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Le rapport CLEMI : lutter contre les fake news ou formater l’information ?

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23 octobre 2022

Temps de lecture : 4 minutes
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Le rapport CLEMI : lutter contre les fake news ou formater l’information ?

Temps de lecture : 4 minutes

En janvier 2022, la commission Bronner rendait ses conclusions dans un rapport que nous avions commenté. Parmi ses recommandations : éduquer les plus jeunes au « bon usage » des médias et du net. En septembre de cette même année le CLEMI (Centre pour l’éducation aux médias et à l’information) rend un rapport consacré à ce sujet. L’objectif : apprendre aux écoliers, collégiens et lycéens à ne pas tomber dans les filets des fake news. Décryptage.

Naturelle­ment, en lisant les pre­mières lignes du rap­port nous nous atten­dions à tomber sur une cer­taine approche par­ti­sane du sujet. Nos a pri­ori se trou­vent con­fir­més dès l’in­tro­duc­tion, où nous lisons que « Cette pub­li­ca­tion per­met aus­si de revenir sur la dimen­sion citoyenne de l’É­d­u­ca­tion aux médias et à l’in­for­ma­tion. Un enjeu plus que jamais indis­pens­able dans un con­texte de ten­sions qui tra­verse nos régimes démoc­ra­tiques. » (P.3). On aura com­pris l’idée sous-enten­due : face aux con­tes­ta­tions de plus en nom­breuses, les citoyens de demain doivent être for­matés pour digér­er sans mot dire les pro­pos du gou­verne­ment et des médias dom­i­nants. De l’é­d­u­ca­tion à l’en­doc­trine­ment, il n’y a qu’un pas.

Évaluer l’information

Cinq par­ties dis­tinctes struc­turent ce rap­port. L’une d’en­tre elles attire notre atten­tion, celle inti­t­ulée « Éval­uer l’information ».

Faisant office de deux­ième sec­tion, l’é­val­u­a­tion de l’in­for­ma­tion occupe une place cen­trale dans le rap­port. Il faut atten­dre la deux­ième sous-sec­tion pour voir appa­raître le mot « fake news ». Le rap­port admet que « cette expres­sion anglo-sax­onne gal­vaudée recoupe en fait des sit­u­a­tions bien dif­férentes. » Plus loin les rédac­teurs notent que Don­ald Trump l’emploie à out­rance « comme si l’emploi de cette expres­sion coupait court à toute dis­cus­sion ». Ain­si les rédac­teurs admet­tent, même sous forme inter­rog­a­tive et décousue, que cette expres­sion, érigée en sujet pri­or­i­taire par le gou­verne­ment, pour­rait être un anathème con­fus util­isé afin de dis­qual­i­fi­er une per­son­ne sans pren­dre en compte son discours.

Attirer les lecteurs

Sur la même page nous obser­vons un classe­ment des types de dés­in­for­ma­tion, du sim­ple titre men­songer au can­u­lar. La sec­tion por­tant sur les « putaclic » note que le seul objec­tif des titres provo­ca­teurs ou adeptes de sen­sa­tion­nal­isme est d’« attir­er le plus de lecteurs pos­si­ble sur ces sites, ce qui per­met des génér­er des revenus pub­lic­i­taires ». C’est juste mais ce n’est évidem­ment pas le cas de ces seuls sites. La majorité des sites d’in­for­ma­tion cherche à faire le plus de vues pos­si­ble, pour que les nou­velles qu’ils pub­lient aient un écho, mais surtout afin de génér­er des revenus pub­lic­i­taires. Accol­er cela unique­ment aux « putaclic » est donc un raccourci.

La référence : les décodeurs du Monde

Le reste de la sec­tion se struc­ture en une pro­gres­sion dans les arcanes du com­plo­tisme, allant du COVID-19 aux dés­in­for­ma­tions sur YouTube, avant d’en sor­tir par le haut grâce à une leçon de fact-check­ing qui ne dit pas son nom. Pour réalis­er cette prouesse, les enseignants, à qui est des­tiné ce doc­u­ment, dis­posent de ressources numériques. Dans presque toutes ces dernières, nous retrou­vons au moins un lien vers les Décodeurs du Monde, qui ser­vent de référence pour con­naître la fia­bil­ité d’un site ! Le Monde incar­na­tion de la fia­bil­ité ? Cocasse quand on sait que l’un des jour­nal­istes de ce jour­nal diffamait le site FdeS­ouche il y a quelques mois.

La part d’implicite

Les ressources du chapitre « D’où vien­nent les fake news » sont à la hau­teur de nos attentes. Elles sont au nom­bre de trois : Con­spir­a­cy Watch, un livre de Rudy Reich­stadt, et une chronique de France Inter. Plus con­formiste, tu meurs ! Notons par ailleurs que Reich­stadt fai­sait par­tie de la com­mis­sion Bron­ner et qu’il est le fon­da­teur de Con­spir­a­cy Watch.

Dernier élé­ment de cette par­tie, le décryptage du dis­cours com­plo­tiste. Pour aider les enseignants, les rédac­teurs du rap­port étab­lis­sent des critères afin de recon­naître un tel dis­cours. Par­mi les procédés rhé­toriques nous trou­vons : un dis­cours manichéen sans nuances, un dis­cours chargé d’é­mo­tions (vio­lence, haine, colère), une part d’implicite.

Pour les deux pre­miers nous ren­voyons nos lecteurs au dernier numéro de L’Ex­press. Ils y trou­veront un dis­cours manichéen et émo­tif. Et la fameuse part d’implicite.

Wikipédia neutre, vraiment ?

Quelques autres élé­ments reti­en­nent notre atten­tion. Par­mi eux, la pro­mo­tion de la neu­tral­ité de Wikipé­dia. Celle-ci étant érigée en principe fon­da­teur. Pour­tant, en févri­er 2022, l’O­JIM s’interrogeait sur cette neu­tral­ité et avait une réponse net­te­ment plus nuancée.

En somme nous obser­vons, sans sur­prise, que der­rière une volon­té saine de per­me­t­tre à chaque citoyen de ne pas se faire bern­er par le ver­biage rodé des jour­nal­istes et des politi­ciens, se cache la volon­té de for­mater les esprits en reje­tant, sous l’in­crim­i­na­tion de fake news, un dis­cours dis­so­nant du gong médiatique.