Pot de départ » de Vin­cent Bol­loré après son sup­posé départ en retraite « pour mar­quer le départ de l’homme d’affaires qui s’est illus­tré ces dix dernières années par son ingérence et ses méth­odes bru­tales dans le monde des médias. » Un rap­proche­ment audacieux…

Voir aus­si : Feu sur le quarti­er général ! Offen­sive con­tre Bolloré

Là aus­si, on ne peut s’empêcher de faire le lien avec la fon­da­tion de George Soros. Les jour­nal­istes qui tra­vail­lent pour le groupe Bol­loré ont cou­tume de dire, dans les cer­cles privés comme dans les cer­cles publics, qu’ils sont par­faite­ment libres de dire ce qu’ils veu­lent dans leurs médias. Admet­tons qu’ils fassent erreur. Reporters sans fron­tières croit-elle que son dona­teur est moins influ­ent et agres­sif que le pro­prié­taire de CNews ? La fon­da­tion Soros est-elle bien exempte d’ingérence ? Rien ne le prou­ve, et rien ne le laisse penser.

Que Reporters sans fron­tières soit aveuglée par ses dons ou par ses idéolo­gies, une chose est cer­taine: quand on pré­tend œuvr­er pour le plu­ral­isme des médias, on veille à respecter une charte qui, d’ailleurs, porte des valeurs impor­tantes. Il est bien regret­table qu’une organ­i­sa­tion qui se bat pour une chose aus­si impor­tante que la lib­erté de la presse s’acharne sur des médias au pré­texte qu’ils ne con­vi­en­nent pas à sa pro­pre lec­ture de l’actualité. Si Reporters sans fron­tières existe et est néces­saire, c’est qu’ils infor­ment que dans le monde des jour­nal­istes sont per­sé­cutés, empris­on­nés ou tués parce qu’ils font leur tra­vail. Il serait bon que RSF ne passe pas, en France, de l’autre côté de la barrière.