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Déni de service journalistique

21 novembre 2023

Temps de lecture : 3 minutes
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Déni de service journalistique

Temps de lecture : 3 minutes

Nous empruntons à notre confrère Causeur une excellente tribune de Franck Leprévost du 18/11/2023. Nous aurions pu la signer.

Quelle est la mis­sion d’un jour­nal­iste de radio ou de télévi­sion face à un invité ? La notion qui vient le plus spon­tané­ment à l’esprit est : pos­er des ques­tions. Cepen­dant, cet aspect com­porte implicite­ment une com­posante sup­plé­men­taire que l’on peut légitime­ment con­sid­ér­er comme néces­saire et même allant de soi : écouter les répons­es de la per­son­ne inter­rogée. En out­re, l’auditeur ou le téléspec­ta­teur peut égale­ment atten­dre des ques­tions posées qu’elles soient de nature à per­me­t­tre de com­pren­dre la pen­sée de l’invité, le cas échéant à amen­er celui-ci à la pré­cis­er. Plus générale­ment, on accorde son atten­tion dans l’espoir que l’échange entre jour­nal­iste et inter­locu­teur, soit se situe d’emblée au niveau des enjeux du sujet traité, soit a comme effet induit de per­me­t­tre de définir ce niveau et ces enjeux.

L’avantage de ne pas avoir la télévi­sion – c’est mon cas – et de n’écouter que spo­radique­ment la radio – idem – et donc de n’avoir qu’un accès (volon­taire­ment !) lim­ité aux agisse­ments de jour­nal­istes sur ces médias, a deux con­séquences d’ailleurs liées entre elles.

Du professionnalisme courtois au « DoS » journalistique

La pre­mière est d’être lit­térale­ment saisi par la dif­férence fla­grante entre le modus operan­di de cer­tains jour­nal­istes d’aujourd’hui avec celui des jour­nal­istes d’hier. La con­cep­tion de la mis­sion de jour­nal­iste décrite plus haut reflète une pra­tique voire même une éthique d’autrefois, mal­heureuse­ment de moins en moins en cours aujourd’hui, et qui dis­parait (ou con­naît une éclipse si l’on est opti­miste) au prof­it d’une irrévérence se voulant sub­ver­sive du jour­nal­iste « mod­erne ». La sec­onde est que la forme de « matraquage », qui car­ac­térise les méth­odes d’interrogatoires de cer­tains jour­nal­istes actuels, non seule­ment saute aux yeux pour qui se sou­vient des usages d’antan, mais elle se mon­tre sous un jour qu’un infor­mati­cien est peut-être le plus à même de nom­mer : il s’agit, ni plus ni moins, d’un « Denial of ser­vice » journalistique.

Pré­cisons ce que recou­vre ce bar­barisme emprun­té à l’informatique. Le « Denial of Ser­vice » (DoS) est une attaque clas­sique bien con­nue des spé­cial­istes de sécu­rité des télé­com­mu­ni­ca­tions. Elle con­siste à assiéger un ser­vice (par exem­ple un site web) de mil­lions de requêtes à la sec­onde sans lui laiss­er le temps de répon­dre, et en se moquant totale­ment des rares répons­es que le ser­vice peut néan­moins égren­er mal­gré le haut degré de per­sé­cu­tion et de pres­sion auquel il est soumis. Si des mesures de pro­tec­tion n’ont pas été mis­es en place en amont, le site assiégé se blo­quera à un moment et ne répon­dra alors plus à rien : l’attaque par DoS aura atteint son but. Un exem­ple encore dans les mémoires est l’attaque par DoS sur l’Estonie, en 2007, ayant ciblé les ser­vices gou­verne­men­taux, les insti­tu­tions finan­cières et les médias de ce pays. Le DoS en infor­ma­tique n’est donc pas la man­i­fes­ta­tion d’une soif de savoir inex­tin­guible, mais au con­traire celle d’une attaque des­tinée à faire taire la cible.

Eh bien un proces­sus et une tech­nique sim­i­laires opèrent chez cer­tains jour­nal­istes (pas tous) à l’égard de cer­tains invités (pas tous non plus) avec, à mon sens, un objec­tif com­pa­ra­ble au DoS infor­ma­tique : coin­cer la cible et la faire taire. Voici quelques exem­ples de DoS journalistique (…)

La suite : causeur.fr