Ojim.fr
Veille médias
Dossiers
Portraits
Infographies
Vidéos
Faire un don
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Sleeping Giants : un Nobel pour les censeurs ?

L’article que vous allez lire est gratuit. Mais il a un coût. Un article revient à 50 €, un portrait à 100 €, un dossier à 400 €. Notre indépendance repose sur vos dons. Après déduction fiscale un don de 100 € revient à 34 €. Merci de votre soutien, sans lui nous disparaîtrions.

19 février 2024

Temps de lecture : 4 minutes
Accueil | Veille médias | Sleeping Giants : un Nobel pour les censeurs ?

Sleeping Giants : un Nobel pour les censeurs ?

Temps de lecture : 4 minutes

Attribuer le prix Nobel de la Paix aux Sleeping Giants : c’est la proposition pour le moins étonnante du député Renaissance des Côtes‑d’Armor Éric Bothorel. Un article publié jeudi 15 février dans le journal Libération reprend l’appel du député Bothorel et développe les actions menées par cette « association militante » mais se prend les pieds dans le tapis en prenant l’exemple du site Boulevard Voltaire.

Éric Bothorel, chantre de la censure

Le député Éric Both­orel veut laver plus blanc que blanc. Il était déjà par­ti en croisade pour « assainir inter­net des dis­cours haineux ». France 3 Bre­tagne rap­porte la prose de l’élu pour qui « une des plus grandes men­aces pour la paix est la haine, et ceux qui l’at­tisent, l’en­tre­ti­en­nent, sont bien sûr les prin­ci­paux respon­s­ables de sa dif­fu­sion ». Un com­bat entre le mal et le bien en somme auquel le député estime que le groupe Sleep­ing Giants con­tribue en pour­fen­dant les médias ciblés comme étant « racistes » ou « complotistes ».

Ancien social­iste, Éric Both­orel n’en n’est pas à son coup d’essai en matière de Nobel, il avait déjà pro­posé la nom­i­na­tion de la Kat­i­ba des Nar­va­l­os en 2022 pour le même prix. Il s’agissait d’un col­lec­tif citoyen qui essaie de tourn­er les jihadistes au ridicule pour com­bat­tre leur pro­pa­gande sur internet…

« Assainir internet »

France Info rap­porte que pour le député, les Sleep­ing Giants « ont un impact indé­ni­able par leur démarche orig­i­nale de name and shame pour assainir les inter­nets et couper les revenus pub­lic­i­taires des haineux. Ils comblent ain­si les carences du droit, des faib­less­es de cer­tains out­ils de régu­la­tion dont cer­tains s’ac­com­mod­ent pour dévers­er leur fiel et en tir­er des revenus ». 

La méth­ode de cette organ­i­sa­tion mil­i­tante con­siste en effet à alert­er sur les réseaux soci­aux les mar­ques qui font de la pub­lic­ité dans les médias qu’ils dénon­cent. Les mar­ques n’étant pas tou­jours au courant des médias dans lesquels leurs pub­lic­ités sont dif­fusées du fait des mécan­isme numérique d’achat d’espaces, les Sleep­ing Giants (Géants endormis en français) leur enjoignent publique­ment d’arrêter de faire de la publicité.

Sleeping Giants, meilleur que Mère Teresa ?

Les cibles favorites de ce groupe mil­i­tant en ligne sont les médias de sen­si­bil­ité con­ser­va­trice. Ain­si, Valeurs Actuelles avait per­du sa prin­ci­pale régie pub­lic­i­taire en ligne en 2021 sous la pres­sion de l’organisation. CNews est égale­ment régulière­ment ciblé tout comme le jour­nal Causeur.

Pour­fend­eurs du racisme, les Sleep­ing Giants n’ont cepen­dant pas tout à fait réglé le prob­lème de dis­crim­i­na­tion au sein de leurs pro­pres équipes. Ain­si, une som­bre affaire de ressources humaines impli­quant un mâle blanc et une de ses col­lab­o­ra­tri­ces « racisée » avait éclaboussé l’organisation.

Soutenu par France Inter, qui lui tend volon­tiers son micro, le col­lec­tif se voit donc aujourd’hui pos­tu­lant pour un titre hon­ori­fique reçu il y a 45 ans par mère Teresa.

Inter­rogée dans les colonnes de France Inter, une cofon­da­trice de l’organisation de la sec­tion française de Sleep­ing Giants affirme « On est très émus. Cela fait sept ans que nous sommes exposés quo­ti­di­en­nement à la haine ».

Libération, l’info à l’aveugle

L’article de Libéra­tion paru le 15 févri­er sous la plume de Maxime Macé et Pierre Plot­tu fait le pané­gyrique des Sleep­ing Giants qui auraient « à leur act­if l’assèchement des revenus du site d’extrême droite Boule­vard Voltaire ». Une infor­ma­tion démen­tie par la rédac­trice en chef de ce média, Gabrielle Cluzel, dans un édi­to­r­i­al paru le jour même dans lequel la jour­nal­iste affirme n’avoir pas  été con­tac­tée pour con­firmer cette infor­ma­tion qu’elle dément. Cette dernière ajoute : « La vérité est que la cam­pagne de har­cèle­ment des Sleep­ing Giants, en dépit de leurs fan­faron­nades, n’a eu que peu d’incidence sur le développe­ment de Boule­vard Voltaire », détail­lant par ailleurs « ce n’est pas l’ac­tivisme de ces mil­i­tants d’ex­trême-gauche, c’est-à-dire le har­cèle­ment des annon­ceurs, qui a fait sauter la régie pub­lic­i­taire Google ad Sense de BV, mais un sig­nale­ment mas­sif et abusif de hack­ers ».

À la lim­ite de la légal­ité, l’organisation Sleep­ing Giants a déjà fait l’objet d’une plainte du jour­nal Valeurs Actuelles en 2021. Elle a égale­ment vu ses détracteurs faire des émules à l’image des Cor­saires qui se définis­sent comme un « Groupe d’ac­tion pro lib­erté d’ex­pres­sion » et qui tente de faire con­tre­poids en infor­mant les mar­ques sol­lic­itées que les Sleep­ing Giants n’ont d’une part aucune légitim­ité mais aus­si que cer­tains de leurs clients sont des habitués des médias ciblés.

Voir aus­si : Sleep­ing Giants ou le total­i­tarisme « soft » qui veut tuer