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Zizanie à Europe 1 sur fond de rapprochement avec CNews

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22 juin 2021

Temps de lecture : 5 minutes
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Zizanie à Europe 1 sur fond de rapprochement avec CNews

Temps de lecture : 5 minutes

Durant la semaine du 14 au 19 juin 2021, l’actualité des médias a été marquée par une crise au sein de la rédaction d’Europe 1. Retour sur les principales données récentes de la crise.

Acte 1

Il y a du rifi­fi à Europe 1 depuis le rachat virtuel de la radio par Vin­cent Bol­loré et l’apparition de craintes, du côté de la rédac­tion, d’un rap­proche­ment avec CNews. Une crainte avant tout poli­tique : la majorité des mem­bres de la rédac­tion d’Europe 1 voient la « méchante » droite (au min­i­mum) partout. Ce fut déjà le cas lorsque le jour­nal­iste Louis de Raguenel quit­ta Valeurs actuelles pour diriger le pôle poli­tique de la radio. La rédac­tion d’Europe 1 et les syn­di­cats avaient exprimé leur crainte d’une « droiti­sa­tion », si bien qu’en décem­bre 2020 le jour­nal­iste n’était plus que directeur adjoint du ser­vice politique.

Une AG réduite en nombre

Mer­cre­di 16 juin 2021, une quar­an­taine de salariés d’Europe 1 se sont réu­nis en assem­blée générale pour, selon Le Monde, « évo­quer l’avenir de la radio ». 40 sur 204 salariés, dont une majorité de jour­nal­istes. Leur inquié­tude est liée au fait que le pre­mier action­naire de la radio, Vin­cent Bol­loré, imposerait ses vues : « Per­son­ne ne se fait dillu­sion. Nous sommes par­tis sur un virage édi­to­r­i­al, avec la mise en place de ponts avec CNews, une chaîne ultra-con­ser­va­trice, et Canal+ [deux pro­priétés de Viven­di] », témoigne un jour­nal­iste présent à la réu­nion. « On arrive en année prési­den­tielle. Tout cela doit être débat­tu. » Divers jour­nal­istes de CNews, dont Sonia Mabrouk, pour­raient rejoin­dre Europe 1. Ce que refuse « l’assemblée générale ». Un refus de plus de plu­ral­isme au sein de la radio, comme l’indique l’acte 2.

Acte 2

Jeu­di 17 juin 2021, Le Monde pub­lie une tri­bune signée par « La Société des rédac­teurs et linter­syn­di­cale SNJ, CGT, CFTC et FO dEurope 1 ». Son con­tenu est édi­fi­ant et l’introduction sur­prenante : « Nous vivons une époque sin­gulière, mar­quée par une mon­tée des ten­sions dans la société, la mul­ti­pli­ca­tion de « fake news », un repli iden­ti­taire cer­tain. Un con­texte qui favorise ces dernières années la cristalli­sa­tion du débat poli­tique, cer­tains, même, nhési­tant plus à appel­er à la séces­sion. Plus que jamais, dans ce cli­mat de crispa­tion, les médias ont la respon­s­abil­ité de décrypter cette époque, démêler le vrai du faux, créer du lien social et de savoir faire dia­loguer les uns et les autres dans le respect du pluralisme. » 

Si le lecteur com­prend bien, que Vin­cent Bol­loré soit en posi­tion dom­i­nante au sein de la radio représente une men­ace (« mon­tée des ten­sions », fake news, « repli iden­ti­taire », « séces­sion »). Et « le respect du plu­ral­isme » au sein de la rédac­tion serait men­acé. Le même col­lec­tif qui, en 2020, ne voulait pas du jour­nal­iste Louis de Raguenel, coupable d’être de « droite », se pré­tend men­acé dans le domaine du « plu­ral­isme ».

« Devenu pre­mier action­naire du Groupe Lagardère, il (Vin­cent Bol­loré) a désor­mais les coudées franch­es pour con­cré­tis­er son pro­jet… sans même avoir besoin de racheter la radio. La mise à l’écart de voix « mai­son » et leur prob­a­ble rem­place­ment par des nou­veaux venus « vus sur CNews », ain­si que la méth­ode con­sis­tant à met­tre à pied ceux qui expri­ment trop fort leur désac­cord nous mon­trent que ce pro­jet est enclenché. »

Le col­lec­tif sig­nataire est par con­tre tou­jours resté silen­cieux quand les nou­velles voix prove­naient de France Inter. Où le bât blesse-t-il ?

« En liant son sort à une chaîne qui sillus­tre à longueur de journée par un activisme poli­tique forte­ment ancré à droite, voire par­fois à lextrême droite, Europe 1 va per­dre ce qui lui reste de plus pré­cieux : son cap­i­tal de crédibilité auprès des auditeurs. »

Out­re le qual­i­fi­catif de droite extrême, dénué de sens, les sig­nataires ne sem­blent pas se ren­dre compte que, tout au con­traire, un peu d’ouverture au plu­ral­isme, à la droite intel­lectuelle et médi­a­tique donc, pour­rait sauver la sta­tion en perdi­tion qui nav­igue autour de 5% d’audience con­tre 10% aux belles heures, mais avec les mêmes effectifs.

Acte 3

Ven­dre­di 18 juin 2021, dans un bel enchaîne­ment sur trois jours, avec l’aide du Monde, « La rédac­tion a décidé de cess­er de tra­vailler pour pro­test­er con­tre la mise à pied dun jour­nal­iste, alors que les ten­sions se mul­ti­plient au sein de la sta­tion, sur fond de rap­proche­ment avec la chaîne dinfor­ma­tions CNews. » (Le Monde).

L’Assemblée a entériné un appel à la grève par 84 voix sur 95 votes sur 204 salariés. Out­re la grève, ces salariés ont réclamé l’arrêt de la procé­dure de licen­ciement lancée à l’encontre de Vic­tor Dhol­lande. La direc­trice de la radio, Con­stance Ben­qué, leur a rétorqué qu’ils igno­raient la nature « exacte » des faits reprochés. Étant don­né les ten­sions et les posi­tions irré­ductibles se faisant face, plusieurs mem­bres de la rédac­tion com­men­cent à voir « un scé­nario à la i>Télé ». Un scé­nario où i>Télé en piètre forme et large­ment remaniée est dev­enue CNews, le chal­lenger à suc­cès de BFMTV. Les 84 sig­nataires auraient-ils peur du suc­cès ou peur d’un vrai pluralisme ?

À suiv­re.