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Loi Avia, la répression va prendre de l’ampleur

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28 décembre 2019

Temps de lecture : 4 minutes
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Loi Avia, la répression va prendre de l’ampleur

Temps de lecture : 4 minutes

Pre­mière dif­fu­sion le 15/11/2019

Jeudi 14 novembre 2019 une rencontre avec Laetitia Avia, députée LREM de Paris, auteur de la proposition de loi éponyme, était organisée dans les locaux d’un cabinet parisien d’avocats. L’Observatoire du journalisme était présent, compte-rendu.

Une loi de circonstance

Nous avons déjà con­sacré un arti­cle à l’analyse de la loi Avia. Inti­t­ulée « loi con­tre la haine sur inter­net », elle a été votée à l’Assemblée Nationale le mar­di 9 juil­let 2019 par 434 voix pour et 33 con­tre. Elle avait été annon­cée par le prési­dent Macron lors du dîn­er du CRIF en févri­er 2019. Son objet est de ban­nir des grandes plate­formes en ligne les dis­cours dits « haineux ». La loi doit être exam­inée par le Sénat en févri­er 2020.

Abandon de la fonction régalienne de l’État

La loi de 1881 sur la lib­erté de la presse don­nait au juge et au juge seul les instru­ments de répres­sion con­tre les abus : appels au meurtre ou à la vio­lence con­tre les biens ou les per­son­nes, diffama­tion etc. La loi veut com­pléter celle de 1881 pour « réguler » inter­net. Pour ce faire elle donne à la fois droit et oblig­a­tion aux réseaux soci­aux, de sup­primer tous « dis­cours haineux, vio­lents, racistes » sous peine d’amende pou­vant attein­dre 4% de leur revenu mon­di­al. Con­sti­tu­tion­nelle­ment, c’est je juge judi­ci­aire qui est le garant des lib­ertés indi­vidu­elles, nous assis­tons ici à une pri­vati­sa­tion du pou­voir judiciaire.

Une loi de dénonciation

Par un sim­ple clic les inter­nautes pour­ront sig­naler au réseau social un con­tenu « illicite ». Les opéra­teurs auront alors oblig­a­tion de sup­primer, déréférencer le con­tenu dans les 24h sous peine d’amende. Quand on con­naît un peu l’histoire de France et le goût pour la déla­tion d’une part sig­ni­fica­tive de nos conci­toyens (remon­tons sim­ple­ment à la péri­ode de l’occupation et celle de la libéra­tion), il va y avoir du monde au por­tillon. Pire, des groupes organ­isés pour­ront faire sup­primer tout sujet qu’ils jugeraient « con­traire à la loi ». L’opinion « L’immigration est un désas­tre pour les Européens » pour­ra être assim­ilée à un « dis­cours de haine » par les groupes de pres­sion. Elle sera pour­chas­sée, réduite au silence, éradiquée. Ce qui est sans doute l’objectif majeur de la loi.

Un effet d’entraînement

Les opéra­teurs sont men­acés d’une amende de 4% de leurs revenus mon­di­aux. A la louche Face­book réalis­era un chiffre d’affaires de 100 mil­liards de dol­lars en 2019. 4% cela fait 4 mil­liards, pas loin du béné­fice d’un trimestre. Devant ce risque les réseaux soci­aux vont se cou­vrir au max­i­mum et faire du préven­tif. L’Observatoire a déjà été vic­time par deux fois des ciseaux des censeurs de Mark Zucker­berg. Et ce, alors que la loi n’est pas encore en appli­ca­tion. Depuis 6 mois les réseaux soci­aux « s’entraînent » et sup­pri­ment les posts ou les vidéos à tour de bras. On peut imag­in­er ce qui se passera lorsque la loi sera en vigueur.

Déséquili­bre dénonciateur/dénoncé

L’article 6–2 III dans sa rédac­tion actuelle pré­cise qu’en cas de dénon­ci­a­tion abu­sive une peine d’un an d’emprisonnement et une amende de 15000€ peut être pronon­cée. Une dis­po­si­tion dénuée de toute force opéra­toire. Prenons un exem­ple : L’Observatoire pub­lie un arti­cle jugé « illicite » par SOS Racisme, Con­spir­a­cy watch et un mou­ve­ment trot­skiste. Ces derniers agi­tent leurs sym­pa­thisants. 200 dénon­ci­a­tions indi­vidu­elles sont reçues et le réseau social sup­prime le post. Nous faisons appel, le post est rétabli. Nous voulons aller plus loin et atta­quer les dénon­ci­a­teurs. Le réseau social n’a aucune oblig­a­tion de com­mu­ni­quer leurs coor­don­nées et même s’il le fai­sait on voit mal com­ment l’Ojim pour­rait atta­quer deux cents per­son­nes. La loi est totale­ment déséquili­brée en ce sens et favorise/encourage les déla­teurs sans les dis­suad­er de tout excès.

L’application de la loi (car elle sera votée, droite et gauche con­fon­dues, n’en dou­tons pas) ne con­duit pas à 1984 comme cer­tains l’ont dit mais au Meilleur des mon­des d’Huxley. Ben­tham rêvait du panop­tique pour sur­veiller les pris­on­niers. Laeti­tia Avia a dû lire Ben­tham et s’en inspir­er. Nous lui con­seil­lons plutôt la lec­ture de la Fab­ri­ca­tion du con­sen­te­ment de Noam Chomsky.