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Révélations sur les relations troubles entre ONG et passeurs : les médias français détournent le regard

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25 juillet 2021

Temps de lecture : 7 minutes
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Révélations sur les relations troubles entre ONG et passeurs : les médias français détournent le regard

Temps de lecture : 7 minutes

Red­if­fu­sion esti­vale. Pre­mière dif­fu­sion le 17 mars 2021

L’étau se resserre autour de certaines ONG suspectées de collaborer avec les trafiquants d’êtres humains en Libye et de faciliter l’immigration clandestine en mer Méditerranée. Les récentes révélations du journal suisse Le Temps à ce sujet, bien qu’explosives, n’intéressent visiblement pas les médias français de grand chemin, probablement trop occupés à vanter les mérites de l’immigration et de la diversité.

L’immigration clandestine en Méditerranée : un phénomène massif passé sous silence

Il y a encore quelques mois, l’actualité était ryth­mée par les annonces des arrivées inces­santes de bateaux chargés de clan­des­tins sur les côtes ital­i­ennes ou à Malte. La ques­tion de la répar­ti­tion des migrants entre pays européens se posait inévitable­ment. Les pro­gres­sistes s’empressaient de min­imiser l’ampleur des flux migra­toires, les pop­ulistes pré­con­i­saient quant à eux la tolérance zéro face à cette immi­gra­tion incontrôlée.

Nos dirigeants ont rapi­de­ment com­pris le mau­vais effet que les annonces sans cesse renou­velées des répar­ti­tions de migrants entre pays européens fai­sait auprès de l’opinion publique, en par­ti­c­uli­er en pleine pandémie de coro­n­avirus. Ils sont désor­mais beau­coup plus dis­crets au sujet de celles-ci, et elles échap­pent main­tenant à toute médi­ati­sa­tion. Mais cela ne sig­ni­fie en aucun cas que l’immigration clan­des­tine arrivant sur les côtes européennes soit à l’arrêt, comme en témoignent les sta­tis­tiques tenues par le Haut-com­mis­sari­at aux réfugiés des Nations Unies.

Depuis le début des années 2010, c’est par mil­lions que les clan­des­tins sont arrivés en Europe par la mer méditer­ranée. Et comme nous le soulignions en début d’année, la pandémie de coro­n­avirus a à peine infléchi la ten­dance en 2020. Cette immi­gra­tion illé­gale mas­sive ne serait pas pos­si­ble sans un écosys­tème favorisant les pas­sages inces­sants de clan­des­tins, un écosys­tème dont les rouages n’intéressent, à la lumière des dernières révéla­tions, pas beau­coup les médias de grand chemin.

Des suspicions déjà anciennes

Les sus­pi­cions de col­lu­sion entre les passeurs et cer­taines Organ­i­sa­tions Non Gou­verne­men­tales pour favoris­er le trans­port des clan­des­tins sur les côtes ital­i­ennes et grec­ques ne sont pas nou­velles. L’Observatoire du jour­nal­isme a con­sacré plusieurs arti­cles à ce sujet :

- Le 16 décem­bre 2016, nous fai­sions état du tra­vail d’investigation de la fon­da­tion néer­landaise Gefi­ra qui accrédi­tait la thèse selon laque­lle des ONG font pass­er les migrants en Europe « à une échelle indus­trielle » en lien étroit avec cer­tains passeurs. Ces travaux avaient fait l’objet d’un pitoy­able debunk­age de Libéra­tion.

- Le 20 décem­bre de la même année, nous rela­tions une enquête menée par le Finan­cial Times à par­tir d’informations de Fron­tex. Celle-ci aboutis­sait à la con­clu­sion de l’existence de liens entre des réseaux crim­inels et cer­taines ONG dont les bateaux croisent en mer méditer­ranée, dans un objec­tif affiché de « sauve­tage en mer ».

- En juil­let 2017, nous con­sac­rions un revue de presse au rôle des ONG dans la crise des migrants. Nous rele­vions que le jour­nal Le Monde avait fait état le 24 avril 2017 des déc­la­ra­tions d’un pro­cureur ital­ien affec­té à Catane, dans l’est de la Sicile, Carme­lo Zuc­caro, affir­mant « avoir « des preuves » que des navires human­i­taires qui sec­ourent des migrants en Méditer­ranée (sont) en con­tact direct avec des trafi­quants d’êtres humains en Libye ».

- En décem­bre 2018, l’Observatoire du jour­nal­isme repre­nait un arti­cle très fouil­lé du site l’Antipresse sur « ce phénomène éton­nant : des navires qui orchestrent, finan­cent, organ­isent de mas­sifs trans­ferts de pop­u­la­tion ».

La justice italienne mène l’enquête

Dernier rebondisse­ment en date, le jour­nal suisse Le Temps vient de révéler les con­clu­sions du tra­vail d’enquête mené par un juge ital­ien, Mau­r­izio Agnel­lo, accrédi­tant l’existence d’une col­lu­sion entre cer­taines ONG et des passeurs. Le jour­nal suisse Le Temps a eu accès aux 651 pages de son rap­port, qui est le fruit de 3 ans de tra­vail. Il en présente les grandes lignes dans un arti­cle du 11 mars. Celui-ci men­tionne en substance :

« Les organ­i­sa­tions de sauve­tage auraient dévelop­pé des rela­tions de prox­im­ité avec les trafi­quants afin d’être aver­tis à l’avance des départs de bateaux trans­portant des migrants et d’être ain­si les pre­miers sur place. Les trois ONG (Save the Chil­dren, Médecins sans fron­tières et Jugend Ret­tet, NDLR) auraient agi de con­cert et « con­tourné le sys­tème de sec­ours mis en place par les autorités ital­i­ennes ».

Le rap­port pointe la respon­s­abil­ité d’une ving­taine de per­son­nes, de nation­al­ité ital­i­enne pour moitié, et égale­ment alle­mande, espag­nole, française et belge. Celles-ci encourent des peines de 4 mois à 20 ans de prison. L’acte d’accusation serait sur le point d’être rédigé. D’autres faits de col­lu­sion alléguée avec les passeurs sont men­tion­nés dans l’article du jour­nal suisse qui vien­nent alour­dir les charges pesant con­tre les mem­bres des 3 ONG.

Si le Temps révèle un scoop, il n’en oublie pas pour autant, pour faire bonne mesure, de don­ner un coup de griffe aux policiers et à cer­tains politi­ciens ital­iens qui n’ont de cesse de dénon­cer les liens entre des ONG et des passeurs. C’est oubli­er un peu vite que, comme nous le rele­vions dans une revue de presse, les min­istres de l’intérieur ital­ien, français et alle­mand soulig­naient, lors d’une réu­nion informelle organ­isée le 7 juil­let 2017, que « les ONG doivent certes répon­dre à leur voca­tion de sauve­tage en mer, mais ne pas ali­menter elles-mêmes ce flux inces­sant »…

D’autres accusations plus récentes

Ces accu­sa­tions ne sont les seules à l’encontre de cer­taines ONG dont les bateaux croisent en mer méditer­ranée. Le site d’information Breizh Info a con­sacré le 3 févri­er 2021 un arti­cle aux déc­la­ra­tions du con­tre-ami­ral ital­ien à la retraite Nico­la De Felice, qui était à la tête du com­man­de­ment naval ital­ien en Sicile dans les années 2015–2018, au plus fort de la crise des migrants.

Celui-ci affirme notamment :

« Les navires de sauve­tage de migrants ne font qu’encourager des ten­ta­tives de tra­ver­sée plus dan­gereuses et vio­lent toute une série de lois » Des ONG européennes « coopèrent avec les trafi­quants d’êtres humains et vio­lent le droit inter­na­tion­al en mer ».

L’opacité du finance­ment des ONG est égale­ment fréquem­ment pointée du doigt. Le site Riposte Laïque a révélé récem­ment les grandes lignes d’un rap­port rédigé par un par­lemen­taire alle­mand met­tant en avant l’attribution en 2019 de près de 34 mil­lions de sub­ven­tions aux ONG de l’Open Soci­ety Foun­da­tion du mil­liar­daire améri­cain George Soros. 

Black-out quasi-total en France

Les récentes accu­sa­tions de la jus­tice ital­i­enne con­tre les 3 ONG n’intéressent vis­i­ble­ment pas les médias français, con­traire­ment à la presse étrangère qui y a con­sacré plusieurs arti­cles, notam­ment le jour­nal bri­tan­nique The Guardian, Arab­news, etc. Le jour­nal­iste Olivi­er Bault a pub­lié sur le site d’information Remix news un arti­cle très com­plet à ce sujet, qui men­tionne notam­ment d’autres pour­suites engagées par le pro­cureur de Ragusa con­tre l’ONG Sav­ing Human.

Par­mi les très rares médias français à par­ler de cette affaire, le site Infomi­grants soulig­nait le 4 mars, soit 7 jours avant Le Temps, une « pluie d’accusations con­tre les ONG d’aide aux migrants en méditer­ranée », suivi le 11 mars par le site de revue de presse Fdes­ouche, puis le 12 mars par le site du jour­nal Front Pop­u­laire et C News le 15 mars. Depuis, à l’heure où nous écrivons ces lignes, le 16 mars, plus rien. La mai­son mère de l’information poli­tique­ment cor­recte, l’Agence France Presse, a très prob­a­ble­ment trou­vé des infor­ma­tions plus impor­tantes à pro­pos­er à ses clients bien peu hardis…

Le tro­pisme pro-ONG et pro-migrants des médias français de grand chemin n’est pas un nouveauté.

En 2018, c’est dans un silence médi­a­tique assour­dis­sant que le média anglo­phone The Inves­tiga­tive jour­nal met­tait en lumière le finance­ment de groupes ter­ror­istes islamiques en Afrique du nord par la traite de migrants. A l’époque comme main­tenant, les médias français de grand chemin avaient traité ces infor­ma­tions avec dédain. Il est vrai qu’il est plus facile de recopi­er laborieuse­ment des dépêch­es de l’AFP plutôt que de s’attirer des ennuis en évo­quant les sujets qui dérangent…