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Laetitia Avia et les discours de haine, répression et double langage

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23 juillet 2020

Temps de lecture : 6 minutes
Accueil | Veille médias | Laetitia Avia et les discours de haine, répression et double langage

Laetitia Avia et les discours de haine, répression et double langage

Temps de lecture : 6 minutes

[Pre­mière dif­fu­sion le 16 mai 2020]

Nous avons déjà longuement parlé de la loi Avia, une loi liberticide de plus après les lois Pleven, Gayssot, Taubira etc. C’est fait, la loi a été votée à une large majorité (les socialistes se sont courageusement abstenus) le 13 mai 2020 par l’Assemblée nationale et devrait rentrer en vigueur le 1er juillet après avis du conseil constitutionnel. Au même moment Laetitia Avia se faisait prendre les doigts dans le pot de confiture pour tenir des propos qui auraient été censurés par sa propre loi.

Une loi liberticide

Qui est pour l’amour ? Tous, tous, tous. Qui est con­tre la haine ? Tous, tous, tous. Mais qui dira ce qu’est un « dis­cours de haine » ? Un juge ? Non, un algo­rithme de Face­book, Google ou LinkedIn, par­fois aidé par un des censeurs humains engagés par les réseaux soci­aux (Face­book en compte plus de 30.000). « Tout pro­pos man­i­feste­ment haineux » devra être sup­primé dans les 24h sous peine d’une amende de 1,25M€, c’est le CSA qui assur­era le contrôle.

Résul­tat ? Les réseaux soci­aux cen­surent déjà large­ment pour se cou­vrir. C’est ce que fait depuis longtemps Lau­rent Sol­ly, cen­surant par exem­ple toute image présen­tant Généra­tion Iden­ti­taire de manière neu­tre ou pos­i­tive. On pour­rait imag­in­er que les lignes « l’opinion publique déteste les jour­nal­istes » ou bien « l’immigration n’est pas une chance pour la France » soient con­sid­érés comme des pro­pos « haineux » con­tre les jour­nal­istes ou les immi­grés, clan­des­tins ou non.

Laetitia et le pot de confiture

Dans une ren­con­tre tenue dans le cab­i­net de son avo­cat en novem­bre 2019 et où un représen­tant de l’Observatoire était présent, Laeti­tia Avia avait benoîte­ment avoué que la loi était d’abord pour « se pro­téger elle-même », des attaques dont elle pour­rait être vic­time en tant que femme d’origine togo­laise. Dont acte.

La veille du vote de la loi, le site Médi­a­part pub­li­ait un arti­cle dévas­ta­teur pour Laeti­tia Avia sous la sig­na­ture de David Per­rotin (nos cita­tions, sauf men­tion con­traire sont issues de cet arti­cle), reposant sur les déc­la­ra­tions de cer­tains col­lab­o­ra­teurs (passés ou présents) de la députée. La char­mante Laeti­tia a pour habi­tude d’employer des expres­sions qui se trou­veraient cen­surées par sa nou­velle loi. Vis­ite guidée.

« C’est le chinois »

Le racisme anti-maghrébin c’est mal, anti-africain c’est très mal. Mais anti-chi­nois ? Il sem­blerait que non pour Laeti­tia. Un de ses anciens salariés d’origine asi­a­tique en fait les frais. Un employé témoigne « C’était son bouc émis­saire, elle l’appelait par­fois « le chi­nois » ou repre­nait des clichés racistes pour par­ler de lui », allant jusqu’à l’accuser d’avoir détourné un chèque en avril 2018

« ça sent le chi­nois ».

LGBT+ mon amour et « la loi des pd »

La députée se bat pour les droits des LGBTQ+ (vous pou­vez rajouter un ou plusieurs+ selon votre goût ou vos ori­en­ta­tions sex­uelles). Sur Twit­ter elle s’affirme « très hon­orée de porter haut et fort notre com­bat con­tre le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie sur inter­net : en mai, je déposerai une propo­si­tion de loi con­tre la cyber­haine ».

Ce qui ne l’empêche pas en avril 2018, après avoir voté un amende­ment en faveur des réfugiés LGBTQ+ de com­mu­ni­quer avec ses col­lab­o­ra­teurs, sur un ton de grande franchise

« On a voté l’amendement des pd ».

Fer­mez les guillemets.

Un peu plus tard, le 6 juin 2018 elle cri­tique la com­mu­ni­ca­tion d’une ex-ministre

« C’est ma copine (mais) elle com­mu­nique très mal sur ce qu’elle fait. C’est ce qu’il se passe quand tu mets un gay à la com ».

Les gays de Têtu apprécieront.

Un peu de sexisme, chérie ?

La lutte con­tre la haine inclut celle con­tre le sex­isme, un rude com­bat que mène au pre­mier rang et avec fierté Laeti­tia qui déclare en octo­bre 2018 « Je suis fière d’être par­mi ces dix femmes qui mon­tent au front con­tre le sex­isme… ».

Oui da, mais…selon ses anciens col­lab­o­ra­teurs « Elle insulte sou­vent les députées qu’elle n’aime pas, de pute. Elle se moque aus­si beau­coup de leur physique ». Elle com­pare ain­si sa con­sœur Aurore Berg­er, députée LREM comme elle, au Pin­gouin de Bat­man ou se moque d’une jupe trop courte sur un plateau de télévision.

Un management esclavagiste ? “Biiiitch talking

Laeti­tia a toutes les raisons du monde de lut­ter con­tre les com­porte­ments esclavagistes, sauf que, sauf qu’elle emploie des méth­odes qui y ressem­blent un peu (beau­coup, pas­sion­né­ment, à la folie ?). Comme en essayant de met­tre fin au con­fine­ment d’une col­lab­o­ra­trice frag­ile.

Lors d’un licen­ciement (qui se ter­min­era par une rup­ture con­ven­tion­nelle), elle par­le à ses col­lab­o­ra­teurs de la future licenciée.

« Elle est malade là. Je vais l’exploser. (Quand) elle revient au bureau, vous lui met­tez une chaise et elle reste là jusqu’à la fin de la journée », récla­mant plus tard « Je vais avoir besoin de vous. J’ai besoin d’une attes­ta­tion, parce que comme je ne lui pas noti­fié sa mise à pied à titre con­ser­va­toire, il faut que je puisse attester… »

Quand une avo­cate demande un faux témoignage à ses employés lors d’un con­flit social.

Ne par­lons pas des deman­des de réser­va­tion à Roland Gar­ros pour son mari, des deman­des de lui bru­miser les jambes en cas de fortes chaleurs, ni des copies de Sci­ences Po (eh oui, Laeti­tia Avia enseigne à Sci­ences Po, ça en dit long sur ce qu’est devenu l’école) qu’elle enjoint à ses col­lab­o­ra­teurs de cor­riger au petit bon­heur la chance pour gag­n­er du temps.

Plus haut, plus fort, pour moquer un salarié qui vient d’être licen­cié, elle crée sur l’ap­pli­ca­tion Telegram une con­ver­sa­tion inti­t­ulée « Biitch talk­ing ». Et pour faire bon poids, elle poste une image la représen­tant lui don­nant un bon coup de pied au cul. On a con­nu plus aimable.

Le taxi et les valeurs

Accusée en 2017 d’avoir mor­du un chauf­feur de taxi, arti­cle relaté dans Le Canard enchaîné de l’époque, Laeti­tia se donne beau­coup de mal pour faire dis­paraître l’article. Elle se donne autant de mal pour faire oubli­er le nom de la députée qui l’avait précédée dans sa circonscription.

Les min­istres Cédric O, Mar­lène Schi­ap­pa sont mon­tés au créneau pour défendre la sym­pa­thique Laeti­tia. Ses anciens col­lab­o­ra­teurs pour lesquels il y aurait « un fos­sé entre les valeurs qu’elle défend publique­ment et (qu’elle a) con­staté en tra­vail­lant à ses côtés » sont moins enthousiastes.

La députée LREM de Paris se défend avec véhé­mence : « Il y a un élé­ment sur lequel vrai­ment je suis sans appel, c’est le racisme, l’homophobie et le sex­isme. Je ne les tolère pas. Je ne les tolère nulle part, y com­pris dans les cadres privés, y com­pris pour ce qui est con­sid­éré comme étant des blagues, qui ne par­ticipent en réal­ité qu’au racisme ordi­naire » et annonce des pour­suites judi­ci­aires pour diffama­tion. Nous sommes curieux de voir les suites de ce dou­ble lan­gage, dou­ble com­porte­ment, si fréquent en poli­tique et dans la vie, et encore plus chez ceux qui se drapent dans la moraline.

Illus­tra­tion : détourne­ment du film 300, de Zack Sny­der, Noam Mur­ro (2007)