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Vœux à la presse : les inquiétantes déclarations d’Emmanuel Macron

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16 janvier 2022

Temps de lecture : 4 minutes
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Vœux à la presse : les inquiétantes déclarations d’Emmanuel Macron

Temps de lecture : 4 minutes

Mardi 11 janvier 2022, le président de la république présentait ses vœux à la presse : une séquence inquiétante au cours de laquelle le président s’est présenté en pourfendeur du complotisme tout en indiquant les pistes de travail pour les réformes ayant trait à l’information en cas de réélection.

C’est un exer­ci­ce clas­sique mais qui a une saveur par­ti­c­ulière à quelques semaines de l’élection prési­den­tielle : Emmanuel Macron for­mu­lait mar­di ses vœux à la presse dans un con­texte par­ti­c­uli­er de crise san­i­taire. Des vœux placés sous le signe de la flat­terie et qui auront été l’occasion de présen­ter les con­clu­sions du rap­port Bron­ner : « Les Lumières à l’ère du numérique ».

Flatterie et lutte contre le complotisme

Soucieux de ne pas trop froiss­er une pro­fes­sion faiseuse de roi en matière élec­torale, le prési­dent s’est mon­tré très docile vis-à-vis d’une caste qui avait su écarter un can­di­dat pas à son goût il y a cinq ans. Van­tant le tra­vail de véri­fi­ca­tion de l’information et du rôle joué par les médias dans la crise san­i­taire, le prési­dent français s’est même mon­tré chau­vin sur les médias français qui auraient eu un com­porte­ment par­ti­c­ulière­ment « libre et éclairé ». En revanche, il décrit une men­ace qu’il qual­i­fie de « bulle de dés­in­for­ma­tion » et de phénomène com­plo­tiste con­tre lesquels il pré­conise une « édu­ca­tion à l’information ».

Le prési­dent n’a pas man­qué de saluer les « ini­tia­tives civiques » de la presse d’État ou sub­ven­tion­née qui a, par exem­ple, pub­lié des attes­ta­tions à découper, dépas­sant ain­si son rôle d’information s’inscrivant dans une démarche qual­i­fiée d’intérêt général…

Évo­quant la loi sur la lib­erté de la presse de 1881, il affirme que rarement la presse n’a été autant frag­ilisée dans le pays mais évoque, pour illus­tr­er son pro­pos les men­aces con­tre la presse dans le monde. Une « démon­stra­tion ban­cale » pour laque­lle il cite une ONG con­tro­ver­sée, Reporters Sans Fron­tières, tout en évi­tant d’évoquer l’épineux cas de Julian Assange… Ou même le classe­ment des pays en matière de lib­erté de la presse qui fait fig­ur­er la France à la 34ème place der­rière l’Afrique du Sud et le Ghana notamment.

En matière de presse, c’est la faute des étrangers !

D’étranger il en a cepen­dant été ques­tion lors de ces vœux… Mais de médias étrangers ! Si aucun nom n’a été cité, le spec­tre de la Russie planait sur les sous-enten­dus macroniens. Fustigeant les pays qui ne respecteraient pas sa vision de l’information et de la lib­erté de la presse chez eux tout en envoy­ant des jour­nal­istes en France, il n’a pas pris le risque d’égrainer les noms des médias qui peu­vent répon­dre à cette cri­tique : le Qatar avec AJ+ et Bein Sport peut donc dormir sur ses deux oreilles.

Évo­quant la créa­tion d’un obser­va­toire mon­di­al « à la manière du Giec » pour faire face aux « infodémie » (pandémie + infor­ma­tion), il entend défendre les « médias d’intérêt pub­lic », une sorte de label­li­sa­tion par l’État inquié­tante pour l’indépendance des médias. Le prési­dent a enfin évo­qué la néces­sité de ren­forcer ces médias pour défendre la démocratie.

Les bonnes et les mauvaises concentrations

Le prési­dent Macron a, par ailleurs, dit son inquié­tude con­cer­nant les con­cen­tra­tions, petit clin d’œil à Vin­cent Bol­loré qui agran­di son empire médi­a­tique depuis le début du quin­quen­nat. En matière de con­cen­tra­tion de média il y aurait donc les bonnes et les mau­vais­es con­cen­tra­tions. Celles de ses amis (coucou Patrick Drahi) et les autres ! Le prési­dent affirme même vouloir faire évoluer le droit sur la con­cen­tra­tion médi­a­tique (en cas de sec­ond man­dat) et sur le rachat par des groupes étrangers.

Et demain, le meilleur des mondes

Les vœux ont enfin été l’occasion de présen­ter les con­clu­sions du rap­port Bron­ner du nom du prési­dent de la com­mis­sion qu’il avait lui-même créé en sep­tem­bre 2021. Cette com­mis­sion sur la « dés­in­for­ma­tion » et le « com­plo­tisme » égale­ment appelée « Les Lumières à l’ère du numérique » a donc don­né un ensem­ble de pistes que le prési­dent voudrait pour­suiv­re en temps que garant. Par­mi ces élé­ments on retrou­ve le con­trôle entre pairs qui con­siste en un con­trôle réciproque des jour­nal­istes. Cha­cun sera donc le polici­er de cha­cun dans la fameuse « société de surveillance ».

Enfin con­cer­nant les plate­formes privées, le prési­dent les con­sid­ère comme « un bien com­mun », ce qui est faux, et il entend tra­vailler avec celles-ci pour con­trôler les algo­rithmes qui faussent l’information. Une inquié­tude vis-à-vis des algo­rithmes qu’il n’avait pas en 2016 lors de sa cam­pagne prési­den­tielle.

À la fin d’un quin­quen­nat qui finit sur des notes très autori­taires, alors que le prési­dent a mon­tré par le passé qu’il n’avait pas un amour immod­éré de la lib­erté de la presse, les jour­nal­istes présents lors des vœux ont chaude­ment applau­di leur prési­dent.

Voir l’intégralité des vœux d’Emmanuel Macron