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Balance ta rédac, les médias de délation du wokistan en direct

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27 novembre 2020

Temps de lecture : 4 minutes
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Balance ta rédac, les médias de délation du wokistan en direct

Temps de lecture : 4 minutes

En grec ancien un sycophante est un délateur professionnel. Une pratique disséquée par le journaliste David Doucet dans son livre La Haine en ligne. Une pratique vécue via Instagram par 7200 journalistes ou assimilés sur @Balancetaredaction. Un peu d’égout dans le dégoût ou le contraire.

Balances et moutons

La bal­ance c’est le signe de l’air de ceux (quand on y croit) nés entre le 22 sep­tem­bre et le 23 octo­bre, et dans l’argot des pris­ons (Jean-Michel Armand, L’Argot des pris­ons, Horay, 2012) c’est le cafard, le mou­ton, la casse­role, la son­nette, le déla­teur, un sale bon­homme qui trahit pour un avan­tage, un sourire ou par peur. De nos jours, c’est le signe dis­tinc­tif dans cer­taines rédac­tions, une sorte de médaille chez les « woke ».

Mais qu’est-ce qu’un « woke » ? Rien à voir avec le wok du man­darin Guo et du can­ton­ais Wok, instru­ment de cui­sine ressem­blant à une poêle creuse et per­me­t­tant de cuire à feu vif avec peu de matières grass­es. Encore que le woke cui­sine volon­tiers son voisin à petit feu. Non, le woke mod­erne (de to wake éveiller en anglais) évoque (nous avons fail­li écrire ewoke) celui qui com­bat les dis­crim­i­na­tions et le racisme. Le terme vient des loin­taines (trop proches) Amériques.  Le woke dénonce comme Mon­sieur Jour­dain fait de la prose, c’est un état d’esprit, voire un état de grâce.

@balancetaredaction

L’auteur de ces lignes n’étant pas sur Insta­gram, bour et bour et ratatam, le site des jour­nal­istes woke lui serait demeuré incon­nu sans l’information d’un lecteur sagace, qu’il soit ici remer­cié. Sub­séquem­ment, sur ce compte Insta­gram, cer­tains jour­nal­istes peu­vent se livr­er de manière anonyme à la dénon­ci­a­tion, la déla­tion, la mise à l’index de leurs cama­rades de rédac­tion, de leur voi­sine d’ordinateur dans la « news­room », de leurs col­lab­o­ra­teurs, de leurs chefs, du chien du secré­taire de rédac­tion, et plus si affinités.

La pho­to­copieuse fonc­tionne mal chez @transenfurie ? allez ! un post vengeur. La soupe haricots/lentilles n’est pas bio aux @Inrocks ? Itou ! Le chef de ser­vice de @Brut a dit à Mar­tine « t’es en beauté ce matin », au pilori salopard sex­iste ! Mamadou n’a pas été recruté à RMC mal­gré ses qual­ités de migrant gay réfugié, j’y vais de ma remar­que ven­ger­esse. Les posts con­cer­nent essen­tielle­ment (mais pas seule­ment) les rédac­tions « woke » comme Loop­sider, Brut, AJ+ (Al Jazeera pour les jeunes), Inrocks mais aus­si RMC ou BFM, petit flo­rilège, estom­acs sen­si­bles s’abstenir.

Je balance, tu balances etc…

Chez Loop­sider, de l’ex respon­s­able dig­i­tal de Libéra­tion, Johan Huff­nagel

  • « Ah mais putain là, je crois que l’on vient de recruter un PD »
  • « Tu lui rendrais bien ser­vice en la niquant, de toute façon c’est une mal baisée »
  • « On en a marre d’avoir que des mecs, on a besoin de seins »
  • « De toute façon ce n’est qu’une conne, elle est juste bonne c’est tout »

Chez Glam­our Paris, acces­soires féminins incontournables

  • « T’es en dépres­sion, tu fer­mes ta gueule, c’est pour les losers les trou­bles mentaux »

Chez RMC, la chaîne de Quo­ti­di­en de Yann Barthès

  • « Tu nous emmerdes avec tes sujets sur les migrants et les femmes, tout le monde s’en fout »

Chez BFM

  • « Voilà le défilé des boudins »

Aux Inrocks

  • « De toute manière il faut arrêter avec les noirs en couv on sait que ça ne marche pas »

Chez Brut

  • « On va arrêter avec les sujets sur les trans, parce que là ça ressem­ble à un freak show »
  • « Elles nous font chi­er ces féministes »

Chez Styl­ist, féminin gra­tu­it et haut de gamme (sic)

  • « Ras le bol de foutre en maque­tte des meufs trans noires, il faut chang­er un peu »

Chez AJ+

  • « Tu es arabe, il y a déjà trop d’arabes ici et en plus avec ton voile, ça va pas trop le faire »
  • « Donne-moi le numéro de ton mec, il va t’expliquer la vie, parce que toi tu com­prends rien ».

Silence sur les usages du wokistan

Curieuse­ment aucun écho sur ce site dans la presse libérale lib­er­taire, chacun/chacune se tait ayant peur d’être dénon­cé (plus de 7000 abon­nés…) par son petit cama­rade. On s’épie, on se dénonce, vie de cafard dans un plac­ard . Morale (ou immorale) de l’histoire, dans les rédac­tions du wok­istan, on s’espionne, on cafte, on manie le dou­ble lan­gage, on vit dans un monde et on écrit dans un autre. Dégoûts et des couleurs on ne saurait parler.