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Initiatives pour la « diversité » dans les médias, rien pour le pluralisme des idées

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6 décembre 2017

Temps de lecture : 7 minutes
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Initiatives pour la « diversité » dans les médias, rien pour le pluralisme des idées

Temps de lecture : 7 minutes

La population française est-elle bien représentée dans les médias ? Assurément non selon certains. Plusieurs initiatives visent à changer la représentation actuelle des différentes composantes de la société française. Nous en présentons quelques-unes.

À la télévision

La société France Diver­sité Média a pour objec­tif de « plac­er sous le feu des pro­jecteurs la diver­sité, val­orisant les réus­sites sou­vent mécon­nues de ceux qui croient en notre pays sans béné­fici­er d’une vis­i­bil­ité médi­a­tique ». Ses émis­sions sont dif­fusées sur la chaîne câblée Demain ! 

Ban­lieue Diver­sité Médias se présente de la façon suiv­ante sur son site : « sa ligne édi­to­ri­ale inno­vante (est) axée autour de la diver­sité, du vivre ensem­ble et de la représen­ta­tion de la France d’aujourd’hui ». La chaine est dif­fusée sur la TNT gra­tu­ite en Ile de France (chaine 31) « et sur l’ADSL ».

Numéro 23 est une chaine de la TNT ter­restre, qui se présente comme étant « dédiée à toutes les diver­sités avec une vision pos­i­tive et mod­erne : que ce soit la par­ité, la diver­sité des orig­ines cul­turelles ou sociales, la diver­sité des modes de vie per­son­nels et famil­i­aux, les dif­férences liées à la con­di­tion physique et au hand­i­cap ». Son con­tenu et sa revente récente au groupe Next Radio TV ont été verte­ment cri­tiqué par la chaine BDM.

Le média en ligne Bondy blog a pour voca­tion de « racon­ter les quartiers pop­u­laires et de faire enten­dre leur voix dans le grand débat nation­al. ». Indis­pens­able pour Libéra­tion, « ter­ri­toire per­du du jour­nal­isme » pour Causeur. Le jour­nal­iste Alexan­dre Devec­chio, qui a col­laboré au Bondy blog, évoque dans une inter­view l’évolution du site, dans un con­texte de développe­ment du dis­cours islamo-gauchiste et com­mu­nau­tariste en ban­lieue, un site dénon­cé par Gilles Kepel comme favor­able aux islamistes.

France Ô est une chaine du groupe France Télévi­sions. Tournée vers les DOM TOM, « la chaine est venue rem­plac­er RFO Sat depuis 2005 mais a con­servé le souci de met­tre en avant la diver­sité cul­turelle », peut-on lire sur son site. Elle aurait réal­isé en octo­bre 2017 une part d’au­di­ence de 0,6%. Dans un objec­tif d’économies, le Prési­dente de FT Del­phine Ernotte a décidé récem­ment de la faire sor­tir de la mesure d’au­di­ence au jour le jour de Médi­amétrie, bap­tisée “Média­mat’ nation­al quotidien”.

Le groupe France Télévi­sions mène une poli­tique en faveur de la diver­sité et de sa vis­i­bil­ité. Il établit dans cet objec­tif des rap­ports annuels. En octo­bre 2016, le Monde infor­mait que France Télévi­sion chiffrait dans son bilan diver­sité 2015 à 12 % la pro­por­tion de non-Blancs dans l’information sur France 2 et à 10 % sur France 3. La vice-prési­dente du club du XXIe siè­cle, « un réseau qui milite pour la val­ori­sa­tion de la diver­sité »  en con­clu­ait qu’« il y a claire­ment néces­sité de renou­vel­er les vis­ages qu’on voit sur les antennes. Après nous avoir ren­con­trés en octo­bre 2015, Del­phine Ernotte en a con­venu et nous a promis de tra­vailler sur notre idée d’un annu­aire d’experts issus de la diver­sité ».

Dès 2015, la prési­dente de France Télévi­sions affir­mait sur Europe 1 : « On a une télévi­sion d’hommes blancs de plus de 50 ans et ça, il va fal­loir que ça change ». Et d’ajouter, il faut « impéra­tive­ment que France Télévi­sions soit à l’image, résonne avec son pub­lic ».

Le Monde indi­quait le lance­ment fin 2016 d’un « guide exper­tise », annu­aire de per­son­nal­ités issues de la diver­sité à des­ti­na­tion des jour­nal­istes et pro­duc­teurs d’émissions. « Imag­inée et mise en place avec le Club du XXIe siè­cle, réseau qui milite pour la val­ori­sa­tion de la diver­sité, cette plate­forme interne, appelée “Experts Plus” a recen­sé 150 per­son­nal­ités, toutes issues des minorités vis­i­bles, qui sont à même d’être invitées dans les JT et les émis­sions de débat ».

Le groupe Egae, qui « accom­pa­gne France Télévi­sions dans la réal­i­sa­tion (de l’) annu­aire en ligne d’expertes et experts issus de la diver­sité » dresse dans un Tweet un con­stat tranché de la représen­ta­tion de la diver­sité dans les médias. Ceux-ci auraient « ten­dance à repro­duire les iné­gal­ités exis­tantes dans la société : ils don­nent à voir une image défor­mée de notre société, masquant sou­vent les femmes ou les per­son­nes racisées ».

Du côté des associations

L’association France Télés Diver­sité a été créée en 2008, afin « d’assurer la pro­mo­tion de per­son­nes issues de la diver­sité et de com­bat­tre les dis­crim­i­na­tions sur les chaînes de l’audiovisuel pub­lic ». Dis­posant à l’origine d’un bureau et d’une adresse mail France télévi­sions four­nis par le groupe pub­lic, les rela­tions avec celui-ci sont dégradées. A un point tel que fin 2015, les dirigeants de l’association annonçaient la fin de ses activ­ités, au motif qu’« après le départ d’Hervé Bourges, Prési­dent du Comité Diver­sité de France Télévi­sions, quelques dirigeants de la direc­tion des ressources humaines ont con­sid­éré que nous étions des “enne­mis” à abat­tre ».

La Chance est une asso­ci­a­tion qui revendique 300 jour­nal­istes pro­fes­sion­nels bénév­oles qui pré­par­ent des étu­di­ants bour­siers aux con­cours des écoles de journalisme.

Le Club Aver­roès, créé en 1997, a mil­ité pour la présence d’une clause de diver­sité oblig­a­toire dans le cahi­er des charges des chaînes de télévi­sion et la présen­ta­tion de leur sit­u­a­tion en la matière dans le rap­port de fin d’année que présen­tent les chaînes au CSA. Son activ­ité sem­ble en veilleuse depuis quelques années, sans doute parce que ses reven­di­ca­tions ont été en par­tie sat­is­faites. L’OJIM y a con­sacré un arti­cle en juil­let 2017.

Du côté des institutionnels

Depuis 2006, le Con­seil Supérieur de l’Audiovisuel est, de par la Loi, « chargé de la représen­ta­tion de la diver­sité de la société française dans les médias audio­vi­suels ». La mis­sion impar­tie au CSA vise tous les sup­ports audio­vi­suels, que ce soit la télévi­sion ou la radio. Un baromètre annuel de la diver­sité a été créé en 2009. Ses objec­tifs sont présen­tés sur le site du CSA : mesur­er la diver­sité à la télévi­sion selon qua­tre critères : la caté­gorie socio­pro­fes­sion­nelle, le sexe, l’o­rig­ine perçue et le handicap.

Con­cer­nant l’o­rig­ine perçue, les résul­tats de la vague 2016 du Baromètre de la diver­sité aboutis­sent aux con­stats suiv­ants : « La représen­ta­tion des per­son­nes “perçues comme non blanch­es” à la télévi­sion est en hausse par rap­port à 2015 et 2014 (16 % en 2016 vs 14 % en 2015 et 2014). Toute­fois, les atti­tudes néga­tives sont incar­nées à 25 % par des per­son­nes perçues comme non blanch­es et les atti­tudes pos­i­tives le sont à 23 % ». On peut égale­ment not­er que les per­son­nes « perçues comme non blanch­es sont sur­représen­tées dans les activ­ités mar­ginales ou illé­gales, à hau­teur de 34 % ». Ces résul­tats amè­nent le jour­nal Les Echos à en con­clure que « la télévi­sion a encore beau­coup d’ef­forts à faire ».

Le rap­port annuel ren­du par le CSA au Par­lement sur ce sujet con­tient un cer­tain nom­bre de pré­con­i­sa­tions, dont notam­ment un encour­age­ment des chaînes de télévi­sion à pren­dre des engage­ments chiffrés s’agissant de la présence des per­son­nes représen­ta­tives de la diver­sité dans les fic­tions commandées.

Un élé­ment essen­tiel manque au con­stat empirique – jus­ti­fié ou non — d’une faible représen­ta­tion des minorités dans les médias : la com­para­i­son avec la com­po­si­tion eth­nique de la pop­u­la­tion du pays.

Sur quels con­stats se base-t-on pour affirmer qu’il y aurait une sous-représen­ta­tion des « non blancs » dans les médias et une sur­représen­ta­tion de ceux-ci dans les activ­ités mar­ginales ou illégales ?

Cette ques­tion ren­voie à l’absence de sta­tis­tiques eth­niques en France. Avec à la clef l’écueil souligné par la démo­graphe Michèle Trib­al­at de la mise en place d’une poli­tique de dis­crim­i­na­tion pos­i­tive. Celle-ci pour­rait se traduire par des quo­tas eth­niques et des recrute­ments non plus sur des critères de com­pé­tences mais d’origine. Un débat miné.

Tou­jours est-il que la con­seil­lère au CSA chargée de la diver­sité plaidait en octo­bre 2015 dans Libéra­tion pour la mise en place de « sta­tis­tiques eth­niques dans un cadre répub­li­cain ». Des sta­tis­tiques eth­niques qui exis­tent aux États-Unis, sans pour autant que la sous-représen­ta­tion des minorités pointée par la société améri­caine des rédac­teurs de jour­nal soit résolue.

Le pluralisme oublié

Autre écueil et non le moin­dre dans l’approche « diver­si­taire » des médias : n’aborder le sujet de la diver­sité que par le prisme de l’origine, alors qu’une diver­sité eth­nique ne garan­tit pas con­tre le manque de plu­ral­isme dans cer­tains médias. Un phénomène que l’OJIM dénonce régulièrement.

Crédit pho­to : © OJIM / enva­to elements