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Poisson de mai ! Libération… à l’avant-garde de la lutte contre les fake news

28 mai 2018

Temps de lecture : 10 minutes
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Poisson de mai ! Libération… à l’avant-garde de la lutte contre les fake news

Temps de lecture : 10 minutes

Le 17 mai 2018 le quotidien Libération l’annonce : il a gagné le Prix International du factchecking. Libération serait donc le meilleur d’entre tous. Poisson d’avril à retardement ?

L’annonce

Libéra­tion vue par Libéra­tion : Notre site Check­News lau­réat du prix inter­na­tion­al du fact-checking

Récom­pense. « Un peu d’au­to­con­grat­u­la­tion de temps en temps, ça ne fait jamais de mal : notre plate­forme Check­News, lancée il y a à peine plus d’un an et qui per­met aux lecteurs et inter­nautes de pos­er des ques­tions directe­ment à la rédac­tion de Libéra­tion, vient de rem­porter le prix inter­na­tion­al de l’in­no­va­tion dans le fact-check­ing. L’IFCN (Inter­na­tion­al Fact Check­ing Net­work) a en effet choisi le pro­jet de Libé par­mi 50 pro­jets venant de 44 pays. Ce prix récom­pense l’in­no­va­tion dans les for­mats, le mod­èle économique, ou l’in­no­va­tion tech­nologique. »

Le pre­mier grand titre pub­lié par le quo­ti­di­en et repris ci-dessus n’est pas une « fake news ». Pour­tant, tel que dif­fusé ce même jour par tous les moyens, ce titre paraît un peu sol­lic­ité : « Le Prix inter­na­tion­al du « fact-check­ing » pour Libé » est-il écrit partout par ce même Libé. Présen­tée ou résumée ain­si, l’information n’est pas entière­ment fausse, elle n’est pour­tant pas véri­ta­ble­ment exacte non plus. Il aurait été plus exact d’écrire : « Le Prix inter­na­tion­al (de l’innovation) du « fact-check­ing » pour Libé ». La dif­férence n’est pas que de for­mule. C’est toute la dif­férence qu’il y a entre le César du meilleur film et le César du meilleur pre­mier film. Cette manière de major­er un prix, par le choix des mots et de la for­mule est révéla­teur de la pra­tique habituelle de la presse française dom­i­nante : l’information n’y est pas fausse, elle n’est pas (ou pas tou­jours) com­posée de faits inter­prétés à sens unique… mais la manière de la for­muler est faite de telle sorte qu’elle déforme l’information afin de la faire entr­er dans un cadre voulu, de cen­tre gauche ou droit, libéral lib­er­taire. Il est cocasse que « l’innovation » dans le domaine de la recherche des fauss­es infor­ma­tions soit remar­quée pour un quo­ti­di­en dont l’imprécision fréquente et le tout idéologique le font flirter en per­ma­nence avec un traite­ment des faits plus que dis­cutable. Tout comme la déon­tolo­gie de son prin­ci­pal ani­ma­teur, Lau­rent Jof­frin.

Libération, vu par L’OJIM

L’OJIM lit régulière­ment Libéra­tion. Assez pour démon­tr­er que le quo­ti­di­en pra­tique régulière­ment l’information « vraie », juste suff­isam­ment ori­en­tée pour devenir dis­cutable. Une infor­ma­tion idéologique qui, sou­vent, devient une absence d’information, quand le quo­ti­di­en fait silence sur ce qui ne cor­re­spond pas à sa con­cep­tion du monde. La « méth­ode » Libéra­tion peut aisé­ment se con­stater à par­tir de ces exem­ples récents analysés par l’OJIM :

Pour ne citer que les plus récentes observations.

Checknews ?

Donc Libéra­tion innove en ter­mes de factcheck­ing, à tra­vers sa plate-forme Check­news qui a répon­du, au moment où ces lignes sont écrites, à 1459 ques­tions. Le fonc­tion­nement ? C’est Libéra­tion et son Check­news qui en par­lent le mieux :

« Bon­jour,

Le ser­vice Check­News est issu du ser­vice Dés­in­tox de Libéra­tion, crée en 2008. La rubrique Dés­in­tox, qui fut la pre­mière rubrique de factcheck­ing de la presse française, visait à cor­riger les affir­ma­tions erronées ou men­songères du débat pub­lic, qu’elles éma­nent du per­son­nel poli­tique ou des réseaux soci­aux. Nous avons décidé de mod­i­fi­er notre manière de tra­vailler en sep­tem­bre 2017, en créant Check­News, pre­mier ser­vice de « factcheck­ing à la demande ». Désor­mais, ce sont les lecteurs qui ont pris les com­man­des édi­to­ri­ales, en posant des ques­tions, via la plate­forme Checknews.fr, aux­quelles l’équipe répond…Nous nous assignons des règles pré­cis­es dont la pre­mière est : ne répon­dre que sur des aspects factuels. Laiss­er de côté les ques­tions qui appel­lent des répons­es sub­jec­tives. Le débat poli­tique, idéologique, mil­i­tant, est essen­tiel. Nous le lais­sons vivre ailleurs, en s’at­tachant seule­ment à ce qui lui tient lieu de base : les faits…

Vos ques­tions, plus nom­breuses chaque jour depuis le lance­ment de la plate­forme, témoignent d’un besoin de véri­fi­ca­tion et d’in­for­ma­tion rigoureuse, alors que les réseaux soci­aux char­ri­ent tou­jours davan­tage d’in­tox et que le débat poli­tique, plus polar­isé que jamais, exige par­fois un arbi­trage neu­tre pour s’y retrouver…Voilà une des raisons de la trans­for­ma­tion de Dés­in­tox en Check­News : don­ner aux inter­nautes le choix du sujet, est un moyen de répon­dre à cette défi­ance. Nous véri­fions ce que vous nous deman­dez de véri­fi­er. Le site Check­News est le vôtre. Le site Check­News est à tout le monde…Depuis le lance­ment du site, en sep­tem­bre, nous espérons avoir fait la preuve de notre impar­tial­ité dans nos répons­es. Nous y tenons absol­u­ment, parce que la crédi­bil­ité d’un tel site en dépend. Nous sommes compt­a­bles de nos répons­es. Et nous en avons déjà amendées cer­taines après des com­men­taires de lecteurs nous indi­quant des erreurs ou imprécisions…

A ce jour, Check­News est com­posé de sept personnes. »

Ce long développe­ment ne dit pas seule­ment ce qu’est l’outil de Libéra­tion mais surtout ce qu’est la lutte con­tre les fake news : la recherche de « fauss­es nou­velles » au sens de faits ou d’interprétation des faits qui vont à l’encontre de la per­cep­tion des médias offi­ciels. Une fake news, au fond, c’est une manière de lire un fait qui ne con­vient pas à Libéra­tion et à ses proches (sur le plan des idées) col­lègues. Cela se con­state aisé­ment au sujet du dés­in­tox, évo­qué dans la présen­ta­tion ci-dessus, ou avec l’existence de l’œil sur le Front.

Le choix des mots n’est pas anodin. Ainsi :

→ « cor­riger les affir­ma­tions erronées ou men­songères du débat pub­lic, qu’elles éma­nent du per­son­nel poli­tique ou des réseaux soci­aux. » S’il s’agit de cor­riger ce qui est erroné, alors le fact check­ing devrait se pencher sur les médias offi­ciels et les agences de presse, à com­mencer en pri­or­ité par l’AFP.

« ce sont les lecteurs qui ont pris les com­man­des édi­to­ri­ales. » La très habituelle dém­a­gogie pseu­do démoc­rate du monde libéral lib­er­taire, un peu comme quand Libéra­tion pub­li­ait une pho­togra­phie de ses rédac­teurs et jour­nal­istes en Une, cou­ver­ture dans laque­lle la fameuse diver­sité que le quo­ti­di­en défend… était absente, la rédac­tion étant alors majori­taire­ment blanche et mas­cu­line.

« Le débat poli­tique, idéologique, mil­i­tant, est essen­tiel. Nous le lais­sons vivre ailleurs, en s’at­tachant seule­ment à ce qui lui tient lieu de base : les faits. » Au moment du lance­ment du site, un rédac­teur de l’OJIM avait posé une ques­tion, non con­servée par­mi celles actuelle­ment pro­posées aux lecteurs : « Peut-on con­sid­ér­er le FN comme un par­ti fas­ciste ». Le site avait répon­du que formelle­ment « non » mais que cer­taines pris­es de posi­tions de ses dirigeants et de sa prési­dente pou­vaient con­duire les obser­va­teurs à con­sid­ér­er ce par­ti comme fas­ciste. La mar­que de fab­rique des manip­u­la­tions de Libéra­tion : faire du mil­i­tan­tisme et de l’idéologie tout en pré­ten­dant le con­traire. Reprenons la citation :

« Mais elles témoignent aus­si du besoin d’être enten­du. Les médias ont per­du une part de la con­fi­ance des citoyens. Un des reproches qui leur est adressé est celui-ci : les jour­nal­istes regarderaient tou­jours du même côté. La presse trav­e­s­ti­rait la réal­ité, non pas en trav­es­tis­sant les faits qu’elle relate, mais en déci­dant de ne traiter que cer­tains d’entre eux. Le factcheck­ing n’échappe pas à cette cri­tique. Il la polarise, même : sous cou­vert de pré­ten­dre dire la vérité, le factcheck­ing imposerait une vision. » Les jour­nal­istes, con­scients des tra­vers de dés­in­tox, pré­ten­dent con­fi­er le ques­tion­nement aux inter­nautes, enfin à cer­tains d’entre eux.

Le Prix ?

Libéra­tion en par­le ain­si le 17 mai 2018 :

« Le pro­jet de Libéra­tion a rem­porté, par­mi 50 pro­jets venant de 44 pays, le «Fact For­ward». Ce fond d’in­no­va­tion est décerné par l’IFCN, le réseau inter­na­tion­al de factchecking. »

« Il y a plus d’un an, Libé expéri­men­tait pen­dant la cam­pagne prési­den­tielle Check­News, une plate­forme per­me­t­tant aux lecteurs et inter­nautes de pos­er des ques­tions directe­ment à la rédac­tion de Libéra­tion. Un an plus tard, Check­News, qui est dev­enue une rubrique pérenne de Libe.fr et du jour­nal papi­er, vient de rem­porter le prix inter­na­tion­al de l’innovation dans le fact-check­ing. L’IFCN (Inter­na­tion­al Fact Check­ing Net­work) a choisi le pro­jet de Libé par­mi 50 pro­jets venant de 44 pays… 

Le 18 mai, devant l’importance sup­posée de cet événe­ment (Libéra­tion primé par un prix dont, avouons-le, per­son­ne n’avait jusque-là enten­du par­ler), le directeur de la pub­li­ca­tion se fend d’un arti­cle dans le quo­ti­di­en. Un arti­cle ? Le mot est peut-être excessif :

« Les médias mentent, les médias sont manip­ulés, les médias manip­u­lent, les médias sont con­trôlés et tut­ti quan­ti. L’antienne a fait florès. La récu­sa­tion de la presse, de la radio et de la télévi­sion est dev­enue le pont-aux-ânes des faux esprits forts. Une fois l’information plu­ral­iste et le tra­vail des jour­nal­istes dis­crédité, le plus sou­vent par les extrêmes, qui n’aiment pas les faits avérés et leur préfèrent les sci­es de leur pro­pa­gande, la con­séquence ne s’est pas fait atten­dre… La mon­tée du pop­ulisme a démul­ti­plié cette fausse mon­naie infor­ma­tive qui a ten­du, comme tou­jours, à chas­s­er la bonne, sur fond de pro­liféra­tion de la dém­a­gogie (…) Depuis quelques années, les fake news sont dev­enues un sujet de préoc­cu­pa­tion mon­di­al et une inquié­tude pour tous les démoc­rates attachés à la ratio­nal­ité dans le débat pub­lic. Pio­nnier dans le factcheck­ing, Libéra­tion con­tin­uera avec des moyens ren­for­cés de con­tribuer à cette œuvre de salubrité civique. Ce n’est qu’un début… »

Une forme de jour­nal­isme proche de l’auto-sanctification.

Le réseau ?

Le prix est remis par l’IFCN, organe du « Poyn­ter Insti­tute ». Le site se con­sulte ici et met le Check­news de Libéra­tion très en avant. Le « code de principe » mérite d’être regardé, ain­si que la liste des médias asso­ciés (dont l’AFP). Un réseau mon­di­al de médias offi­ciels dont le rôle tout aus­si offi­ciel est de main­tenir une forme de jour­nal­isme. Aucun média sérieux alter­natif (car les médias alter­nat­ifs ne sont pas néces­saire­ment pro­duc­teurs de fake news) ne sem­ble avoir été con­tac­té… pour inté­gr­er ce « réseau mon­di­al de factcheck­ing », dont Jof­frin écrit claire­ment qu’il s’agit de lut­ter con­tre ce qu’il nomme des « pop­ulismes ».

Le jury de l’IFCN est présidé par Bill Adair, fon­da­teur de Poli­ti­fact. Ce dernier organe ne cache pas son obses­sion anti Trump.

Check­news a été créé en parte­nar­i­at avec l’agence J. Wal­ter Thomp­son qui a une antenne à Paris. L’agence a aus­si Le Monde comme client.

Libéra­tion se tar­gue de recevoir un prix qui est in fine une source de finance­ment entre struc­tures ayant des intérêts idéologiques com­muns, struc­tures attachées à con­serv­er la main­mise sur ce qui peut être ou non con­sid­éré comme un fait ou une infor­ma­tion. Là encore, ce n’est pas anodin. Créée par Poyn­ter (Floride, États-Unis) , la 1ère Inter­na­tionale des Vérifi­ca­teurs asso­cie près de 70 struc­tures de factcheck­ing et a tout d’une sorte d’internationale de tout ce qui pense comme il con­vient de penser. Nous sommes devant une struc­tura­tion inter­na­tionale du con­trôle et de la sur­veil­lance de ce qui serait ou non une infor­ma­tion entre les mains de per­son­nes ayant con­cep­tion com­mune du monde et s’auto attribuant la légitim­ité jour­nal­is­tique. Ce phénomène fait penser à la façon dont une agence mon­di­ale réécrit le réel dans le roman tru­cu­lent et glaçant de Bel­lo, Les fal­sifi­ca­teurs. À côté de ce qui se met douce­ment en place, 1984 ressem­ble à un roman de jeunes filles.

Notons qu’aucun autre média français n’indique que Libéra­tion est le lau­réat de ce prix. Peut-être craig­nent-ils que ce soit une fake news ?

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