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CNews nous informe-t-elle de l’instauration du délit d’opinion ?

30 mai 2020

Temps de lecture : 4 minutes
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CNews nous informe-t-elle de l’instauration du délit d’opinion ?

Temps de lecture : 4 minutes

La lecture de certaines informations défilantes en bas d’écran sur les chaines d’informations en continu peut plonger le téléspectateur dans un abime de perplexité. Le 26 mai, quelques lignes en incrustation avant et lors de l’émission « Face à l’info » ont retenu notre attention et suscité quelques interrogations.

Trois mes­sages suc­ces­sifs ont don­né aux téléspec­ta­teurs de CNews le 26 mai, entre 18 et 20 heures, notam­ment lors de Face à l’info une infor­ma­tion pour le moins étonnante :

« Un homme a été inter­pel­lé ce matin à Limo­ges dans le cadre d’une enquête prélim­i­naire pour asso­ci­a­tion de mal­fai­teur ter­ror­iste (proche dossier/ CNews) » .

Jusqu’ici, pas d’étonnement. L’arrestation d’apprentis ter­ror­istes est fréquente et le fait qu’elle soit réal­isée préven­tive­ment au pas­sage à l’acte est plutôt ras­sur­ant pour la sécu­rité publique.

« Le sus­pect, ancien mil­i­taire, adhérait aux test ( ! NDLR) de l’ultra droite et anti­sémite. Il van­tait le dis­cours sur le grand rem­place­ment ».

Les « tests » qui sont sans nul doute des thès­es appor­tent des élé­ments nou­veaux sur l’orientation idéologique de l’individu inter­pel­lé. On est dans le reg­istre des con­vic­tions. L’individu qui exprime des pro­pos anti­sémites peut être pour­suivi en jus­tice et con­damné. Le mes­sage de CNews ne pré­cise pas qu’il l’a fait. Si tel était le cas, on serait dans un délit de droit com­mun et la mobil­i­sa­tion du Par­quet nation­al antiter­ror­iste, par­fois peu prompt à s’emparer des affaires crim­inelles impli­quant des islamistes, ne serait pas nécessaire.

Autre fait : « Il van­tait le dis­cours sur le grand rem­place­ment ». Le jour­nal­iste de CNews et sa source ont-ils lu autre chose au sujet du livre « Le grand rem­place­ment » que la fiche calom­nieuse que Wikipé­dia lui con­sacre ? Et si plutôt que de lire ce qu’on dit sur le livre, on lisait enfin le livre de Renaud Camus, qui ne con­tient aucun appel à la vio­lence. Bien au con­traire, il vante les valeurs de civisme, de civil­ité, de civil­i­sa­tion, d’ur­ban­ité et de respect de la parole. Nous invi­tons le lecteur à lire l’article que l’écrivain et jour­nal­iste Olivi­er Maulin a con­sacré dans l’édition du 28 novem­bre 2019 de Valeurs actuelles à Renaud Camus à l’occasion de la réédi­tion de six textes poli­tiques. Aucune trace ni d’appel à la vio­lence dans les pro­pos que tient l’écrivain qui a eu son inspi­ra­tion sur le con­cept de « grand rem­place­ment » en voy­ant le change­ment de pop­u­la­tion dans le vil­lage de Lunel. Un vil­lage qui par la suite, rap­pelons-le, a été le lieu de départ de nom­breux dji­hadistes pour l’Etat islamique, des ter­ror­istes islamistes bien réels.

Si comme le men­tionne la fiche de Wikipé­dia, l’auteur de l’attentat à Christchurch en Nou­velle Zélande a invo­qué après son acte la théorie du grand rem­place­ment, ce fait suf­fit-il à dis­qual­i­fi­er le livre et la théorie de Renaud Camus en pra­ti­quant la dis­qual­i­fi­ca­tion par asso­ci­a­tion, ce vieux procédé qu’utilisait le régime sovié­tique de l’URSS qui voy­ait des nazis partout ?

À titre de com­para­i­son, men­tionne-t-on après chaque acte ter­ror­iste islamiste que son auteur « van­tait le Coran » ? La Fon­da­tion pour l’Innovation Poli­tique a pour­tant recen­sé entre 1979 et 2019, au moins 33 769 atten­tats islamistes – au nom de l’islam — dans le monde qui ont provo­qué la mort d’au moins 167 096 personnes.

Dernière infor­ma­tion au sujet de l’ancien mil­i­taire arrêté :

« Le Par­quet nation­al antiter­ror­iste a ouvert une enquête prélim­i­naire. L’individu a été placé en garde à vue (…). L’enquête devra déter­min­er si cet ancien mil­i­taire avait un pro­jet d’action vio­lente ».

On en déduit que le pro­jet d’action vio­lente n’est pas établi à ce stade par le Par­quet nation­al antiter­ror­iste. On se demande à par­tir des infor­ma­tions dis­pen­sées sur le ban­deau défi­lant de C News  sur quelles bases l’ancien mil­i­taire a donc été arrêté. Sur ses con­vic­tions dont on n’est pas cer­tain, en ce qui con­cerne l’antisémitisme, qu’il les a pro­fessées publiquement ?

C’est ain­si qu’à par­tir d’une bonne nou­velle, l’arrestation de quelqu’un qui s’apprêterait à com­met­tre un acte ter­ror­iste, on en arrive à penser qu’on a arrêté quelqu’un non parce qu’il a eu des pro­pos réprimés par la loi, mais sim­ple­ment parce qu’il s’est ren­du coupable de les penser, ce qui n’est à ce jour pas encore un délit…Par la même occa­sion, on salit l’essai d’un écrivain.

Nous sug­gérons au sta­giaire qui a mul­ti­plié les fautes de syn­taxe dans le mes­sage en ban­deau défi­lant sur l’écran de CNews d’indi­quer la prochaine fois des élé­ments plus probants de sus­pi­cion que la lec­ture d’un essai. D’autres élé­ments plus sub­stantiels sem­blant exis­ter selon le Huff­post.

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