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Médias en Europe de l’est : George Soros veut racheter des stations de radio en Pologne

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2 février 2019

Temps de lecture : 5 minutes
Accueil | Veille médias | Médias en Europe de l’est : George Soros veut racheter des stations de radio en Pologne

Médias en Europe de l’est : George Soros veut racheter des stations de radio en Pologne

Temps de lecture : 5 minutes

Dans le grand jeu de dominos des médias, nous vous avions présenté le rachat discret mais constant par des intérêts américains étroitement liés à la CIA d’une bonne partie des médias dans les Balkans. En même temps, le Tchèque Daniel Kretinsky rachetait une partie des parts de Mathieu Pigasse dans le groupe Le Monde, l’hebdomadaire Marianne et certains actifs du groupe Lagardère dont des radios en Pologne. Ce sont ces dernières qui pourraient changer de mains.

Cinq stations de radios en vente

Le groupe polon­ais Eurozet, pro­prié­taire de plusieurs sta­tions de radio (Radio Zet, Chill­izet, Antyra­dio, Melo­radio et Radio Plus) ain­si que d’un stu­dio de pro­duc­tion de radio et de télévi­sion, avait été racheté par le Tchèque Czech Media Invest au Français Lagardère au print­emps 2018, dans le cadre d’une trans­ac­tion qui englobait encore des sta­tions de radio en Tchéquie, en Slo­vaquie et en Roumanie. Le groupe tchèque de Daniel Křetín­ský n’aura atten­du que quelques mois pour met­tre en vente son acqui­si­tion polon­aise. Le gou­verne­ment polon­ais espérait que cette vente serait l’occasion de « repolonis­er » un peu les médias polon­ais, qui sont aujourd’hui majori­taire­ment entre des mains étrangères, mais il n’est pas sûr que ce soit le cas.

Quatre acheteurs potentiels dont Soros

Trois acheteurs poten­tiels sont polon­ais. D’abord l’homme d’affaires Zbig­niew Jakubas. Puis le groupe médi­a­tique PMPG Pol­skie Media, pro­prié­taire des heb­do­madaires Do Rzeczy (libéral-con­ser­va­teur) et Wprost (à la ligne édi­to­ri­ale plus dif­fi­cile à définir). Et enfin le groupe médi­a­tique Fra­tria, pro­prié­taire de plusieurs sites d’informations (dont le très pop­u­laire wPolityce.pl), de deux heb­do­madaires (Sieci et ABC) et d’une télévi­sion émet­tant sur Inter­net et sur le câble (wPolsce.pl) – des médias con­ser­va­teurs ouverte­ment favor­ables au PiS. Mais depuis le 25 jan­vi­er 2019, un autre con­cur­rent est en lice, plus inquié­tant pour le gou­verne­ment de Mateusz Moraw­iec­ki alors que les médias qui lui sont hos­tiles domi­nent déjà assez large­ment dans le paysage médi­a­tique polonais.

Ce con­cur­rent, c’est George Soros par l’intermédiaire de la société tchèque SFS Ven­tures dont l’actionnaire minori­taire (avec 24 % des parts) est la société améri­caine Sal­va­tors­ka Ven­tures LCC appar­tenant au fonds d’investissement sorosien Media Devel­op­ment Invest­ment Fund (MDIF). MDIF avait déjà acquis en 2016 un peu plus de 11 % des parts du groupe médi­a­tique polon­ais Ago­ra pro­prié­taire, entre autres médias, de la radio Tok FM et du quo­ti­di­en Gaze­ta Wybor­cza, deux médias libéraux-lib­er­taires féro­ce­ment anti-PiS et mis en dif­fi­culté après le retrait par le gou­verne­ment de Bea­ta Szy­dło (Pis) du sou­tien mas­sif dont ils béné­fi­ci­aient (notam­ment Gaze­ta Wybor­cza) de la part des gou­verne­ments de Don­ald Tusk puis d’Ewa Kopacz, prin­ci­pale­ment sous forme de pub­lic­ités et d’abonnements des administrations.

Soros et le soutien de la Commission Européenne

Aujourd’hui SFS Ven­tures pro­pose de racheter le groupe polon­ais Eurozet en parte­nar­i­at avec Ago­ra, qui acquer­rait 40 % des parts con­tre 60 % pour SFS Ven­tures. De cette manière, le fonds d’investissement dans les médias de George Soros, présent dans le cap­i­tal des deux sociétés, étendrait son influ­ence en Pologne, ce qui n’est bien enten­du pas du goût du gou­verne­ment du PiS déjà attaqué par les nom­breuses ONG de la nébuleuse sorosi­enne. Ajou­tons aus­si que le jour­nal Gaze­ta Wybor­cza béné­fi­cie désor­mais pour atta­quer le PiS (qu’il soit dans l’opposition ou au gou­verne­ment) d’un sou­tien financier de la Com­mis­sion européenne, elle-même en très bon rap­port avec Soros, grâce à des arti­cles payés par Eurac­tiv.

À l’inverse, le groupe Fra­tria aurait béné­fi­cié, selon Gaze­ta Wybor­cza qui se réfère à une infor­ma­tion de Wirtualnemedia.pl, pour financer le rachat d’Eurozet, d’un crédit de 51 mil­lions d’euros de la part de la banque publique Pekao SA, un crédit que le jour­nal met sur le compte du sou­tien du PiS.

C’est toute­fois à Czech Media Invest de Daniel Kretinsky que revien­dra le dernier mot, sans doute en faisant mon­ter les enchères.

Influence étrangère ou capitaux polonais ?

Plusieurs représen­tants du par­ti au pou­voir ont exprimé leur avis négatif sur la ten­ta­tive de George Soros d’accroître son influ­ence dans les médias polon­ais. Pour la prési­dente de la com­mis­sion de la Diète en charge de la cul­ture et des médias, la vente d’Eurozet à Ago­ra et à SFS Ven­tures sera un coup porté au plu­ral­isme des médias en Pologne et est dan­gereuse pour le marché des médias et le débat pub­lic. Selon la porte-parole du PiS, le par­ti « Droit et Jus­tice et Jarosław Kaczyńs­ki con­sid­èrent que l’État doit tout faire pour que les spécu­la­teurs bour­siers n’accroissent pas leur influ­ence sur le marché des médias ». L’objectif de la Pologne est au con­traire « d’accroître la part des cap­i­taux polon­ais et de défendre le plu­ral­isme ».

Un secré­taire d’État du min­istère de la Cul­ture et du Pat­ri­moine nation­al a toute­fois expliqué que le gou­verne­ment polon­ais ne dis­pose pas d’instruments lui per­me­t­tant de s’opposer à l’expansion de George Soros dans les médias. Il avait été ques­tion d’une loi de décon­cen­tra­tion des médias, mais le pro­jet a pour le moment été aban­don­né, sans doute pour éviter d’ouvrir un nou­veau con­flit avec Brux­elles. Le sujet revien­dra prob­a­ble­ment sur le devant de la scène si le PiS parvient à recon­duire sa majorité au par­lement aux élec­tions lég­isla­tives de l’automne prochain. En atten­dant, seule l’autorité de la con­cur­rence et des con­som­ma­teurs (UOKiK) pour­rait inter­venir con­tre l’offre sorosi­enne, mais unique­ment si ce rachat d’Eurozet par les sociétés dont son fonds MDIF est action­naire con­duirait à une sit­u­a­tion de dom­i­na­tion exces­sive sur le marché, ce qui n’est apparem­ment pas le cas. Le bud­get de la fon­da­tion Soros Open Soci­ety était d’un mil­liard de dol­lars en 2018 comme nous vous le disions ici. Le bud­get 2019 ne devrait pas être inférieur, de quoi faire quelques emplettes en Pologne et ailleurs.

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