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Les médias libéraux libertaires et l’ensauvagement, un exemple au Monde

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12 septembre 2020

Temps de lecture : 4 minutes
Accueil | Veille médias | Les médias libéraux libertaires et l’ensauvagement, un exemple au Monde

Les médias libéraux libertaires et l’ensauvagement, un exemple au Monde

Temps de lecture : 4 minutes

C’est un bien curieux rapport que les médias de grand chemin, généralement de gauche libérale libertaire comme Le Monde, entretiennent avec la réalité et les mots qui la nomment. L’emploi récent d’ensauvagement constitue un bon exemple de cette relation quasi névrotique.

Ensauvagement et « droite radicale »

Ain­si, Lucie Soul­li­er, chargée dans le quo­ti­di­en du soir de tra­vailler sur les droites, titrait-elle le 2 sep­tem­bre 2020 « La droite rad­i­cale se réjouit de la banal­i­sa­tion du mot « ensauvage­ment » ». De ce sim­ple terme employé par le min­istre de l’Intérieur, Gérald Dar­manin, la jour­nal­iste infère donc une « banal­i­sa­tion », qui n’est évidem­ment pas sans vouloir ren­voy­er à la « banal­ité du mal » chère à Han­nah Arendt. À son habi­tude, la presse libérale lib­er­taire, plutôt que de se pencher sur les faits, la réal­ité, la vie des Français qui est pour­rie par une banal­i­sa­tion de la vio­lence, préfère s’étendre sur ce qui fait « le jeu de l’extrême droite ». Antique aveu­gle­ment qui trou­ve à se régénér­er dès que quelqu’un ose dire que le roi est nu.

Ne pas nommer ou mal nommer

Ne pas nom­mer les choses qui dérangent, ou alors les mal nom­mer, sem­ble être devenu le cœur de méti­er de ce jour­nal­isme, qui doit finale­ment plus à la pro­pa­gande et au for­matage des esprits qu’à la vérité. Le regret­té Philippe Mur­ray aurait dit « le réel atten­dra demain ».

Pour répon­dre à la sus­pi­cion de « droiti­sa­tion » du gou­verne­ment de Jean Cas­tex est alors con­vo­quée la grande con­science de gauche du même gou­verne­ment, le min­istre de la Jus­tice Dupont-Moret­ti, qui s’est pré­cip­ité pour affirmer dans une revivis­cence telle­ment années 80, ou telle­ment années Jospin que « l’ensauvagement, c’est un mot qui (…) développe le sen­ti­ment d’insécurité ». Voilà le Français à la fois sauvé – il ne va rien lui arriv­er – et bien puni en même temps : per­son­ne ne se pré­cip­it­era pour le pro­téger, puisqu’il ne se passe rien.

Sauvages et banlieues coloniales

À l’appui de notre Garde des sceaux, Lucie Soul­li­er sol­licite alors une lin­guiste, Michelle Lecolle, comme on utilis­erait un anthro­po­logue pour essay­er de com­pren­dre les mœurs bizarres et décon­cer­tantes d’une peu­plade récem­ment décou­verte. Donc la dame, « enseignante-chercheuse à l’université de Lor­raine », de nous délivr­er sa docte analyse : « Quand Dar­manin reprend le terme, il n’a pas besoin de pré­cis­er “ensauvage­ment de qui, de quoi ?” On pense automa­tique­ment “ban­lieues, immi­gra­tion, etc”. Ce ne sont pas les mots qui dis­ent ça, mais ceux qui se les sont appro­priés qui les ont chargés de ce sens. »

Une autre chercheuse nous explique ensuite que dans sauvage on entend coloni­sa­tion. La boucle est bouclée, mon­sieur Dar­manin est raciste, et voilà pourquoi votre fille est muette.

Usage univoque de la parole

Ce déli­cieux arti­cle du Monde déroule ensuite la liste de toute la « droite rad­i­cale » sus­cep­ti­ble d’avoir tra­vail­lé à la pol­lu­tion du débat pub­lic par l’emploi de mots qu’elle a chargés de sens comme Daech bourre ses voitures d’explosifs : d’Obertone à Mar­i­on Maréchal en pas­sant par Damien Rieu et Valeurs actuelles, sans oubli­er l’inoubliable Éric Zem­mour, respon­s­able des maux de l’univers, tous sont coupables de libér­er la parole dans l’espace pub­lic. Usurpa­tion impar­donnable laisse enten­dre l’article puisqu’en réal­ité seule la doxa libérale lib­er­taire, bonne et intel­li­gente, a le droit de répan­dre des ter­mes et de leur don­ner un sens.

Et Lucie Soul­li­er con­clut ain­si son cours d’éducation morale et civique : « User de cer­taines expres­sions ori­en­terait donc déjà le débat sécu­ri­taire dans l’opinion publique ». Cir­culez, il n’y pas d’insécurité. Ça fait trente ans qu’on vous le dit, ça n’est qu’un (mau­vais) sen­ti­ment. Ou une pas­sion triste pour para­phras­er notre président.

Voir ici notre entre­tien sur les médias avec Lau­rent Ober­tone.

Voir ici notre por­trait de Lucie Soul­l­li­er