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David Petraeus : ex-chef de la CIA, nouveau magnat des médias en Europe de l’Est. Première partie

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28 décembre 2017

Temps de lecture : 4 minutes
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David Petraeus : ex-chef de la CIA, nouveau magnat des médias en Europe de l’Est. Première partie

Temps de lecture : 4 minutes

[Red­if­fu­sion – arti­cle pub­lié ini­tiale­ment le 25/09/2017]

La carrière fulgurante de David Petraeus, tour à tour commandant en chef des forces internationales en Irak et Afghanistan, directeur de la CIA, dirigeant du géant financier KKR et magnat des médias, incarne une nouvelle forme de pouvoir militaire-sécuritaire-financier-médiatique. Première partie

Une car­rière qui sem­blait pour­tant pren­dre une fin abrupte quand un scan­dale sex­uel avait con­traint Petraeus à démis­sion­ner de la CIA en 2012. Adultère aggravé par le fait que le général qua­tre étoiles avait men­ti pen­dant l’en­quête, et surtout, qu’il avait fait fuiter des secrets d’É­tat à sa maîtresse. Il sera con­damné à deux ans de prison avec sur­sis et à 100.000 dol­lars d’a­mende — une bagatelle en com­para­i­son avec des cas sim­i­laires, dont celui d’Edward Snow­den, qui affirme avoir divul­gué des infor­ma­tions beau­coup moins confidentielles.

Petraeus s’en remet­tra. Six mois après le scan­dale, il sera recruté par le fonds d’in­vestisse­ment mastodonte Kohlberg, Kravis, Roberts & Co. L. P. (KKR) pour diriger son Glob­al Insti­tute nou­velle­ment fondé.

Les Barbares de Wall Street

Dans les années 70 et 80, le KKR était le pio­nnier du LBO, ou “opéra­tion d’ac­qui­si­tion par effet de levi­er” — c’est-à-dire par dette mas­sive. L’in­ven­teur du con­cept, Jerome Kohlberg, bien­tôt inquiété par une avid­ité écras­ante qui imprègne la vie des affaires, quit­tera le fonds qu’il avait créé, en ne lais­sant que son K à la tête du sigle. Après son départ, c’est le deux­ième K, Hen­ry Kravis, qui fera explos­er les LBO en méri­tant au KKR le surnom peu flat­teur des Bar­bares de Wall Street (le livre et le film “Bar­bar­ians at the Gate” sont dédiés à leur LBO his­torique sur RJR Nabis­co). Ils res­teront les cham­pi­ons de cette méth­ode, bien qu’elle aboutisse sou­vent aux dépèce­ments, voire aux fail­lites des entre­pris­es rachetées, comme ce fut le cas de leur autre LBO his­torique : Ener­gy Future Hold­ings. La même méth­ode est aujour­d’hui pra­tiquée par Patrick Drahi qui a bâti son empire médi­a­tique sur une dette colossale.

Fin 2016, Petraeus a été envis­agé par le prési­dent désigné Don­ald Trump entant que chef de la diplo­matie améri­caine, mais restera chez KKR, désor­mais comme parte­naire. Kravis et Petraeus sont aus­si mem­bres du Coun­cil on For­eign Rela­tions et par­tic­i­pants réguliers aux réu­nions de Bilder­berg. Kravis était classé 38e sur la liste des Juifs les plus rich­es du Jerusalem Post.

L’invasion commence

Dès son pas­sage dans le monde d’af­faires, l’ex-fonctionnaire fait ses preuves en éten­dant le porte­feuille déjà impres­sion­nant de KKR. En 2013, le fonds fait son pre­mier investisse­ment direct dans la région de l’Eu­rope cen­trale et de l’Eu­rope de l’Est en rachetant Unit­ed Group (SBB/Telemach) pour une somme jamais divul­guée mais estimée supérieure à un mil­liard d’eu­ros. Unit­ed Group réu­nis­sait les prin­ci­paux opéra­teurs du câble, du satel­lite et d’in­ter­net dans l’ex-Yougoslavie avec presque deux mil­lions abonnés :

  • SBB (Ser­bia Broad­band) — le plus grand câblo-opéra­teur et four­nisseur d’ac­cès à inter­net en Ser­bie avec 700.000 abonnées ;
  • Telemach — le prin­ci­pal câblo-opéra­teur et four­nisseur d’ac­cès à inter­net en Slovénie et Bosnie-Herzégovine ;
  • Total TV — le pre­mier réseau de télévi­sion par satel­lite en Ser­bie, présent dans tous les six pays de l’ex Yougoslavie ;
  • NetTV Plus — le prin­ci­pal four­nisseur de ser­vices de télé­com­mu­ni­ca­tions sur Internet ;
  • Unit­ed Media — les chaines de télévi­sion Sport klub, Cin­e­ma­nia, Ultra, Mini ultra, Lov i ribolov ;
  • CAS Media — la plus grande agence d’achat d’e­spaces pub­lic­i­taires à la télévi­sion du câble et du satel­lite dans la région.

L’an­née suiv­ante, le KKR affer­mit son emprise. Via Unit­ed Group, il achète le géant du diver­tisse­ment tur­bo-folk Grand Pro­duc­tion et acquiert la par­tic­i­pa­tion de con­trôle du câblo-opéra­teur mon­téné­grin BBM. Il devient copro­prié­taire du 1er site d’in­for­ma­tion en Ser­bie Blic.rs en rachetant 49% de Ringi­er Dig­i­tal SA, la fil­iale numérique du groupe de presse suisse.

Finale­ment, il lance sa pro­pre chaine de télévi­sion régionale, N1 TV, parte­naire exclusif de la CNN, avec stu­dios à Bel­grade, Zagreb et Sara­je­vo. En été 2017, il achète TV Nova, la chaine la plus regardée de Croat­ie, dont le jour­nal du soir réalise les meilleures audi­ences du pays ; ain­si que POP TV dont le jour­nal 24ur est le prin­ci­pal pro­gramme d’in­for­ma­tion en Slovénie. Unit­ed Group élar­git aus­si ses activ­ités à la télé­phonie fixe et mobile.

À suiv­re.

Crédit pho­to : Aaron Vow­els via Flickr (cc)