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Franc-tireur de Daniel Křetínský : un journal pour déringardiser les centristes !

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2 octobre 2021

Temps de lecture : 5 minutes
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Franc-tireur de Daniel Křetínský : un journal pour déringardiser les centristes !

Temps de lecture : 5 minutes

Franc-tireur — « la raison avec passion » : c’est le prochain nouveau venu de la presse magazine. Au programme de cette publication hebdomadaire : lutter contre « les extrêmes, les populistes et les démagogues ». En pleine campagne présidentielle et avec Christophe Barbier aux manettes, une initiative qui revient ni plus ni moins à créer un fanzine pro-Macron. Le projet, déjà évoqué sous le nom « antidote » prend désormais forme sous celui de Franc-tireur.

Un milliardaire contre l’obscurantisme

Pour pour­fendre le pop­ulisme et les extrêmes, Le Monde, Le Point, L’express… et con­sorts ne suff­isent (sem­ble-t-il) plus ! Il s’agit donc de fonder une nou­velle revue. Avec Franc-Tireur, les extrêmes peu­vent trem­bler. Décrit par Le Monde comme un « heb­do­madaire con­tre l’obscurantisme », la revue, soutenue par Daniel Křetín­ský, égale­ment action­naire du Monde, prof­ite d’une jolie pub­lic­ité dans le quo­ti­di­en. Un sou­tien de poids de la part du financier tchèque qui n’empêchera pas une cam­pagne de pré­fi­nance­ment (choquante quand on con­naît la for­tune de Daniel Křetín­ský) notam­ment sur la plate­forme Kiss Kiss Bank Bank dès le 6 octo­bre. La mise en orbite, elle, doit avoir lieu mi-novem­bre à moins de cinq mois de l’élection prési­den­tielle. Une façon pour Křetín­ský de faire un geste vers le locataire actuel de l’Élysée.

Voir aus­si : Daniel Křetín­ský, infographie

Une revue pour démonter les arguments des oppositions

L’annonce de la paru­tion sem­ble arriv­er à point nom­mé alors que la cam­pagne com­mence à s’emballer. Le duel Macron-Le Pen qui sem­blait un temps inéluctable pour­rait bien ne plus être une évi­dence avec les cam­pagnes de Jean-Luc Mélen­chon et d’Éric Zem­mour par­tis tam­bours bat­tants. Le pre­mier entend cap­i­talis­er sur des voix de ban­lieue (en sur­fant sur les 60 ans de la guerre d’Algérie ?) et sur un appareil poli­tique bien huilé pour créer la sur­prise quand le sec­ond entend bous­culer les cam­pagnes à droite en pico­rant dans les dif­férentes chapelles des Répub­li­cains au Rassem­ble­ment National.

Les deux ont en com­mun d’être hon­nis d’une par­tie des médias. Jean-Luc Mélen­chon avait par exem­ple été l’objet d’une chas­se aux sor­cières pour des pro­pos large­ment réin­ter­prétés pour les besoins de la dia­boli­sa­tion du chef Insoumis. Quant à Éric Zem­mour, s’il est en per­ma­nence invité sur les plateaux, il n’en demeure pas moins dia­bolisé pour ses pris­es de posi­tions tranchées.

Avec la créa­tion de Franc-tireur, les pro­pos des can­di­dats trop éloignés du cen­tre qu’il s’agisse de ceux de Marine Le Pen, Jean-Luc Mélen­chon et Éric Zem­mour pour­ront être détri­cotés et com­men­tés toutes les semaines.

Un casting pro-Macron et progressiste

Pour men­er à bien ce pro­jet, une équipe triée sur le volet est pressen­tie. Out­re Car­o­line Fourest qui fait de la réclame pour ce nou­veau média sur les réseaux soci­aux, on devrait retrou­ver à la baguette Christophe Bar­bi­er pour diriger la rédac­tion. L’ancien directeur de L’Express et édi­to­ri­al­iste de BFMTV sera épaulé par Eric Decouty, ancien de Libéra­tion et ex-directeur adjoint de la rédac­tion de Mar­i­anne. Car­o­line Fourest sera de son côté con­seil­lère édi­to­ri­ale de ce jour­nal dirigé par des hommes. Le Monde rap­porte d’ailleurs à ce sujet que Christophe Bar­bi­er estime qu’elle aura une « pos­ture de muse ». Drôle de voca­ble gen­ré pour qual­i­fi­er l’une des papess­es du fémin­isme en France.

Par­mi les col­lab­o­ra­teurs on retrou­ve aus­si Raphaël Enthoven, un moment évo­qué pour pren­dre la direc­tion du mag­a­zine. Celui qui avait défrayé la chronique en affir­mant qu’il « votera plus pour Marine Le Pen que pour Jean-Luc Mélen­chon » s’inscrit par­faite­ment dans la ligne édi­to­ri­ale. Loin de « préfér­er » Marine Le Pen à Jean-Luc Mélen­chon il a en réal­ité théorisé l’extension du Front répub­li­cain à la France Insoumise.

Franc-tireur mais surtout très partisan

L’ancien secré­taire général de Force Ouvrière Jean-Claude Mail­ly devrait aus­si pren­dre part au pro­jet tout comme Rachel Khan qui devrait y porter une voix con­tre la « pen­sée décolo­niale ». Un élé­ment intéres­sant qui mon­tre la ligne rouge que se fixe le jour­nal en matière de pro­gres­sisme : décon­stru­ire pas mal, mais pas trop quand même !

Le Monde évoque aus­si la par­tic­i­pa­tion de Philippe Aghion, écon­o­miste et sou­tien d’Emmanuel Macron en 2017. Pour dire du mal du voile islamique, c’est Abnousse Shal­mani qui devrait pren­dre la plume et enfin, Rudy Reich­stadt, pseu­do expert à la fon­da­tion Jean Jau­rès et directeur de Con­spir­a­cy Watch s’occupera de dénon­cer les com­plots ! Une équipe en pôle sur le poli­tique­ment cor­rect qui devrait bel et bien agir en franc-tireur, c’est-à-dire par­al­lèle­ment à l’armée régulière (l’équipe de cam­pagne du prési­dent). Un nom en cela bien trou­vé… À moins qu’il ne s’agisse de singer le nom du mou­ve­ment de résis­tance éponyme de 1941 avec Christophe Bar­bi­er en Jean Moulin, écharpe rouge en sus.

Déringardiser le centre et faire campagne pour Macron

La ligne du jour­nal est claire : au cen­tre toute ! Cen­sée lut­ter con­tre « la pro­gres­sion de l’obscurantisme », la revue veut remaquiller le style d’une famille poli­tique sou­vent ringardisée.

Pour deux euros en kiosque (un prix d’ami) et avec une présence sur les réseaux soci­aux et sous le for­mat vidéo, Franc-Tireur devrait se mon­tr­er un allié utile pour le pou­voir en place. Si Christophe Bar­bi­er entend cri­ti­quer ici et là la poli­tique d’Emmanuel Macron, par­fois de manière un peu ridicule comme dans un tweet de réclame qui ne rime pas à grand et dans lequel il affirme : « Vous trou­vez que la con­ver­sa­tion Macron-Biden est insuff­isante ? Rejoignez-nous ! », il devrait néan­moins se mon­tr­er très docile à l’égard du marcheur en chef comme en attes­tent ses dif­férentes déc­la­ra­tions d’amour à l’endroit du prési­dent.

Ce titre qui se veut, « pas­sion­né­ment raisonnable » selon le cogérant de Libéra­tion Denis Olivennes entend refuser de « laiss­er aux pop­ulistes le mono­pole de l’émotion, de la révolte ».

Toute la dif­fi­culté sera de sor­tir le cen­trisme de son image un peu trop gis­car­di­enne tout en étant « en même temps » à peu près con­tre tout. Christophe Bar­bi­er a fait sa pro­fes­sion de foi sur le sujet, Franc-tireur sera : « anti-Zem­mour, anti-extrême droite, anti-extrême gauche, anti-anti­vax, anti-com­plo­tiste, anti-can­cel cul­ture ». Tout un pro­gramme qui devrait large­ment abreuver la cam­pagne du prési­dent Macron. Mer­ci Daniel.