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Le grand dimanche soir sur Inter, se tenir chaud entre soi

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13 septembre 2023

Temps de lecture : 5 minutes
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Le grand dimanche soir sur Inter, se tenir chaud entre soi

Temps de lecture : 5 minutes

Ce dimanche 3 septembre 2023 marquait le retour sur les ondes de Charline Vanhoenacker avec son émission, Le Grand Dimanche Soir, sur France Inter. Quelques mois après l’arrêt polémique du dernier programme qu’elle avait animé, l’humoriste a désormais un créneau de deux heures le dimanche soir avec, à ses côtés, une troupe d’humoristes du terroir Radio France, et parmi eux l’irremplaçable Guillaume Meurice. L’OJIM était derrière le poste pour la première.

Réchauffé de bouillie

Pour son inau­gu­ra­tion, l’émission pre­nait place dans le grand audi­to­ri­um de Radio France, où près de 1000 per­son­nes avaient fait le déplace­ment de toute la France comme nous l’apprend Téléra­ma. Le pro­gramme de ce Grand Dimanche Soir tenait en une for­mule, reprise à la patronne de Radio France, Adèle Van Reeth, qui avait déclaré il y a quelques semaines vouloir « tit­iller les inter­dits ». Dans un élan de naïveté, nous nous atten­dions donc à un humour trans­gres­sif qui allait s’attaquer aux tabous de notre époque, une vraie prise de risque pour celui qui réalise cette per­for­mance. Hélas, même pas deux min­utes der­rière le poste et voilà déjà les pre­mières vannes sur Éric Ciot­ti ou Valérie Pécresse. En ter­mes de prise de risque, c’est du même alam­bic que de tir­er sur une ambu­lance aux qua­tre roues crevées. Ces plaisan­ter­ies fades étaient le sym­bole de ce qui allait com­pos­er cette pre­mière : une bouil­lie réchauf­fée de boutades sur l’hydre con­ser­va­trice, sur les salauds d’extrême droite et l’odieuse bourgeoisie.

Voir aus­si : Char­line Van­hoe­nack­er, portrait

Coquillettes hallal et Lola oubliée

Par­mi les têtes de Turc choisies : le JDD ver­sion Leje­une. Trois min­utes seule­ment auront suf­fi à nos saltim­ban­ques pour essay­er de ridi­culis­er l’hebdomadaire en évo­quant son grand com­bat : la lutte con­tre les coquil­lettes hal­lal dans les can­tines sco­laires. Un coup bas, digne d’un col­légien, visant à nier le sérieux et la légitim­ité de la ligne édi­to­ri­ale du JDD, dont la pre­mière une por­tait sur les meurtres et les agres­sions dont sont vic­times les Français, comme la petite Lola. Un sujet éminem­ment sérieux et préoc­cu­pant, mais qu’il faut à tout prix min­imiser par le rire.

D’autres moments ont retenu notre atten­tion comme le moment où un chroniqueur met, tou­jours sur le ton de l’humour, les abayas sur le même plan que l’école privée catholique. Autre instant notable quand un inter­venant car­i­ca­ture cer­tains tweets dis­ant que « 40° c’est nor­mal ». C’est une façon détournée de tacler ceux qui ont fait remar­quer à San­drine Rousseau que, lorsqu’elle tweet­tait qu’il fai­sait une soix­an­taine de degrés en Espagne, la tem­péra­ture n’avait rien de choquant puisqu’il s’agissait de la tem­péra­ture du sol et non celle de l’air.

Maréchal nous voilà (sic)

Cepen­dant, un élé­ment nous attriste. Une heure était passée et per­son­ne n’avait été traité de pétain­iste ou de nazi. Mais c’était par­ler un peu vite. Au bout d’une heure dix, le mot CNews est pronon­cé, tout de suite suivi du chant « Maréchal, nous voilà ! ».

Nos lecteurs l’auront com­pris, cette émis­sion ressem­ble exacte­ment à ce à quoi nous nous atten­dions en voy­ant le nom de Char­line Van­hoe­nack­er asso­cié au groupe Radio France.

Cet humour éculé est-il la recette du suc­cès ? Si la ques­tion sem­ble ironique, la lec­ture d’un papi­er de Libéra­tion con­sacré à l’émission laisse la ques­tion en sus­pens. Naturelle­ment, à aucun moment ce papi­er ne cri­tique l’humour de l’émission. Cepen­dant, il note tout de même la propen­sion de la troupe à « don­ner les mêmes coups de marteau sur les mêmes clous »[1] (notons cepen­dant que la remar­que con­cerne l’ancienne émis­sion de Van­hoe­nack­er). C’est en effet l’impression que l’on a en écoutant cette émis­sion. Pour­tant, si l’on remonte aux années 80, les coups étaient don­nés sur l’ensemble de la classe poli­tique. Citons le cas de Thier­ry Le Luron. Certes, il a repris une chan­son de Serge Lama et en a fait « Le Pen atten­tion dan­ger ». Mais c’est égale­ment lui qui en 1984 fai­sait chanter « L’emmerdant c’est la rose » à un pub­lic com­posé de sym­pa­thisants social­istes, en direct un same­di soir, s’adressant face caméra au prési­dent de l’époque François Mit­ter­rand. Voilà un exem­ple de par­ité humoris­tique que la troupe du Grand Dimanche Soir devrait méditer.

Autre remar­que de Libéra­tion : le pub­lic n’est pas très var­ié au niveau des opin­ions poli­tiques (l’est-il au niveau social, nous l’ignorons). Si même Libé le dit, c’est alar­mant. Cette émis­sion est un entre-soi pour des gens finale­ment déjà con­quis par l’humour France Inter. Comme le mon­tre un arti­cle com­plice de Téléra­ma, cer­taines per­son­nes ont tra­ver­sé la France afin d’assister à l’émission. C’est donc devant un pub­lic con­quis par avance que cette émis­sion a eu lieu. Alors, pourquoi innover ?

Enfin, dans son arti­cle Libéra­tion par­le de la ligne « pré­ten­du­ment de gauche » de France Inter. On com­prend mal, après avoir écouté l’émission, l’emploi du mot pré­ten­du­ment dans cette phrase.

Voir aus­si : France Inter n’est ni de droite ni de gauche, vraiment ?

Notes

[1] Libéra­tion, 4 sep­tem­bre 2023