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Agression d’une jeune femme habillée en jupe à Strasbourg : “un fait divers malheureux”

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26 septembre 2020

Temps de lecture : 8 minutes
Accueil | Veille médias | Agression d’une jeune femme habillée en jupe à Strasbourg : “un fait divers malheureux”

Agression d’une jeune femme habillée en jupe à Strasbourg : “un fait divers malheureux”

Temps de lecture : 8 minutes

Vendredi 18 septembre 2020, un fait divers comme il s’en produit de nombreux tous les jours, a défrayé la chronique. Une jeune femme a été agressée verbalement et physiquement dans une rue de Strasbourg, parce qu’elle était vêtue d’une jupe. Une agression d’une triste banalité qui n’amène pas les médias de grand chemin à analyser les causes profondes et particulières de ce type de comportement et d’actes violents.

Une agression choquante mais qui semble se banaliser

En cette fin d’été, il est agréable de se promen­er dans les belles rues de Stras­bourg. Pour une femme, se promen­er seule est par­fois un peu plus com­pliqué. Une étu­di­ante d’une ving­taine d’année a eu la folle idée de se promen­er en jupe. Tout se serait bien passé si elle n’avait pas croisé sur son chemin 3 jeunes hommes. France Bleu décrit dans un arti­cle pub­lié le 21 sep­tem­bre les cir­con­stances de l’agression. D’abord des insultes : « regardez-moi cette pute en jupe ». La jeune femme a l’outrecuidance de répon­dre « par­don ? ». De nou­veau des insultes « Tu te tais salope et tu baiss­es les yeux ». Puis nos trois courageux jeunes gens don­nent des coups au vis­age de la jeune femme. Une quin­zaine de témoins assis­tent à la scène, pas un ne réagira.

La jeune femme affirme à la radio publique qu’elle « n’a jamais ressen­ti un cli­mat aus­si mal­sain pour les jeunes femmes. Le har­cèle­ment de rue est devenu une plaie qua­si quotidienne. »

Le réc­it fait par France Bleu de cette agres­sion ressem­ble à celui de nom­breux autres médias : les faits livrés factuelle­ment, le témoignage de la per­son­ne agressée. C’est la jeune femme qui donne des élé­ments de con­texte. Cer­tains médias, rares, appor­tent des élé­ments statistiques.

LCI nous per­met de com­pren­dre l’élément déclencheur de la médi­ati­sa­tion de cette affaire :

« Élis­a­beth a posté sur les réseaux soci­aux des pho­tos de son vis­age, sus­ci­tant de très nom­breuses réac­tions indignées ». Toutes affaires ces­santes, « la min­istre déléguée à la citoyen­neté, Mar­lène Schi­ap­pa, s’est ren­due à Stras­bourg pour évo­quer le sujet ».

CNews reprend les pro­pos de la ministre :

« Sans oppos­er les filles et les garçons, je crois qu’il y a un tra­vail d’é­d­u­ca­tion pour faire en sorte que lorsqu’une femme cir­cule dans la rue, elle ait le droit de cir­culer en jupe ».

L’urgence serait donc de ne pas « oppos­er » les filles et les garçons. Quelqu’un y a pen­sé hormis Mar­lène Schiappa ?

Sur Twit­ter, San­dra Frey­burg­er fait une sug­ges­tion à la min­istre, en faisant référence à une jeune femme poignardée en pleine rue pour un mau­vais regard, une agres­sion relatée notam­ment par Actu17  :

«  Puisque @MarleneSchiappa prend la peine d’aller à Stras­bourg pour ren­con­tr­er la jeune étu­di­ante, elle peut repren­dre le train pour aller voir la dernière vic­time à Greno­ble »…

Dans un autre arti­cle de la radio publique France Bleu, c’est la maire de Stras­bourg qui réag­it : « On est encore au Moyen Âge ». S’agit-il d’un vieux fond de cul­ture latine qui a du mal à s’estomper ? On apprend dans le même arti­cle que les « agres­sions sex­istes (…) sont en légère aug­men­ta­tion dans le Haut Rhin ».

Les agressions sexistes dans un contexte plus large

Très peu de médias élar­gis­sent le cadre de l’information don­née au sujet de l’agression de l’étudiante en langues étrangères appliquées à Strasbourg.

Le Figaro dans son édi­tion du 24 sep­tem­bre donne quelques élé­ments sur la – faible — réponse pénale apportée par la jus­tice à ces agres­sions. Le recrute­ment par le min­istère de l’intérieur de « 80 inter­venants soci­aux sup­plé­men­taires d’ici fin 2021 » pour « ren­forcer l’accompagnement  des femmes vic­times de ces vio­lences » est égale­ment mentionné.

Dans la même édi­tion, Isabelle Adjani, qui a inter­prété le rôle d’une pro­fesseur de français qui « pète les plombs » dans un lycée d’une ban­lieue de l’immigration, insiste sur l’éducation des jeunes gens pour que les men­tal­ités changent. On com­prend que l’origine cul­turelle des agresseurs est évo­quée par le Figaro en choi­sis­sant d’interviewer l’interprète de « L’année de la jupe », Isabelle Adjani, mais pas mentionnée.

C’est du pédopsy­chi­a­tre Mau­rice Berg­er que vien­dra une ten­ta­tive d’explication un peu plus poussée que celle de la maire de Stras­bourg (« on est tou­jours au Moyen âge »), d’Isabelle Adjani (c’est un manque d’éducation) ou de Mar­lène Schi­ap­pa (il faut dur­cir la réponse pénale).

Le psy­chi­a­tre spé­cial­isé dans la vio­lence des ado­les­cents fait une analyse séman­tique des pro­pos des agresseurs et une analyse cul­turelle de leur com­porte­ment au micro de Sud radio le 23 sep­tem­bre (20e42 mn) :

« L’espace est gen­ré en Afrique du nord, l’espace pub­lic est mas­culin (…). Si une femme est seule dans la rue, si ce n’est pas pour aller au tra­vail, si elle n’est pas accom­pa­g­née, c’est une salope. Il y a un point impor­tant, on demande à cette femme de baiss­er les yeux, de se soumet­tre. Les per­son­nes qui ont fait ça ont trans­gressé toutes les règles de notre société : on ne blesse pas l’autre, il y a une égal­ité hommes femmes, etc. (…). Je pense qu’actuellement, il y a des milieux claniques dans cer­tains quartiers, qui ont des manières d’être qui ne sont pas com­pat­i­bles avec les valeurs de notre société. (Face à ce type de vio­lence NDLR) on ne voit pas d’autre réponse que la force, il ne faut surtout pas qu’il y ait du sur­sis ». André Bercoff rap­pelle que le sur­sis pour ce type d’agression est la règle. « C’est com­pris comme, ce n’était pas grave, il ne s’est rien passé », souligne Mau­rice Berger.

Comme pour par­er à toute cri­tique de racisme, le pédopsy­chi­a­tre indique qu’il tra­vaille avec de nom­breux édu­ca­teurs d’origine maghrébine.

Les origines ethno-culturelles des agresseurs, grand tabou politico-médiatique

Tant la maire de Stras­bourg, qui évoque une sur­vivance du moyen âge, que Mar­lène Schi­ap­pa, qui insiste sur le fait qu’il ne faut pas oppos­er les filles et les garçons, n’ont fait, comme le pédopsy­chi­a­tre, une incur­sion dans les expli­ca­tions cul­turelles de ce type d’agression. La place de la femme dans la société, le fait qu’elle ne doit pas répon­dre à un homme, qu’elle doive être voilée, sinon elle sera con­sid­érée comme facile, tous ces élé­ments enten­dus ou déduits lors de l’agression n’amènent ni les poli­tiques ni les médias de grand chemin à pouss­er plus avant les ten­ta­tives d’explication de nom­bre d’agressions de ce genre, qui sont en augmentation.

Le fon­da­teur d’Atlanti­co, J.S. Fer­jou, lève sur Twit­ter un peu le voile (si l’on ose dire…) sur la ques­tion que tout le monde se pose, mais que per­son­ne ne for­mule publiquement :

« Quant à l’appel à témoins pour retrou­ver les agresseurs sans aucune descrip­tion, on se demande bien ce qui a retenu @francebleu de livr­er des élé­ments de por­trait-robot… ».

On a com­pris que l’on est sur un ter­rain glis­sant qui nous éloign­erait des stan­dards du poli­tique­ment correct…

Les violeurs surreprésentés parmi les étrangers

Les sta­tis­tiques eth­niques sont rares en France. Le Parisien a en 2016 ten­té de dress­er le por­trait-robot des vio­leurs à Paris, à par­tir d’une radi­ogra­phie pub­liée par l’Ob­ser­va­toire nation­al de la délin­quance et des répons­es pénales. Un organ­isme qui va être déman­telé à la fin de l’année…On y apprend que plus de la moitié des vio­leurs recen­sés (52 %) étaient sur la péri­ode retenue de nation­al­ité étrangère. Cette analyse sta­tis­tique a vis­i­ble­ment gêné beau­coup de monde, compte tenu des réac­tions affolées de nom­breux médias.

Dénon­cer les vio­lences faites aux femmes en men­tion­nant les caus­es cul­turelles par­mi une par­tie de la pop­u­la­tion coûte cher. Une mil­i­tante du col­lec­tif Némé­sis l’a appris à ses dépens : la LICRA a porté plainte con­tre elle pour, selon ses ter­mes, « avoir dénon­cé la misog­y­nie islamique dans une vidéo ». Elle a rapi­de­ment été con­vo­quée à la Police.

On com­mence à com­pren­dre pourquoi il est plus aisé de par­ler de sur­vivance du moyen-âge, d’un manque d’éducation, voire de la néces­sité d’élargir les trot­toirs ou, comme à Paris, de créer des postes d’accompagnateur de rue…Dans ce con­texte, les pro­pos du pédopsy­chi­a­tre Mau­rice Berg­er sont une bouf­fée de spon­tanéité avec des argu­ments solide­ment char­p­en­tés. Cela ne fera pas remon­ter la côte d’André Bercoff dans les médias de grand chemin. Mais qui en a cure ?! Pen­dant ce temps, un signe qui ne trompe pas, les appli­ca­tions pour se pro­téger du har­cèle­ment de rue sont en plein boom…

DERNIÈRE MINUTE : Une agres­sion à l’arme blanche a eu lieu hier 25 sep­tem­bre en début d’après-midi à Paris. Infor­ma­tion du Monde « selon les infor­ma­tions du Monde, le sus­pect prin­ci­pal de l’attaque au couteau est né en 2002 et était con­nu pour des faits de droits com­mun et de port d’arme illé­gal ». Au même moment sur FdeS­ouche, on apprend qu’il s’agit d’un « Pak­istanais de 18 ans aux lourds antécé­dents judi­ci­aires qui a au sur­plus avoué les faits ». Fer­mez le ban.