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Hold up, le documentaire honni des médias de grand chemin

16 novembre 2020

Temps de lecture : 8 minutes
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Hold up, le documentaire honni des médias de grand chemin

16 novembre 2020

Temps de lecture : 8 minutes

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En 2007 sortait en librairie un essai écrit par la journaliste altermondialiste Naomi Klein, La stratégie du choc (Actes Sud, traduit en 2008). La thèse centrale de son ouvrage : les élites utilisent souvent des situations extrêmes (catastrophes naturelles, attentats) et la sidération de l’opinion publique pour « assurer la prise de contrôle de la planète par un ultralibéralisme surpuissant ». Si le livre a connu un grand succès en librairie, les accusations de complotisme ont été plus que rares. En comparaison, le documentaire « Hold up » qui vient d’être mis en ligne sur internet fait face à un déluge de critiques tous azimuts. Au point de passer sous silence plusieurs aspects majeurs de la gestion de la crise sanitaire qui méritent d’être débattus.

Le documentaire

Le doc­u­men­taire, réal­isé par Nico­las Réout­sky et Christophe Cossé, inti­t­ulé « Hold up », a pu voir le jour en dehors des cir­cuits tra­di­tion­nels de dis­tri­b­u­tion grâce à un finance­ment par­tic­i­patif. D’une durée de deux heures quar­ante-neuf min­utes, il passe en revue des allé­ga­tions de cor­rup­tion et de manip­u­la­tion par les autorités dans la ges­tion de la crise san­i­taire que nous con­nais­sons depuis le début de l’année. Dès sa mise en ligne publique et gra­tu­ite mer­cre­di 11 novem­bre, le comp­teur du nom­bre de vues a explosé.

La thèse cen­trale du doc­u­men­taire est que nos dirigeants ont pour objec­tif un « reset », une réini­tial­i­sa­tion plané­taire afin d’instaurer un gou­verne­ment mon­di­al. Un boule­verse­ment qui serait ren­du pos­si­ble par la crise san­i­taire et l’effet de sidéra­tion sur les peu­ples. Présen­té de cette façon, le réflexe com­mun serait de pass­er son chemin pour ne pas per­dre de temps avec une théorie abra­cadabran­tesque. Pour­tant, tant sur le fond que sur la forme, « Hold up » mérite d’être vu. La général­i­sa­tion du port du masque, la stratégie de tests suiv­ie par la France, le con­fine­ment et ses effets délétères sur la san­té des Français et l’économie, la sus­pen­sion des lib­ertés publiques, les liens entre cer­tains man­darins de la médecine et l’industrie phar­ma­ceu­tique, les thérapies util­isées, etc. sont  autant de sujets d’importance majeure dans la péri­ode. Ils sont débat­tus dans le doc­u­men­taire par des pro­fes­sion­nels de san­té et une députée anci­en­nement LREM. Ces ques­tions qui ne devraient pas être esquiv­ées font pour­tant trop sou­vent l’objet d’une véri­ta­ble omer­ta médiatique.

Grand succès populaire, tir de barrage unanime des médias de grand chemin

Si l’objectif des réal­isa­teurs de « Hold up » était de sus­citer le débat autour de la lutte con­tre la pandémie du coro­n­avirus, l’objectif n’est que par­tielle­ment atteint. La thèse cen­trale du film, qual­i­fiée de com­plo­tiste par la qua­si-total­ité des médias, a en effet suf­fi à créer un effet de halo qui rend les autres points soulevés par les réal­isa­teurs inaudi­bles. Et c’est bien dom­mage, car les occa­sions d’avoir un débat de fond sur la stratégie des gou­verne­ments dans la lutte con­tre le coro­n­avirus sont rares.

Un documentaire complotiste ?

À peine mis en ligne, de très nom­breux médias classent « Hold up » dans la caté­gorie « complotiste » :

  • Sud-Ouest évoque « la théorie du com­plot » au sujet du doc­u­men­taire « qui fait scandale ».
  • Numéra­ma sem­ble se désol­er du suc­cès du « film complotiste ».
  • France info titre sur « le doc­u­men­taire qui dénonce un « com­plot mon­di­al » (qui) fait polémique ».
  • RTL est par­ti à la recherche de « qui se cache der­rière le doc­u­men­taire complotiste ».
  • Le Monde répond le 13 novem­bre aux ques­tions au sujet de « l’épidémie de Covid-19 et (du) com­plo­tisme relayé par le doc­u­men­taire « Hold up ». On pour­rait mul­ti­pli­er les exem­ples d’articles qui s’attachent à dénon­cer la « théorie com­plo­tiste », au lieu de débat­tre sur le fond des argu­ments soulevés par « Hold up ».
  • La sta­tion de radio France Inter a‑t-elle une expli­ca­tion à ce déni de débat ? « Pour démon­ter ce doc­u­men­taire, il faudrait des heures, des jours de tra­vail », affirme au micro de la radio affil­iée à l’État français Tris­tan Mendes France, un mil­i­tant dont l’OJIM a dressé le por­trait récem­ment, et qui ne dis­pose pour­tant d’aucune com­pé­tence médi­cale. Mais il est vrai qu’apposer le sceau du « com­plot » sur n’importe quel sujet lui per­met de se répan­dre tout à loisir dans les médias de grand chemin.

Des intervenants qui se désolidarisent

Assez rapi­de­ment après que le doc­u­men­taire ait com­mencé à faire un intense buzz sur les réseaux soci­aux, deux per­son­nal­ités y inter­venant se désol­i­darisent de sa thèse centrale :

  • Le Midi libre nous informe le 13 novem­bre que « le car­di­o­logue et ancien min­istre de la San­té Philippe Douste-Blazy dit se “désol­i­daris­er” de ce film. Il a d’ailleurs demandé à en être retiré ».
  • La soci­o­logue de gauche Monique Pinçon-Char­lot, dénonce un « mon­tage choc au ser­vice de l’é­mo­tion et de la colère », nous apprend RTL le 13 novem­bre. Il est vrai que sa théorie pro­to-marx­iste n’a pas été entière­ment reprise par les réalisateurs.
  • À con­trario, le juriste Régis de Castel­nau assume dans une tri­bune sur le site de Front pop­u­laire totale­ment ses pro­pos dans le documentaire.

Ces pris­es de posi­tion illus­trent l’enjeu que représente le fait d’avoir apporté un témoignage qui viendrait accréditer la thèse cen­trale du doc­u­men­taire. Le lien entre les deux est — quoi qu’en dis­ent de nom­breux édi­to­ri­al­istes – pour­tant de la respon­s­abil­ité des réalisateurs.

Une censure de plusieurs plateformes de mise en ligne

Rapi­de­ment après la mise en ligne du doc­u­men­taire, la vidéo a dis­paru des moteurs de recherche de YouTube et con­sorts. Puis c’est d’Insta­gram, de Viméo, d’Odysee, etc., que « Hold up » est blackboulé.

Face­book n’est pas en reste qui cen­sure l’extrait vidéo sur le thème des masques. Aucune protes­ta­tion out­rée des défenseurs de la lib­erté d’expression n’était audi­ble à la suite de ces pra­tiques autoritaires.

Sur CNews, on assiste à l’incroyable scène de Sonia Mabrouk qui prend la défense de Pas­cal Praud forte­ment cri­tiqué par Ilana Cir­curel, la porte-parole de LREM. Pas­cal Praud a en effet eu l’outrecuidance d’inviter le réal­isa­teur du doc­u­men­taire. Un crime de lèse-majesté, vis­i­ble­ment. La porte-parole de LREM entend en effet non seule­ment don­ner des leçons de jour­nal­isme et de déon­tolo­gie à Pas­cal Praud, mais elle affirme égale­ment que le doc­u­men­taire n’est pas de l’ordre de la lib­erté d’expression, « c’est une bombe com­plo­tiste ». Dans ce con­texte d’affolement médi­a­tique, le chirurgien onco­logue et sta­tis­ti­cien Gérard Delepine est bien isolé à affirmer sur TV Lib­ertés que « tout doit pou­voir se dis­cuter ». « Dans cette hys­térie glob­ale, où ordres, con­tre-ordres, et men­songes se suc­cè­dent, les Français sem­blent per­dus. Ils cherchent des répons­es ailleurs, notam­ment dans le doc­u­men­taire “Hold-Up” » souligne la chaine de télévi­sion alternative.

Un débat qui nécessiterait d’être ouvert

On peut faire beau­coup de reproches au doc­u­men­taire. Sa con­struc­tion jux­ta­pose dans une très longue pre­mière par­tie des témoignages forts et argu­men­tés au sujet de la ges­tion de la crise san­i­taire liée au coro­n­avirus. Dans la sec­onde par­tie qui présente la thèse cen­trale des réal­isa­teurs, les élé­ments étayant celle-ci sont pour le moins peu con­va­in­cants : le déploiement de la 5G et de la cryp­to mon­naie comme préal­able à l’instauration d’une société poli­cière, le mil­i­tan­tisme pro-vac­cin de Bill Gates, les déc­la­ra­tions du men­tor d’Emmanuel Macron, Jacques Attali, au sujet du gou­verne­ment mon­di­al dont il souhaite voir le jour, la théorie du reset (réini­tial­i­sa­tion) qui per­me­t­trait de le met­tre en place.

La jour­nal­iste Nat­acha Polony soulig­nait le 14 novem­bre dans l’émission « Le grand face à face » sur France Inter que le suc­cès de ce doc­u­men­taire est prob­a­ble­ment dû au débat que les médias de grand chemin ne veu­lent pas ouvrir sur la ges­tion de la crise san­i­taire, ce qui amène une large de frange de l’opinion publique à s’en détourner.

Les Français considérés comme des adultes ?

Il est vrai que l’impression générale est que les médias de grand chemin lais­sent les coudées franch­es au gou­verne­ment dans la ges­tion de la crise san­i­taire, alors qu’il mul­ti­plie les déc­la­ra­tions con­tra­dic­toires et qu’il n’hésite pas à restrein­dre forte­ment les lib­ertés publiques et l’activité d’une par­tie des petites entre­pris­es. Le fait que la per­son­nal­ité préférée des français, Sophie Marceau, sou­ti­enne le doc­u­men­taire en dit long sur la défi­ance de très nom­breux Français vis-à-vis du dis­cours des élites.
Et si pour une fois, la classe poli­tique et la classe médi­a­tique pou­vaient con­sid­ér­er les Français comme des adultes, dotés de sens cri­tique et capa­bles de faire la part des choses, sans que la men­ace de cen­sure soit de nou­veau brandie comme réponse à l’expression d’idées con­sid­érées comme interdites ?

Quoi qu’il en soit, si « Hold up », en dépit de tous ses rac­cour­cis et argu­ments dou­teux, peut amen­er à sus­citer un débat sur la stratégie san­i­taire des autorités, sur le gou­verne­ment par la peur et la restric­tion des lib­ertés publiques, cela ne sera pas le moin­dre de ses mérites. Son suc­cès nous mon­tre que le mag­istère moral des édi­to­ri­al­istes et jour­nal­istes des médias de grand chemin est large­ment entamé. Et ça, c’est plutôt une bonne nouvelle…

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