Rediffusion estivale. Première diffusion le 14 juillet 2021
Les journalistes des médias de grand chemin n’en reviennent pas : la liberté d’expression qu’ils prétendent défendre à corps et à cri, quotidiennement, s’invite dans leurs studios. Mais c’est une liberté qui ne pense pas comme eux. Que croyez-vous qu’il advint ? La liberté d’expression, ils n’en veulent pas finalement.
La rédaction d’Europe 1 ne supporte pas le pluralisme
Nous en parlions déjà fin juin, 76 salariés (sur 204) dont 36 journalistes radio auraient, à la date du 7 juillet 2021, déposé un dossier pour quitter Europe 1 dans le cadre de la rupture conventionnelle collective. Ce sont ceux qui s’étaient réunis en assemblée générale début juillet et s’étaient alarmés de la venue de personnalités de « droite ou d’extrême droite ». Une assemblée générale qui avait débouché sur deux jours de grève. Le conflit se déroule dans le contexte de la réorganisation de la radio voulue par Vincent Bolloré et du rapprochement avec CNews. Malgré les apparences, c’est une minorité qui se plaint.
Ce qui gêne ce groupe minoritaire de salariés, s’affirmant clairement de la gauche libérale libertaire ? La venue de journalistes ayant des opinions politiques un peu différentes, comme Dimitri Pavlenko, Laurence Ferrari ou Sonia Mabrouk. Ils partent au nom de la liberté d’expression ? Au contraire, leur départ se fait en fonction du refus de cette même liberté. Autres changements sur Europe 1, Patrick Cohen s’en va… pour retourner dans le giron de Radio France, il animera « L’Esprit public », l’émission dominicale de débat (comprenez, d’absence de débat) politique de France Culture. Comme le service public est bon prince il prendra également du galon sur France 5, dans le magazine C à vous.
Sur France Inter, on ne veut pas plus de pluralisme non plus
Le refus du pluralisme dans les médias (au nom de la lutte pour le pluralisme) ne touche pas seulement la rédaction d’Europe 1. Il en va de même sur France Inter. Dimanche 4 juillet 2021, la directrice de France Inter annonçait l’arrivée sur les antennes de la radio de Natacha https://www.ojim.fr/portraits/natacha-polony/ Polony, directrice de la rédaction de Marianne, Cécile Duflot, ancienne député et Ministre Europe Écologie Les Verts, Alexandre Devecchio, rédacteur en chef adjoint du Figaro, et Étienne Gernelle, directeur du Point. Pas de quoi casser quatre pattes à un canard : ils viennent d’organes de presse inscrits dans le jeu démocratique, même s’ils sont pour Polony et Devecchio, de diverses manières, critiques de l’idéologie libérale libertaire au pouvoir. Et certains ont déjà officié régulièrement sur les antennes de Radio France, à l’image d’Alexandre Devecchio dans l’émission « Les Informés » de Franceinfo.
La Société des journalistes et son nombril
La réaction de la Société des journalistes de la station (ou de ceux qui rédigent les communiqués) donne une idée de la conception en vigueur de la liberté d’expression et du pluralisme politique : « En tant que journalistes, à l’approche des échéances de 2022, nous considérons qu’offrir aux auditeurs « une boîte à outils pour leur permettre de se forger une opinion » [ce sont les propos de la directrice de France Inter] devrait passer par de la pédagogie, du reportage (…) et non par un panel d’opinions dans lesquelles il faudrait ensuite piocher, en choisissant le plus convaincant plutôt que le mieux informé ».
Les journalistes en place sur France Inter ne veulent surtout pas d’un panel d’opinion. Ils le disent clairement, ils ne veulent qu’une seule opinion. Pourquoi ne pas continuer, en effet, à multiplier, comme il est d’usage sur France Inter, les reportages et outils d’information allant tous politiquement dans le même sens ?
Discutant avec Nadine Morano, il y a peu, sur Cnews, cette dernière se plaignant de n’être jamais invitée sur France Inter, Pascal Praud réagissait ainsi : « France Inter, c’est de la propagande ». Qui l’ignore ?
Reste que, épidermique, la réaction de la Société des journalistes de la station est d’autant plus tombée à plat que le rendez-vous quotidien et matinal auquel participeront les quatre nouveaux venus durera… 2 minutes 30 et s’intitulera « En toute subjectivité ». Et ce sera sous le contrôle avisé de Nicolas https://www.ojim.fr/portraits/nicolas-demorand/ Demorand. Peu de choses ? Il suffit de cela pour que les tenants des médias de grand chemin voient venir un risque au moins mondial.
Qu’en pense Laurence Bloch, directrice de France Inter ? « France Inter doit être un territoire commun où l’on peut s’écouter, échanger et s’entendre ». C’est loin d’être gagné.