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La Police est-elle raciste ? Une comédie médiatique en 6 actes

8 juin 2020

Temps de lecture : 11 minutes
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La Police est-elle raciste ? Une comédie médiatique en 6 actes

Temps de lecture : 11 minutes

Les journalistes français des médias de grand chemin ne font pas exception à leurs confrères d’outre-Atlantique  : quand un sujet semble  « populaire », ils s’en emparent de façon mimétique comme un banc de poisson. Après la mort d’un Noir à Minneapolis lors d’une interpellation policière, la tentative d’importation en France des tension raciales présentes aux États-Unis et de mise en accusation de la police est une vraie réussite. La bienveillante couverture médiatique du mouvement mené par des militants communautaristes et d’extrême gauche a permis à ce dernier de gagner en ampleur. Retour sur une comédie en 6 actes.

Acte 1 : la mort de George Floyd

La mort le 25 mai d’un Afro-améri­cain appelé George Floyd lors d’une inter­pel­la­tion à Min­neapo­lis aux Etats-Unis est un événe­ment mal­heureux, comme tout décès. Ce qui aurait pu rester un fait divers a pour­tant été l’élément déclencheur d’un mou­ve­ment inter­na­tion­al de protes­ta­tion con­tre les vio­lences poli­cières et le « racisme anti-noir ». Le fait que l’interpellation ait été filmée y est pour beau­coup : voilà de quoi attir­er l’attention des téléspec­ta­teurs. Les chaines d’information en con­tinu ont rapi­de­ment passé les images en boucle, jusqu’à provo­quer une colère com­plète­ment décontextualisée.

La large infor­ma­tion faite au sujet des précé­dents vio­lents du polici­er ayant inter­pel­lé George Floyd est venue alour­dir le dossier à charge. Un dossier ali­men­té par la mise en avant, à l’image du Parisien, d’autres mau­vais traite­ments dont ont été vic­times des afro-américains.

Sai­sis­sant l’occasion au bond, des mil­i­tants com­mu­nau­taristes, décolo­ni­aux et antifas améri­cains ne se sont pas lim­ités à accuser un polici­er qui aurait dû être révo­qué depuis longtemps. C’est selon eux l’institution poli­cière voire la société dans son ensem­ble qui doivent être remis­es en cause.

Les médias de grand chemin ont repris à leur compte cette ver­sion des faits au-delà des espérances de ses pro­mo­teurs. Signe d’un emballe­ment médi­a­tique, ils ont à de rares excep­tions près passé sous silence tout ce qui pou­vait affadir le statut de vic­time de George Floyd comme son lourd passé de délin­quant et ses mul­ti­ples con­damna­tion révélées par le Dai­ly Mail ou le fait que le polici­er ayant inter­pel­lé George Floyd était accom­pa­g­né par deux col­lègues issus des minorités eth­niques. On n’a pas trou­vé davan­tage dans les médias de grand chemin une mise en per­spec­tive sur le racisme sys­témique de la Police améri­caine con­tre les afro-améri­cains qui n’est selon plusieurs études pas démon­tré, comme souligné lors de l’émission I‑Media sur TV Lib­ertés même s’il existe des bre­bis galeuses en son sein.

Les mil­i­tants com­mu­nau­taristes et d’extrême gauche se sont néan­moins empressés d’exploiter cette affaire en organ­isant de nom­breuses man­i­fes­ta­tions aux États-Unis et en Europe de l’ouest, au cours desquelles les vio­lences ont été très fréquentes.

Acte 2 : la réactivation du mouvement de soutien à Adama Traoré en France

C’est dans ce con­texte, avec une intel­li­gence cer­taine de la sit­u­a­tion, que la famille d’Adama Tra­oré, un jeune délin­quant décédé en 2016 lors d’une inter­pel­la­tion, décide de faire con­naitre le résul­tat d’une con­tre-exper­tise médi­cale à charge con­tre la Police. Valeurs actuelles soulig­nait déjà en 2016 que leur avo­cat avait organ­isé avec tal­ent un cam­pagne d’honorabilité de la famille Tra­oré avec le sou­tien act­if de nom­breux médias, en dépit des démêlés judi­ci­aires de cer­tains de ses mem­bres soulignés notam­ment par Boule­vard Voltaire. Les recettes sem­blent tou­jours éprou­vées en 2020 selon Louis de Raguenel avec une nébuleuse com­mu­nau­tariste et d’ultra gauche à obtenir vengeance et à soulever les ban­lieues. En 2017, c’était le New York Times qui avait rac­croché la mort d’Adama Tra­oré au mou­ve­ment Black lives mat­ter. C’était déjà aus­si « haro sur les flics ».

« Une nou­velle con­tre-exper­tise met en cause les gen­darmes » selon Le Monde le 2 juin. « Qua­tre jours après la révéla­tion d’une exper­tise médi­cale exonérant la respon­s­abil­ité des mil­i­taires dans le décès d’Adama Tra­oré, les con­clu­sions d’une nou­velle con­tre-exper­tise indépen­dante, réal­isée à la demande des par­ties civiles, vien­nent la con­tredire ».

Ces élé­ments de lan­gage ont été repris par l’ensemble des médias de grand chemin, sans plus de recherch­es sur ce qui dif­féren­cie une exper­tise man­datée par le pou­voir judi­ci­aire d’une « exper­tise indépen­dante ». Aucun média de grand chemin n’a en effet souligné que l’on ne s’improvise pas expert judi­ci­aire, une fonc­tion dont l’intéressé doit sat­is­faire à des con­di­tions de tech­nic­ité et d’indépendance très strictes, ni que l’expert judi­ci­aire nom­mé par le Juge n’intervient pas pour défendre les intérêts du deman­deur, son rôle se lim­i­tant à apporter au Juge des élé­ments néces­saires à l’instruction tech­nique du dossier. Le Figaro et Valeurs actuelles sont bien seuls quand il mod­èrent les con­clu­sions de l’expertise libre man­datée par la famille Tra­oré « chargeant » la Police. Qu’importe puisque cette exper­tise, la six­ième, apporte de l’eau au moulin à un irré­sistible mou­ve­ment « anti raciste » con­tre les « vio­lences poli­cières ».

Acte 3 : des manifestations en France largement médiatisées

Alors que le gou­verne­ment con­tin­ue d’interdire les rassem­ble­ments de plus de 10 per­son­nes, et alors qu’il a su deman­der aux forces de l’ordre de réprimer les man­i­fes­ta­tions de gilets jaunes avec une rare vio­lence cau­sant éborgne­ments et autres blessures, plusieurs man­i­fes­ta­tions non autorisées con­tre le racisme de la Police ont été organ­isées en France à par­tir du début du mois de juin. La cou­ver­ture médi­a­tique de ces man­i­fes­ta­tions a été plus que bienveillante.

« On a en marre de cette chape de plomb sur les vio­lences poli­cières » titre L’Obs le 2 juin. Pour Le Monde, c’est « jus­tice pour Adama » le 3 juin. « Une impres­sion­nante man­i­fes­ta­tion con­tre les vio­lences poli­cières à Paris » selon France Info le 4 juin. Tout est à l’avenant.

En France comme aux États-Unis, les man­i­fes­ta­tions ont sou­vent été émail­lées de vio­lences, à Rouen, Paris, Lille, Toulouse, etc. sans que celles-ci aient un grand reten­tisse­ment dans les médias. Des vio­lences et des accu­sa­tions car­i­cat­u­rales qui n’ont pas empêché de nom­breuses vedettes de show biz d’apporter leur sou­tien à la famille Tra­oré, comme le souligne Clos­er. Des stars acca­blées du san­glot de l’homme blanc comme signe (involon­taire ?) d’allégeance à l’ordre diver­si­taire mar­qué par les luttes communautaristes.

On aura noté que quand les médias de grand chemin rela­tent les vio­lences com­mis­es con­tre les forces de l’ordre lors de ces man­i­fes­ta­tions, il s’agit exclu­sive­ment d’« inci­dents », alors que quand la Police inter­vient, il s’agit tou­jours de vio­lences, comme si celle-ci déte­nait le mono­pole de la mise en accu­sa­tion… C’est dans ce con­texte que les médias de grand chemin ont inter­pel­lé l’opinion publique avec une ques­tion obsédante.

Acte 4 : La Police est-elle raciste ?

Bien que les man­i­fes­ta­tions ne rassem­blent que l’arrière-cour des milieux com­mu­nau­taristes et d’extrême gauche, elles ont amené à par­tir de faits isolés les médias de grand chemin à s’interroger sur le racisme de la Police française.

En ce début de mois de juin, la ques­tion « La Police est-elle raciste ? » est soulevée dans de nom­breux médias : Le Point, BFM TV, l’Est répub­li­cain, Libéra­tion, La Croix, etc. C’est bien sou­vent à par­tir de témoignages ponctuels et de cas indi­vidu­els que cette ques­tion est traitée, comme si un arbre pou­vait être représen­tatif de la forêt qui se cache der­rière. Mais qu’importe ces réserves, on aura com­pris que les médias de grand chemin veu­lent par­ticiper au grand exer­ci­ce d’introspection et de con­tri­tion déclenché par un fait divers inter­venu il y a 4 ans. Comme le souligne Math­ieu Bock-Coté dans Le Figaro le 6 juin, « Qui n’embrasse pas la révo­lu­tion diver­si­taire devient un con­tre-révo­lu­tion­naire, un rebut his­torique ».

Signe que la may­on­naise a pris, le min­istre de l’Intérieur se croit obligé d’affirmer derechef dans les médias qu’il se mon­tr­era « intran­sigeant vis-à-vis des policiers qui fauteraient ». Le min­istre de l’agriculture LREM salue sur Sud radio le 3 juin un « rassem­ble­ment incroy­able » à l’occasion de la man­i­fes­ta­tion inter­dite du 2 juin à Paris. Une man­i­fes­ta­tion au cours de laque­lle l’inénarrable Camélia Jor­dana a appelé à pren­dre les armes. Mes­sage vin­di­catif reçu 5 sur 5, de nom­breuses dégra­da­tions ayant été com­mis­es après la man­i­fes­ta­tion. Que fait la Police ?!

Acte 5 : où est l’analyse critique des médias de grand chemin

Il n’en fal­lait donc pas plus pour que les récents évène­ments aux États-Unis soient exploités pour met­tre en accu­sa­tion de la Police française. Cette mise en accu­sa­tion inter­vient dans un con­texte chargé : la France a con­nu pen­dant le con­fine­ment des vio­lences urbaines de grande ampleur faisant plusieurs blessés par­mi les forces de l’ordre, comme le soulig­nait encore peu Le Figaro. Selon des fuites dans les médias que nous soulignions dans un arti­cle le 30 avril, des con­signes ont été don­nées à la Police de ne plus inter­venir dans les cités où le traf­ic de drogue va bon train. Ces signes d’un traite­ment dif­féren­cié n’ont pas fait cette fois l’objet de réac­tions out­ragées de la gauche morale et du clergé cathodique.

On ne compte plus les jeunes faisant des « rodéos » à motos et dont les acci­dents sont imman­quable­ment suiv­is d’ « inci­dents » comme à Argen­teuil lorsque la Police est à prox­im­ité, même si elle n’est pas intervenue…On aura com­pris que c’est tout sim­ple­ment la présence de la Police dans les ban­lieues de non droit qui est refusée par une minorité fac­tieuse. Comme le soulig­nait un crim­i­no­logue au site d’information Sput­niknews, « la République française a décidé de ne plus rétablir l’ordre dans un cer­tain nom­bre de quartiers ». Là n’était-elle pas la ques­tion de société du moment et non la com­plainte vic­ti­maire sans cesse relancée grâce aux médias ?

Car l’heure est-elle à une répres­sion aveu­gle alors que la min­istre de la jus­tice a selon La Dépêche fait libér­er par antic­i­pa­tion des mil­liers de délin­quants ? Comme si cela ne suff­i­sait pas, l’Express nous informe que Madame Bel­lou­bet a don­né des con­signes pour lim­iter les incar­céra­tions de délin­quants appréhendés. La ques­tion en ce mois de juin ne devrait-elle pas être : l’État garan­tit-il encore la sécu­rité des hon­nêtes citoyens ? Par un incroy­able ren­verse­ment accusatoire, ces ques­tions ne sont aucune­ment posées par les médias de grand chemin, qui se sont empressés de mon­ter en épin­gle une bavure mal­heureuse à plusieurs mil­liers de kilo­mètres de la France.

Par con­tre, chaque sai­sine de l’IGPN, la Police des Polices, est abon­dam­ment médi­atisée dès qu’il y a sus­pi­cion de pro­pos ou de con­duites racistes, comme à l’occasion d’une arresta­tion sur l’Ile Saint-Denis. Là encore, l’arbre ne cacherait-il pas la forêt : la lec­ture atten­tive du dernier rap­port de l’IGPN, la Police des Police vient pour­tant infirmer le cou­plet vic­ti­maire. Par­mi les infrac­tions alléguées à l’encontre des forces de l’ordre, les injures à car­ac­tère raciste ou dis­crim­i­na­toire représen­taient… 2,9 % du total.

On cherche égale­ment vaine­ment des arti­cles reprenant les sta­tis­tiques du Min­istère de l’Intérieur qui font appa­raitre une sur­représen­ta­tion des étrangers dans les mis en cause des crimes et dél­its com­mis en France. Pas de men­tion non plus d’un rap­port par­lemen­taire paru en 2014 qui accrédi­tait la pro­por­tion de 60% de per­son­nes d’origine étrangère dans la pop­u­la­tion car­cérale. Tout ceci n’intéresse pas les médias de grand chemin quand il s’agit de par­ticiper à un grand moment de com­mu­nion où il faut impéra­tive­ment désign­er et stig­ma­tis­er une pro­fes­sion, une stig­ma­ti­sa­tion qui est à l’origine de ce mou­ve­ment mon­di­al mais somme toute mar­gin­al de protestation…

Acte 6 : vers la convergence des luttes ?

On aura com­pris que l’on est face à un emballe­ment médi­a­tique et que les médias de grand chemin sont à la recherche per­ma­nente de matière pre­mière pour l’alimenter. C’est ain­si que Street­Press révèle le 5 juin que des policiers auraient échangé des « pro­pos racistes » sur What­sapp. Une infor­ma­tion ample­ment relayée le 6 juin, juste avant une nou­velle vague de man­i­fes­ta­tions organ­isées le jour même avec une cou­ver­ture médi­a­tique max­i­male des chaines d’information en con­tinu. Des man­i­fes­ta­tions inter­dites mais tolérées tacite­ment par la Police. Alors, quand l’actrice et réal­isatrice Ais­sa Maiga affirme devant les micros des médias lors de la man­i­fes­ta­tion du 2 juin : « nous ne lais­serons pas la France tran­quille », on peut croire que la caisse de réso­nance des médias de grand chemin apportera tout le con­cours req­uis. Au risque de souf­fler sur les brais­es dans des quartiers dont la par­ti­tion avec le reste du ter­ri­toire ne fait que s’accentuer. Peu importe que l’on vienne d’apprendre que deux gen­darmes ayant par­ticipé à l’interpellation d’Adama Tra­oré étaient antil­lais comme le révèle Boule­vard Voltaire. Une infor­ma­tion qui vis­i­ble­ment n’intéresse pas grand monde. La fab­rique de vic­times est relancée, ne comp­tons pas sur les médias de grand chemin pour l’arrêter.