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Coronavirus : si le complotisme m’était conté… Chapitre énième

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31 mars 2020

Temps de lecture : 5 minutes
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Coronavirus : si le complotisme m’était conté… Chapitre énième

Temps de lecture : 5 minutes

Il n’aura pas fallu longtemps pour que les théories du complot pullulent, il en aura fallu encore moins pour s’écrier au complotisme et mettre dans le même sac à peu près l’intégralité de tout ce qui s’apparente à de la pensée qui se veut critique…

Sur CNews, le mer­cre­di 25 mars 2020 à 13h50, une rubrique de cinq min­utes, anodine de prime abord, traite « coro­n­avirus : fake news et com­plo­tisme ». Cinq min­utes pour ce déli­cat sujet. À la pelle et à l’ap­pui, un jour­nal­iste présente tweets, gifs, mêmes, et com­men­taires sur divers réseaux soci­aux dont l’inénarrable “forum blabla 18–25ans” du site jeuxvideos.com.

Absence de contextualisation

On révèle un tweet soulig­nant les mau­vais­es rela­tions entre le pro­fesseur Raoult et « Mon­sieur Lévy », mari d’Ag­nès Buzyn et ancien prési­dent de l’IN­SERM. Par­lera-t-on de la ques­tion sous-jacente du tweet, savoir les con­flits d’in­térêts et les querelles d’é­go, dans le milieu médi­cal en l’oc­cur­rence, qui débor­deraient sur l’in­térêt général ? Non, car…

Le jour­nal­iste relève que la for­mu­la­tion « Mon­sieur Lévy » tend à met­tre l’ac­cent sur sa judaïté. Raison­nement par induc­tion oblige, le tweet devient anti­sémite, donc la majeure par­tie des com­plo­tistes sont anti­sémites, ou bien cet anti­sémitisme qui voit une inci­dence juive dans l’épidémie est car­ac­téris­tique du complotisme/conspirationnisme d’au­jour­d’hui. Le con­tenu du com­men­taire est anni­hilé pour sim­ple sus­pi­cion formelle d’antisémitisme.

Le jour­nal­iste de CNews rem­pile avec une vidéo d’hu­mour noir qui détourne des vidéos de Raoult, des affich­es avec écrit « Ici Coluche, surtout ne prends pas la moto dans les semaines qui vien­nent. » Ce dernier con­clut que l’hu­mour est ici injus­ti­fié, tein­té encore de com­plo­tisme, avec la référence à Coluche, pis ! que ce genre d’hu­mour employ­ant la déri­sion cache en réal­ité la volon­té de dés­in­former et de ren­dre amu­sant, un con­tenu en fil­igrane haineux ; l’art de la per­sua­sion à des fins idéologiques sous cou­vert d’hu­mour. L’argumentaire du jour­nal­iste paraît vite tenir plus du juge­ment et de l’af­fect que de la stricte information.

Conspirationnisme ?

Same­di 28 mars 2020, Le Monde pub­lie un arti­cle « Com­ment le coro­n­avirus est devenu un ter­rain fer­tile pour le théories du com­plot ».

En gros titre : « les jeunes et les class­es sociales les plus mod­estes » qui adhèrent le plus aux théories de com­plots. En somme, ce sont les deux caté­gories de per­son­nes qui votent le plus RN qui bercent dans le com­plo­tisme. Hasard ? Rac­cour­ci que cer­tains ne pour­raient-ils pas, hâtive­ment, tax­er de « désinformation » ?

Chloroquine et anti-sémitisme

Le même jour dans le même jour­nal, un arti­cle donne avec fer­veur dans le ridicule, sur “Didi­er Raoult, égérie des com­plo­tistes”. Où l’on apprend avec stu­peur (et un sourire navré) que les admi­ra­teurs du pro­fesseur Raoult sur­fent sur un argu­men­taire (encore !) anti­sémite souter­rain. Avec le sou­tien de l’obscur mais bien financé Obser­va­toire du con­spir­a­tionnisme. Un obser­va­toire du con­spir­a­tionnisme et des théories du com­plot fondé en 2007 par Rudy Reichd­stadt qui con­stitue – comme le Decodex du Monde – un out­il au ser­vice de la dénon­ci­a­tion des idées opposées au monde libéral-lib­er­taire. L’objectif, en dénonçant le com­plo­tisme réel ou sup­posé, est de ramen­er ceux qui prê­tent atten­tion aux idées déviantes dans le droit chemin de la doxa dom­i­nante. Et l’aide intéressée de l’ « his­to­ri­enne » Valérie Igounet, une chercheuse très poli­tique… et voleuse à ses heures à qui nous avons déjà con­sacré un papi­er en 2016.

Dans un récent arti­cle sur le baromètre com­paré des médias entre 1975 et nos jours, nous avions remar­qué la ten­dance en aug­men­ta­tion con­stante à penser que les médias ont une lib­erté de ton rel­a­tive, sont biaisés par leur hiérar­chie, et que leur action a plus tôt fait d’en­ven­imer une sit­u­a­tion que d’en rap­porter stricte­ment les faits. « Une chimie extra­or­di­naire » une « trop grande sub­til­ité », « d’un car­ac­tère impres­sion­nant. » à qui et pour qui sont ces mots, éloges, pané­gyriques et autres dithyra­mbes ? Emmanuel Macron, de la part d’An­na Cabana, jour­nal­iste au Point, sur BFMTV à 18h52 le 4 févri­er 2020… Un exem­ple de pro­pos par­ti­san de jour­nal­iste qui n’a qu’un effet, con­firmer l’opin­ion dans son idée : les médias ori­en­tent l’in­for­ma­tion, donc sont sus­cep­ti­bles d’é­carter ce qui gêne ; face à un tel décalage ressen­ti entre ceux qui par­lent et ceux qui écoutent, la pro­por­tion de ceux qui esti­ment qu’on nous cache des choses ne peut qu’augmenter.

Trop d’informations crée autant de doutes que l’absence d’informations

Le Covid-19, où l’oc­ca­sion de con­stater l’in­ca­pac­ité des médias dom­i­nants de se ren­dre compte que leur manière d’in­former est la cause même de leur délite­ment et de la recherche de médias alter­nat­ifs par la pop­u­la­tion, en bien comme en mal. Réflexe du jour­nal­iste pavlovien : plutôt qu’ar­gu­menter con­tre ceux qui véhicu­lent des idées pré­ten­dues com­plo­tistes, le recours aux « Cir­culez, il n’y a rien à voir » et « Surtout n’allez pas vous informer ailleurs ».

Du même coup, les plus jeunes (et de nom­breux moins jeunes) ne trou­vent dans les médias de grand chemin qu’une infor­ma­tion à laque­lle ils ne se fient plus, et se diri­gent ailleurs, sur un médi­um (inter­net) qu’ils utilisent massivement.