La force tranquille
Dans le florilège des journalistes animant les débats du matin, Thomas Sotto sort du lot. Fini les journalistes qui haussent la voix pour se faire entendre ; au placard les questions distribuées à l’avance. Par son calme, sa courtoisie et son style bien à lui, Thomas Sotto tranche avec ses confrères. Le « Gilles Bouleau de la radio », comme il est parfois surnommé, est d’une certaine manière l’opposé du journalisme façon Jean-Jacques Bourdin vociférant et coupant sans cesse la parole à son invité.
Thomas Sotto est né en juillet 1973 à Paris d’une mère infirmière dans l’Éducation Nationale et d’un père commerçant. Journaliste et animateur de télévision et radio, il présente actuellement « la matinale » sur Europe 1.
Formation
Thomas Sotto a été scolarisé au lycée Claude-Bernard dans le 16e arrondissement de Paris. Il décroche son Bac D (S‑SVT) avec un an d’avance et rentre à l’Université Panthéon-Assas à Paris. Il y obtient une licence de droit et une maitrise en sciences politiques avant de s’orienter vers le journalisme en intégrant l’Institut Français de Presse (IFP) d’où il sortira diplômé en 1995 à l’âge de 22 ans.
Parcours professionnel
1995
Thomas Sotto débute sa carrière comme reporter sur les ondes de la radio RMC.
1999
Il rejoint Canal J, une chaîne pour la jeunesse, où il présentera le « JTJ » (Journal Télévisé des Jeunes) diffusé tous les soirs de la semaine à 19h50 en alternance avec Elizabeth Tchoungui.
2000
Thomas Sotto subit un grave accident de moto lui sectionnant les nerfs et paralysant son bras gauche. Il quitte alors le « JTJ » de Canal J (qui sera par ailleurs supprimé quelques mois plus tard). Mais il reprend rapidement du service sur les écrans en effectuant notamment un passage sur la chaîne Série Club avant d’intégrer France 3 Limousin-Poitou-Charentes.
2001
Il anime avec une de ses amies (Peggy Olmi) l’émission « A toi l’actu@ ! » sur la chaîne France 3. Une émission diffusée du lundi au vendredi à 17h30, qui se présente sous la forme de journal télévisé pour les jeunes de 6 à 12 ans (même si les audiences montreront que ce sont davantage les 12–15ans qui suivaient ce journal). Une émission en direct se déroulant dans un décor virtuel, qui décrypte l’actualité en une quinzaine de minutes. « A toi l’actu@ ! » sera remplacée en septembre 2002 par « Mon Kanar », un autre journal télévisé pour enfants. Il écourte rapidement l’expérience : « Je ne m’amusais pas: j’ai donc arrêté ». Dans le même temps Thomas Sotto officie également sur TV Breizh comme présentateur.
2005
Il participe au lancement de la chaîne Direct 8 sur la TNT. Sur cette même chaîne, il présentera « la matinale » avant de quitter Direct 8 pour BFMTV. Selon Philippe Labro, cofondateur de la chaîne, il aurait mal vécu la décision de Vincent Bolloré d’imposer une des ses favorites à ses côtés pour présenter la matinale : « Thomas Sotto est venu me voir en me disant qu’il n’en pouvait plus parce que cette collaboratrice était très en dessous de ce qu’il considérait être de la qualité, ça le fatiguait » (La revue des médias). Cette même année, il participe en effet également au lancement de la chaîne d’informations en continu sur laquelle il présente notamment les informations sportives.
2006
Il présente « BFM Soir » sur BFMTV, le samedi et le dimanche de 18h à 21h, en compagnie de Céline Couratin, Gaëlle Copienne, Valérie Béranger, Maxime Cogny et Simon Rodier. Lorsqu’il ne présente pas « BFM Soir », Thomas Sotto effectue des reportages pour la chaîne. Cette même année, il est en effet l’envoyé spécial de la chaîne au Liban où il couvre les attaques israéliennes. Pour la première fois Thomas Sotto se rend sur une zone de guerre.
2007
Il devient le présentateur du « QG de l’info » sur BFMTV.
2008
Thomas Sotto présente et anime l’émission « Partageons nos idées » sur BFMTV. Une émission permettant aux internautes d’interagir en direct avec les invités de la chaine à l’aide de leurs webcams.
2011
Il quitte BFMTV pour rejoindre M6 et succéder à Guy Lagache dans la présentation de l’émission économique phare de la chaîne, « Capital » (et « Capital Terre »). Thomas Sotto dirige alors pour la première fois une émission diffusée à des heures de grande écoute. Il parviendra à maintenir la même audience que ses prédécesseurs.
2012
À l’occasion d’un numéro de « Capital » consacré à un hypothétique retour au franc, Marine Le Pen, invitée de Thomas Sotto, s’agace des questions du journaliste qu’elle qualifie de « pénible ». Une année durant laquelle Thomas Sotto recevra sur son plateau les candidats à la présidentielle, dont François Hollande.
2013
Thomas Sotto succède à Bruce Toussaint sur Europe 1 pour présenter « la matinale ». Il restera également aux commandes du magazine « Capital » sur M6.
Cette même année Jean-Jacques Bourdin se félicite ironiquement que ses slogans « inspirent certains, comme Jean-Michel Apathie sur Canal avec “Les yeux dans les yeux”, ou Thomas Sotto sur Europe 1 avec “tout savoir, tout comprendre”. Je suis heureux qu’ils reprennent mes idées, ce doit être la rançon du succès ». Une réflexion que les intéressés prendront sur le ton de l’humour : « C’est une évidence, avant Jean-Jacques Bourdin le journalisme n’existait pas… ».
Un an après l’élection de François Hollande à la présidence de la République, ce dernier revient sur le plateau de « Capital » en compagnie de Thomas Sotto sur le thème « La France en panne : comment faire sauter les verrous ? »
2014
Thomas Sotto quitte M6 et l’émission « Capital » pour se consacrer uniquement à « la matinale » d’Europe 1. Il sera remplacé sur M6 par François-Xavier Ménage qui vient lui aussi de BFMTV.
Cette même année, Thomas Sotto reçoit Bernard Tapie et revient à cette occasion sur l’affaire de l’arbitrage du Crédit Lyonnais et au rôle joué par Claude Guéant et Nicolas Sarkozy dans cette affaire. Un sujet qui n’est pas du goût de l’homme d’affaires qui achève l’interview en quittant brutalement l’émission et même tapotant la tête de Thomas Sotto pour lui signifier son ras-le-bol…
À la suite de cette séquence, le journaliste Bruno Roger-Petit écrira : « À la fin d’une interview appelée à devenir légendaire, le propriétaire du groupe de presse “La Provence”, après avoir évoqué les “journalistes véreux”, a quitté le studio de la rue François Ier, excédé par les questions précises et incisives de celui qui présente la tranche du matin de la station […] jouant de l’intimidation physique, tapant sur l’épaule, puis deux fois sur la tête de Thomas Sotto, chaque fois plus violemment, façon Tony Soprano des médias. »
Quelques jours auparavant c’est l’acteur de cinéma Gérard Depardieu qui s’emportait face au journaliste évoquant ses différentes nationalités et ses liens avec Vladimir Poutine. Une interview téléphonique à l’issue de laquelle l’acteur avait fini par lancer : « tu veux que je vienne à Europe 1 ? Tu veux que je t’allume ? »
En septembre de la même année, Thomas Sotto évoque la loi Alur sur l’accès au logement (aussi appelée loi Duflot) sur les ondes d’Europe 1. À cette occasion, il se fait reprendre sur le réseau social Twitter par l’ancienne ministre « Dites Thomas Sotto, faut pas dire des bêtises : la loi Alur ne fait pas augmenter les loyers bas ! […] Ce n’est pas du journalisme que de reprendre des a priori infondés comme paroles d’évangile ! »
2017
En juin il est remercié d’Europe 1 au profit de Patrick Cohen. En septembre 2017 il passe au service public et présente l’émission Compléments d’enquête (France 2). Il devient aussi joker de Laurent Delahousse pour les journaux télévisés du dimanche.
2018
En juin, il arrête Compléments d’Enquête et va en juillet 2018 dans l’Émission politique de Léa Salamé.
2019
Il débarque en août sur les ondes de RTL afin de remplacer Marc-Olivier Fogiel sur la tranche 18h-20h (« RTL Soir »), parti présider les destinées de BFMTV.
2021
Le journaliste est contraint de quitter RTL pour se mettre en conformité avec la directive de France Télévisions selon laquelle les figures de l’info ne doivent plus officier simultanément sur des radios privées. Depuis août 2021, il présente « Télé Matin » aux côtés de Julia Vignali. Peu de coups d’éclats à son actif, hormis peut-être ses prestations musclées face à l’ambassadeur de Chine et le porte-parole de l’ambassade de Russie.
Le journaliste renonce à présenter « Elysée 2022 »en pleine course à la présidentielle. La raison ? Sa compagne est Mayada Boulos, ancienne numéro 2 de Havas et directrice de la communication de Jean Castex. Il est remplacé dans ses fonctions par Laurent Guimier, le directeur de l’information de la chaîne Au Parisien, il confie sa seule consolation, celle d’être « le premier homme à s’effacer pour une femme, alors que jusqu’à présent c’était toujours elles qui étaient priées de rester à la maison ». Il continue toutefois à animer « Télématin » et assurer le rôle de joker de Laurent Delahousse sur France 2.
Comme si tout cela ne suffisait pas, il inaugure la même année, une émission d’entretien relativement consensuelle sur France Inter baptisée « Hors-piste ».
Publications
- Une aventure nommée Federer, éditions du Rocher, 2019.
Collaborations
Swatch, avec sa montre orange, offerte par les équipes du magazine Capital quand il est parti. Nicolas Canteloup en a fait un focus, et l’intéressé a relevé le défi en la lui offrant : « comme tout le monde me demandait où elle était passée, Swatch m’en a offert une autre, que je porterai à l’antenne ! », a‑t-il expliqué au Figaro (07/9/2017).
Ce qu’il gagne
D’après Le Canard enchainé daté du 7 juin 2017, Sotto a perçu un salaire de 455 265 euros net en 2016 sur Europe 1, soit 37 938 euros par mois.
Parcours militant
Non renseigné.
Il a dit
« Je ne suis pas là pour être une star, mais pour être au service des reporters », Le Journal Du Dimanche, 2014.
« Tant que les gens de gauche penseront que je suis de droite et vice versa, ça m’ira très bien », Le Journal Du Dimanche, 2014.
« Mes parents ont su m’inculquer des valeurs de respect et de plaisir de la vie. Ce n’était pas militaire, mais il y avait des règles. La télévision avait une clé », Le Journal Du Dimanche, 2014.
« Mais pour moi, ce n’est pas un clash, juste un show qui l’a amusé aussi (à propos de son interview avec Gérard Depardieu). Ce n’est pas la même chose avec Tapie, dont l’attitude est plus incompréhensible. Il a d’abord quitté le plateau furax après la présentation de Julie, puis il est revenu après une discussion avec les dirigeants d’Europe 1. Je pense qu’il a cru qu’il m’aurait tanné le cuir, mais j’ai fait exactement l’interview que j’avais prévue, sans agressivité », Nice-Matin, 2014.
« Cette chasse hystérique au buzz est insupportable et fait énormément de mal à notre métier, car on n’a plus le temps de se poser ni de hiérarchiser l’info, on est dans l’écume des vagues en permanence », Nice-Matin, 2014.
« Je suis quelqu’un de bordélique à peu près structuré », Le Figaro, 2014.
« On me dit que parfois je mords aux mollets. Je n’aime pas. On peut bien faire son job sans mordre », Télérama, 2015.
« Je ne suis pas là pour être ami ou ennemi avec les gens. Je ne cherche pas à ce qu’ils repartent fâchés ni contents. Mais je reste persuadé qu’il faut rester courtois en toutes circonstances. Même quand vous avez en face de vous quelqu’un qui ne l’est pas, comme je l’ai vécu par exemple avec Bernard Tapie en direct il y a quelques mois… », Le Parisien, 2015.
« Je fais partie de ce peu de Français qui vivent du métier qu’ils aiment. Mais je suis parti sur une audience en hausse, et ça remet les choses à leur place », Le Figaro, 07/09/2017.
« La principale préoccupation des gens est de savoir comment boucler le mois. Il faut garder ça à l’esprit. Mon père était commerçant de quartier, ma mère infirmière. L’éducation qu’ils m’ont donnée vaut toutes les écoles de journalisme. Il n’y a que l’école de la vie pour vous rappeler la fragilité des choses », ibid.
« [Laurent Delahousse]fait partie des belles rencontres que j’ai faites. Je le connaissais très peu. C’est lui qui a demandé à ce que je sois son remplaçant. Et ça me touche. Laurent Delahousse a réussi à inventer quelque chose en télé, et c’est ce qu’il y a de plus difficile », ibid.
« Je suis handicapé du bras gauche. Je n’ai pas cherché à cacher mon handicap. J’ai compris qu’il fallait mieux ne pas le montrer dans le métier que je fais », France Inter, 17/11/2017.
« Est-ce qu’aujourd’hui, en 2020 en France, ce n’est pas un problème de se dire qu’on ne peut pas faire une émission de télévision en banlieue parisienne en étant sécurisé ? Ce sont les forces de l’ordre qui nous ont dit ça », Valeurs Actuelles, 27/11/2020.
« А l’avenir, je crains que le journalisme ne fasse les frais de mesures d’économies dans les médias. Qu’on arrête le reportage, car cela coûte cher. Qu’on ne fasse que des micros-trottoirs. Qu’on mette des gens autour d’une table et qu’on ne fasse plus de l’information, mais de l’éditorialisation. Ce n’est pas forcément désagréable а écouter. Mais ce n’est pas du journalisme. Il ne peut pas y avoir que des éditorialistes », Le Point, 01/07/2022.
« Moi ma limite, c’est le droit ; c’est la loi. […] Si on me disait demain : « est-ce que tu veux recevoir Dieudonné demain » — Non, ça ne m’intéresse pas », Les rencontres de Montaigne, 03/03/2024.
Ils ont dit
« Le “Gilles Bouleau de la radio ” », Le Journal Du Dimanche, 2014.
« Reconnu pour sa compétence, sa réactivité et sa fine connaissance de l’actualité, Thomas Sotto est déjà parvenu à redresser les audiences de la station de la rue François Ier, avec 7,8% de part d’audience sur la période septembre-octobre (contre 7,5% un an plus tôt pour son prédécesseur Bruce Toussaint) », Le Figaro, 2014.
« Thomas Sotto est à la radio, sur Europe 1, ce que Gilles Bouleau est à la télévision, sur TF1. L’incarnation d’un mode de journalisme audiovisuel en accord avec la demande de l’époque. Pas d’esbroufe. Pas de leçon. Pas de mise en scène de soi-même », Bruno Roger-Petit, Le Nouvel Obs, 2014.
« Faites attention M. Sotto… Peut-être qu’un jour, vous me retrouverez… », Nicolas Sarkozy sur Europe 1, 2015.
« Thomas Sotto, le malin des matins d’Europe 1 », Télérama, 2015.
« Au début, il voulait n’être jugé que sur son boulot de journaliste, et ne surtout pas verser dans l’entertainment. Il a compris que laisser filtrer son humanité et sa chaleur pouvait, en le rendant plus agréable à entendre, porter son travail. », Fabien Namias, Télérama, 2015.
« Thomas Sotto, il va dormir quand ? Entre « Télématin», l’émission politique, les remplacements au JT et France Inter, il va exploser. Quelle que soit sa capacité de travail. Surtout en année présidentielle », une personnalité de France Télévisions souhaitant rester anonyme, Le Parisien, 2021.
« En réalité T. Sotto ne l’a pas vraiment écrit, ce livre. Je ne doute pas que cela soit lui qui ait couché les lignes, mais sa démarche s’est limitée la plupart du temps à interroger des personnalités médiatiques acquises à l’amour de Federer (Anne-Sophie Lapix, Bernard Arnaud, Raphaël Enthoven…), prêtes à nous dire que la sueur du suisse ne pue pas (sans rire) et qu’il ou elle a eu l’immense distinction d’avoir tapé la balle avec lui », Sens Critique, 29 septembre 2021.
« Maintenant, si vous croyez que ce matin, sur le service public, payé avec l’argent de ceux qui nous regardent, dans une émission de qualité comme la vôtre, avec les problèmes que connaît le pays, il faut qu’on reparle de propos de Jean-Marie Le Pen qui ont 35 ans, alors vous êtes tombés bien bas », Jordan Bardella, « Télématin », France 2, 27 novembre 2023.
Sa nébuleuse
Fabien Namias, directeur général d’Europe 1 ; Jean-Pierre Elkabbach ; Victoire de Rincquesen, journaliste Europe 1 ; Hélène Zélany, journaliste à « la matinale » d’Europe 1 ; Patrice Thomas, corédacteur en chef de « la matinale » d’Europe 1 ; Natacha Polony ; Daniel Cohn-Bendit ; Franck Ferrand, écrivain et journaliste ; Nicolas Canteloup ; Nicolas Escoulan, directeur de la rédaction d’Europe 1 ; Nikos Aliagas, son successeur à la présentation de la matinale d’Europe 1, avec qui il passe ses vacances et va « parfois déjeuner au Café des Officiers (Paris VIIe) » ; Nicolas de Tavernost, ancien président du directoire de la chaîne de télévision M6 ; Anne Sinclair ; Élizabeth Tchoungui, écrivain, journaliste et animatrice de télévision ; Céline Couratin, journaliste avec Thomas Sotto sur BFMTV ; Gaëlle Copienne, journaliste et coach en prise de parole ; Valérie Béranger, journaliste pour BFMTV ; Maxime Cogny, journaliste pour BFMTV ; Olivier Mazerolles ; Ruth Elkrief ; Julia Vignali (2021–2023) et Marie Portolano (2023- ), ses binômes sur Télématin.
Crédit photo : DR Europe 1