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BFMTV et Emmanuel Macron se renvoient l’ascenseur

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18 avril 2018

Temps de lecture : 5 minutes
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BFMTV et Emmanuel Macron se renvoient l’ascenseur

Temps de lecture : 5 minutes

Après une incursion sur TF1 en cours de semaine, le président de la République était devant les caméras de BFMTV dimanche 15 avril 2018. Comment la presse papier a‑t-elle réagi le lendemain ?

Avant même de com­mencer, l’interview accordée par Emmanuel Macron, sur BFMTV, avait fait couler beau­coup d’encre. En par­ti­c­uli­er du fait du choix des deux inter­locu­teurs du prési­dent, Jean-Jacques Bour­din et Edwy Plenel, patron de Médi­a­part. Et surtout du fait du choix de ce dernier, ce qui a été analysé par l’OJIM. D’autres points n’ont cepen­dant pas été assez relevés par les médias, avant le soir fatidique. Par exemple :

  • Le prési­dent de la République française, ce dimanche soir, comme le 12 avril sur TF1, n’avait choisi que des médias télévisés privés. Le choix n’est pas anodin.
  • Le prési­dent de la République a adoubé un média, Médi­a­part, et un jour­nal­iste, Edwy Plenel, qui sont sou­vent sujets à polémiques, par exem­ple au sujet de Ramadan. Plenel a été accusé de con­fon­dre le méti­er de jour­nal­isme et le mil­i­tan­tisme, ce qui n’est pas nou­veau : la con­fu­sion opérait déjà lorsqu’il dirigeait Le Monde.
  • Éton­nement, il n’a pas été relevé que le choix de BFMTV (laque­lle a bat­tu son record d’audience à l’occasion) a tout d’une forme de remer­ciements, eu égards au sou­tien accordé sans ver­gogne par la chaîne d’informations en con­tin­ue au can­di­dat Macron lors de la cam­pagne des élec­tions prési­den­tielles. Sans BFMTV, Macron serait-il par­venu au 2e tour de ces élec­tions ? Pas cer­tain. La chaîne a martelé « l’affaire Fil­lon » au quo­ti­di­en. Sans cette réso­nance, François Fil­lon ne serait-il pas passé devant lui ? Qui sait ?

D’une cer­taine façon, Macron s’est affir­mé comme le prési­dent non pas « des rich­es » mais plus sim­ple­ment du monde social libéral lib­er­taire, ce que les soci­o­logues améri­cains nom­ment main­tenant « la classe ambitieuse ». Là où cer­tains pré­conisent l’union des droites, Macron réalise l’union du monde libéral lib­er­taire. Reste que les remer­ciements du prési­dent, via le choix de BFM pour l’émission, valent plusieurs mil­lions d’euros et plus encore xur le plan de la recon­nais­sance de la chaine dans le paysage audio-visuel français.

De quoi ont par­lé les trois prin­ci­paux quo­ti­di­ens papi­er le lendemain ?

Emmanuel Macron adoubé

Que dis­ent les quo­ti­di­ens, le 16 avril 2018 ? Out­re le fait de relever les prin­ci­paux points et annonces du prési­dent, sur lesquels nous ne revenons pas ici :

  • Le Figaro : le 16 avril, l’interview du prési­dent n’est qu’un titre de Une par­mi d’autres, le titre prin­ci­pal étant con­sacré aux frappes en Syrie. Les deux événe­ments sont cepen­dant reliés en pages intérieures où Macron est annon­cé comme « Un chef de guerre face aux cri­tiques ». Cepen­dant, l’article ayant été final­isé avant la fin de l’entretien, il faut se tourn­er vers l’édition du 17 avril. Le quo­ti­di­en insiste sur la con­nais­sance des dossiers du prési­dent, son sang-froid, son courage d’affronter des jour­nal­istes qui ne seraient pas inféodés, sa sci­ence des « upper­cuts », l’aspect nova­teur et mod­erne du genre de cette inter­view… Le quo­ti­di­en donne par ailleurs la parole aux cri­tiques des adver­saires du prési­dent, en par­ti­c­uli­er à Jean-Luc Mélen­chon. Adoube­ment du Figaro.
  • Libéra­tion : le 16 avril, Libéra­tion titre en Une, sur fond de pho­to de l’entretien : « Macron au com­bat ». Pour le quo­ti­di­en, « le chef de l’État a jus­ti­fié à la télévi­sion les frappes des alliés ». Plus avant : « Il avait prévu de faire la péd­a­gogie de ses réformes. Mais c’est en tant que chef de guerre qu’Emmanuel Macron a dû s’explique.. ». Deux pages plus loin, un édi­to insiste sur le côté ten­du du début de l’entretien, au sujet des ques­tions sociales, puis indique que la suite est moins « orageuse » et pour­tant « d’une inten­sité rare ». L’édito évoque « le grand mérite des deux jour­nal­istes » pour « avoir su créer ce moment sin­guli­er », et la force du prési­dent. Adoube­ment de Libéra­tion.
  • Le Monde : le quo­ti­di­en du soir titre sur un ent­hou­si­aste : « Macron, com­bat­if pour défendre ses choix », avec une belle et ample pho­togra­phie. Autres mots mis en avant, la volon­té affichée par le chef de l’État de « réc­on­cili­er le pays ». Le quo­ti­di­en indique que le débat a par­fois été « abrupt », et que le prési­dent a pu reprocher aux jour­nal­istes leurs ques­tions « ori­en­tées » et leur « dém­a­gogie », ne faisant cepen­dant pas remar­quer que, au vu de l’évidente intel­li­gence du chef de l’État et des com­mu­ni­cants qui l’entourent, cette sit­u­a­tion était sans doute à la fois voulue et sous con­trôle. Du reste, Le Monde rap­porte fidèle­ment l’image que Mon­sieur Macron a voulu don­ner, comme si son rôle n’était que de pro­pos­er un compte ren­du de la volon­té prési­den­tielle à lire. Adoube­ment du Monde.

Il n’y a pas de vraie cri­tique ou de réelle analyse des pro­pos du chef de l’État dans les retours des prin­ci­paux quo­ti­di­ens, lesquels adoubent le choix fait en 2017, leur choix et celui de BFMTV finale­ment. Une volon­té général­isée de créer de l’empathie, tant par les mots que par le ton. Que Plenel et Bour­din ne dis­ent pas « Mr le Prési­dent » mais « Emmanuel Macron » est d’ailleurs dans le même ordre d’idées, un peu comme quand tous les médias libéraux lib­er­taires dis­aient « Hillary » d’un côté et « Trump » de l’autre. La cul­ture des start-up s’installe. On con­seillera vive­ment de regarder le film Cor­po­rate, his­toire d’avoir une idée de ce qui approche. Et l’on pour­ra peut-être bal­ay­er devant la porte France quant aux liens plutôt com­plaisants entre médias et chef de l’État, avant de vouloir faire le ménage ailleurs.

Crédit pho­to : Gou­verne­ment français via Wiki­me­dia (cc)