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La dynastie Niel aux commandes du Monde

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24 mars 2024

Temps de lecture : 5 minutes
Accueil | Veille médias | La dynastie Niel aux commandes du Monde

La dynastie Niel aux commandes du Monde

Temps de lecture : 5 minutes

Quand on parle d’un milliardaire contrôlant des médias, on pense immédiatement à Vincent Bolloré. Il en est pourtant un autre, et il ne possède pas que des titres inconnus. Xavier Niel, qui possède notamment Le Monde, est à la tête d’un empire médiatique qui tente de contrôler et guider les opinions, donnant des consignes de vote, traînant parfois entreprises et personnes dans la boue et veillant à appliquer aux faits un prisme moral sous couvert d’analyse scientifique.

Pigasse, Bergé et Niel, le dernier triumvirat du Monde

Tout com­mence en 2010, lorsque Xavier Niel, Pierre Bergé et Matthieu Pigasse devi­en­nent les prin­ci­paux action­naires du Monde. On se sou­vient que quinze ans plus tôt, en 1994, c’était un autre trio qui met­tait la main sur le titre tant con­voité, gage de sérieux et de neu­tral­ité. À l’époque, il s’agissait d’Alain Minc, Jean-Pierre Colom­bani et Edwy Plenel. Les années passent. Pierre Bergé meurt en 2017, Matthieu Pigasse s’associe à Daniel Kretinsky et Xavier Niel crée le fonds pour la presse indépen­dante, que Le Monde rejoin­dra en 2021.

Le fonds d’indépendance pour la presse est-il bien nommé ?

Le fonds d’indépendance pour la presse (FIP) con­tient Médi­a­part, depuis 2019, Libéra­tion, depuis 2020, et Le Monde, depuis 2021. Trois titres pour le moins à gauche donc. Les uns diront que c’est parce que la presse indépen­dante ne peut être que de gauche, la presse de droite étant par nature soumise à des intérêts allant à l’encontre de la déon­tolo­gie jour­nal­is­tique. Les autres qu’il n’y a que la presse de gauche pour avoir l’arrogance de se réu­nir dans un « fonds d’indépendance pour la presse ». Les derniers con­stateront que Xavier Niel a fine­ment nom­mé son fonds, et que ses trois titres peu­vent se glo­ri­fi­er sans peine d’y appartenir. Il n’est pas si sim­ple de prou­ver qu’un jour­nal n’est pas indépendant.

Le FIP, première pierre de la dynastie Niel

Le fonds d’indépendance pour la presse est l’œuvre de Xavier Niel, et il a fait en sorte qu’il reste dans le giron de sa famille pour des généra­tions… avec les titres qu’il pos­sède. Le prési­dent du FIP est désigné par le fon­da­teur, et peut chang­er à tout moment. Actuelle­ment, c’est Jules Niel, le fils, qui est sur ce siège éjectable. Notons au pas­sage qu’il n’avait que vingt ans lorsqu’il accé­da à ce poste pres­tigieux, et que cela ne sem­ble pas cho­quer out­re mesure des médias pour­tant prompts à fustiger les héri­tiers. Ajou­tons que, lorsque Xavier Niel quit­tera ce monde, ses droits de fon­da­teur seront trans­mis à ses ayant-droit. Julia Cagé, écon­o­miste des médias et prési­dente de la société des lecteurs du Monde, et Benoît Huet, avo­cat, notent dans une tri­bune dif­fusée par Arrêts sur Image en 2021, après avoir été refusée par Le Monde lui-même, que cette trans­mis­sion aux héri­tiers est « assez inhab­ituelle dans un fonds de dota­tion » et surtout qu’elle « sem­ble con­stru­ite pour que la pro­priété du Monde demeure ad vitam aeter­nam entre les mains d’une seule famille. »

Voir aus­si : Xavier Niel, portrait

Xavier Niel, une non-ingérence de façade ?

Xavier Niel a donc beau jeu d’affirmer que sa déten­tion per­son­nelle du Monde, via sa hold­ing NJJ Médias, est nég­lige­able. La réal­ité, c’est qu’il con­trôle les médias du FIP via des per­son­nes qu’il place à des­sein aux postes de direc­tion. Il forme ensuite ses ayant droits, ce qui lui per­met de s’assurer que les lignes des médias qu’il pos­sède ne chang­eront pas. Peut-être Xavier Niel a‑t-il fait de la non-ingérence son cre­do. Il est tou­jours dif­fi­cile de prou­ver qu’un pro­prié­taire de média impose sa ligne. Au reste, prou­ver que Vin­cent Bol­loré le fait est égale­ment dif­fi­cile. Sim­ple­ment, peut-être cer­tains titres n’ont-ils pas trop de scrupules à accuser les uns d’ingérence et les autres de soumis­sion. On peut not­er que Xavier Niel finance une par­tie de Causeur, sans pour autant en être l’actionnaire prin­ci­pal. Or, la ligne de Causeur n’a que peu en com­mun avec celle du Monde. Enfin, dans le groupe Le Monde se trou­ve un pôle indépen­dance, qui pos­sède 25% du jour­nal. Ce pôle est con­sti­tué de la rédac­tion et des lecteurs, ce qui doit per­me­t­tre l’indépendance d’un média. Ce pôle rem­plit peut-être son rôle, bien qu’il pos­sède une par­tie du groupe inférieur à celle du fonds d’indépendance pour la presse.

Xavier Niel, le contre-empire Bolloré ?

L’empire de Xavier Niel s’étend et en rap­pelle un autre, celui de Vin­cent Bol­loré. Il ne manque au pre­mier qu’une chose : un canal sur le domaine pub­lic audio­vi­suel français. On aura noté en effet que Xavier Niel ne pos­sède que des jour­naux papiers et web, et aucune chaîne de télévi­sion ou de radio. Une tare impor­tante, à l’heure où les réseaux soci­aux sont friands de vidéo et où les Français lisent de moins en moins. En 2023, les canaux 1 et 6 du domaine pub­lic étaient remis sur le marché, si l’on peut utilis­er cette expres­sion. Xavier Niel avait alors ten­té de pren­dre la place de M6, sans suc­cès. On com­prend mieux l’acharnement de ses titres à l’encontre de CNews, qui remet sa place sur le domaine pub­lic en ques­tion en 2025. Puisque Xavier Niel n’a pas sa chaîne, Bol­loré ne doit pas l’avoir non plus. Sans aller jusqu’à par­ler de con­flit d’intérêt (quoique), on peut donc s’interroger sur les biais des jour­nal­istes du groupe Le Monde qui cri­tiquent CNews pen­dant que l’ARCOM organ­ise les audi­tions pour l’attribution des fréquences entre le print­emps et l’été 2024 pour répar­ti­tion dès 2025.

Voir aus­si : Xavier Niel, infographie