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L’épopée très médiatique de l’Open arms à Lampedusa

30 août 2019

Temps de lecture : 4 minutes
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L’épopée très médiatique de l’Open arms à Lampedusa

Temps de lecture : 4 minutes

Le sujet revient fréquemment dans l’actualité médiatique. Ce mois d’août, le bateau d’une ONG chargé de clandestins arrivant près des côtes européennes dont on a beaucoup parlé a pour nom « Open arms », les « bras ouverts ». Recension des médias.

Cruauté et course contre la montre

Les médias de grand chemin n’ont pas ménagé leurs efforts pour nous informer des ten­ta­tives de ce bateau pour accoster en Ital­ie. C’est une véri­ta­ble course con­tre la mon­tre qu’ils nous ont fait partager.

Pour TV5 Monde, c’est une « attente inter­minable » devant le port de Lampe­dusa. « La sit­u­a­tion à bord est explo­sive selon l’équipage », une infor­ma­tion reprise sans recul par Fran­ce­in­fo et de nom­breux médias. Alors que selon Ouest-France, « des migrants dés­espérés se jet­tent à l’eau », les cri­tiques du gou­verne­ment espag­nol – qui accepte de laiss­er accoster le bateau sur ses côtes – con­tre le min­istre de l’intérieur Mat­teo Salvi­ni sont large­ment repris­es dans les médias.

Heureuse­ment, « le pro­cureur d’Agrigente a dans la soirée (du 19 août NDLR) mis fin au cauchemar de l’Open arms » selon RFI, en autorisant son accostage en Ital­ie après 19 jours en mer.

L’affaire sem­ble enten­due : Mat­teo Salvi­ni a fait preuve de cru­auté face à des « réfugiés » « en besoin de pro­tec­tion », des mots mêmes du min­istre de l’intérieur français repris par France Inter. L’humanité d’un côté, l’intransigeance de l’autre.

Voir aussi : Aquarius, opération Tartuffe en Méditerranée

Cadre légal absent et mensonges en tous genres

Pour­tant, quelques doutes peu­vent être émis face à cette présen­ta­tion médi­a­tique des faits.

- L’Open arms est présen­té dans cette opéra­tion comme un cheva­lier blanc. Ses actions s’inscrivent-elles dans un cadre légal ou bien plutôt dans un cadre mil­i­tant voire poli­tique ? La ques­tion peut être posée. Nous apprenons au détour d’un arti­cle du Point que le bateau n’a pas les autori­sa­tions pour men­er ses opéra­tions en mer et se sub­stituer aux autorités et qu’il s’expose à des pour­suites judi­ci­aires. Il sera d’ailleurs mis sous séquestre dès la fin de l’opération pour « séques­tra­tion de per­son­nes » et non coopéra­tion avec les autorités, nous apprend L’Ex­press une fois le débar­que­ment réalisé.

- L’Open arms a sec­ou­ru des clan­des­tins en Méditer­ranée. Où pré­cisé­ment ? Nous ne trou­verons aucune infor­ma­tion à ce sujet dans les médias de grand chemin. Pas le début d’une enquête. La régle­men­ta­tion mar­itime impose de ramen­er des pas­sagers d’une embar­ca­tion en détresse au port le plus proche. Pourquoi cette opéra­tion n’est-elle jamais organ­isée vers la Tunisie ?

Il n’y a que sur les réseaux soci­aux et dans quelques médias alter­nat­ifs que cette ques­tion est posée. Pour­tant, ramen­er les bateaux dans un pays africains tari­rait sans nul doute les départs d’embarcations de plus en plus pré­caires qui se diri­gent vers les côtes ital­i­ennes et peut être par­fois directe­ment vers les bateaux des O.N.G., dans l’espoir d’être con­duit en Europe.

- La présence de mineurs, sym­bol­es de la vul­néra­bil­ité, à bord du bateau a été mise en avant dans plusieurs arti­cles de presse. Ce sont selon l’agence Reuters avec leurs com­pagnons majeurs, des migrants « en dan­ger ». Pata­tras ! Avant même d’avoir fait l’objet d’une éval­u­a­tion de leur âge, 8 « mineurs » avouent une fois sur la terre ferme avoir men­ti à ce sujet selon le Gior­nale di Sicil­ia. Pas un mot à ce sujet dans les médias français.

- L’équipage aurait été en « urgence human­i­taire » nous apprend La Croix. Pour­tant, l’inspection ordon­née par le Pro­cureur d’Agrigente n’aurait décelé selon le Gior­nale di Sicil­ia « aucun prob­lème de san­té ou d’hygiène cri­tique ». Tou­jours silence radio en France.

- Alors que Malte a pro­posé à l’Open arms de pren­dre en charge une par­tie des clan­des­tins et que l’Espagne a pro­posé à son cap­i­taine d’accoster aux Baléares, ces propo­si­tions ont été bal­ayées d’un revers de main, en dépit de « l’urgence human­i­taire ». L’ONG n’a‑t-elle pas plutôt voulu pren­dre à témoin l’opinion publique dans une par­tie de bras de fer avec Mat­teo Salvini ?

On com­prend dans ces con­di­tions que suite à la déci­sion du Pro­cureur d’Agrigente de laiss­er l’Open arms accoster à Lampe­dusa, c’est le fait que « Salvi­ni a échoué » dans sa ten­ta­tive de blo­cus, comme le déclare le cap­i­taine du bateau sur Cnews, qui est fêté à bord. Une vic­toire assuré­ment poli­tique pour les no bor­ders et les par­ti­sans de l’immigration mas­sive et clan­des­tine, avec une cou­ver­ture médi­a­tique plus que bienveillante…