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France Télévisions : Delphine Ernotte Grand remplacée ?

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17 décembre 2017

Temps de lecture : 5 minutes
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France Télévisions : Delphine Ernotte Grand remplacée ?

Temps de lecture : 5 minutes

Le mardi 12 décembre 2017, les diverses Sociétés des Journalistes de France Télévisions diffusent cette information concernant la présidente du groupe : une motion de défiance à son encontre a été votée par 84 % des participants. Un résultat qui pose question : comment France Télévisions peut-elle fonctionner correctement dans un climat aussi délétère ?

Ont pris part au vote les jour­nal­istes de la rédac­tion nationale de France 3, ceux de France 2, de fran­ce­in­fo tv, de franceinfo.fr et de plusieurs émis­sions télévisées. Ils devaient répon­dre à cette ques­tion : « Faites-vous con­fi­ance à Del­phine Ernotte-Cun­ci pour préserv­er la qual­ité et les moyens de l’information à France Télévi­sions ? ». Le moins que l’on puisse dire est que la con­fi­ance vis-à-vis de Del­phine Ernotte n’est pas au ren­dez-vous : 9 % seule­ment de « oui », sur les 69 % de par­tic­i­pants. Dans la soirée de ce même 12 décem­bre, fran­ce­in­fo met l’accent sur l’importance et le côté inédit de ce vote : « Ce scrutin, organ­isé pour la pre­mière fois par qua­tre SDJ de France Télévi­sions, visait à dénon­cer « une attaque inédite con­tre l’in­for­ma­tion du ser­vice pub­lic », selon les organ­isa­teurs. La prési­dente de France Télévi­sions avait assuré pren­dre ce vote « au sérieux », dans un mes­sage adressé lun­di aux salariés ».

Le contexte est lourd, aux yeux des rédactions

Le gou­verne­ment veut que l’audiovisuel pub­lic fasse des économies. Volon­té qui passe néces­saire­ment et tou­jours mal au sein des rédac­tions de médias de ser­vice pub­lic. L’objectif assigné à Del­phine Ernotte est de réduire de 50 mil­lions d’euros les dépens­es de France Télévi­sions, dès l’an prochain. Del­phine Ernotte envis­ageait la sup­pres­sion de postes, peut-être aus­si le regroupe­ment des rédac­tions de France 2 et de France 3. On par­le par ailleurs, au sein de Radio France, d’un éventuel regroupe­ment de France Inter et France Cul­ture. Out­re les con­tes­ta­tions face à la volon­té gou­verne­men­tale, lesquelles pour­raient être lev­ées par la dis­cus­sion, les jour­nal­istes se mon­trant con­scients des dif­fi­cultés actuelles du ser­vice pub­lic, c’est bel et bien la per­son­nal­ité de Madame Ernotte qui pose ques­tion : si les jour­nal­istes ne lui font pas con­fi­ance, c’est qu’elle est con­sid­érée comme n’ayant pas de vision stratégique. Autrement dit, les SDJ craig­nent que les coupes budgé­taires soient faites sans réflex­ion ni véri­ta­ble vision d’ensemble. Leurs craintes sont-elles légitimes ? C’est pos­si­ble. Après tout, le prési­dent Macron s’est vu reprocher des pro­pos qu’il aurait tenus devant des députés de sa majorité. Cela a été rap­porté par Téléra­ma. Le prési­dent aurait qual­i­fié le ser­vice de l’audiovisuel pub­lic de « honte pour nos conci­toyens ». Que cet audio­vi­suel pub­lic soit une honte, pas de doute à ce pro­pos. Mais pour des raisons idéologiques : la majorité des médias d’État pro­posent une pen­sée unique sou­vent dénon­cée par des médias indépen­dants tels que l’Obser­va­toire du jour­nal­isme ou Causeur. Ce n’est sans doute pas ce poli­tique­ment cor­rect-là que visait le prési­dent Macron, plutôt la ges­tion des finances publiques – si les pro­pos rap­portés par Téléra­ma ont effec­tive­ment été tenus, ce qui ne paraît pas cer­tain. Autre aspect de la lour­deur du cli­mat : dans ce con­texte d’annonce de réduc­tion des dépens­es, la rumeur a un temps fil­tré que les mag­a­zines Envoyés spé­cial et Com­plé­ment d’enquête, ain­si que la per­son­nal­ité d’Élise Lucet, seraient dans le col­li­ma­teur de la direc­trice de France Télévi­sions, et ain­si sup­posé­ment du pou­voir poli­tique. Ce qui a été démen­ti. Les coupes prévues à l’origine dans les bud­gets de ces mag­a­zines ont été en grande par­tie sup­primées, devant le tol­lé général. Ces émis­sions d’investigation étant con­sid­érées comme des émis­sions poil à grat­ter du monde poli­tique. Des revire­ments qui ajoutent une couche à l’impression de nav­i­ga­tion à vue sous la prési­dence Ernotte.

Outre les économies, la personnalité de Delphine Ernotte pose donc question

Présen­tant son plan d’économies pour 2018, le mer­cre­di 12 décem­bre 2017, Del­phine Ernotte a don­né un entre­tien à Téléra­ma, l’hebdomadaire met­tant l’une de ses phras­es en accroche : « Je ne démis­sion­nerai pas ». Une quar­an­taine de mil­lions d’euros d’économies sont imputa­bles à la grille des pro­grammes, en par­ti­c­uli­er dans les domaines du sport et de l’information. Et env­i­ron 170 à 200 emplois ne seraient pas recon­duits. Face à ces annonces, le malaise était pal­pa­ble dès jeu­di 14 décem­bre dans les couloirs de France Télévi­sion, pour cette sim­ple rai­son que les jour­nal­istes ne com­pren­nent pas la stratégie ni les axes de la prési­dence. Pour­tant, Madame Ernotte a sou­vent fait preuve de con­vic­tions claires. Sa façon de licenci­er David Pujadas dit par exem­ple beau­coup du man­age­ment d’une Del­phine Ernotte à laque­lle il fut déjà reproché son peu d’empathie à l’époque où elle dirigeait en France Télécoms/Orange une entre­prise atteinte par une vague de sui­cides de ses employés. Del­phine Ernotte s’est déjà retrou­vée au cœur de polémiques liées à ses options poli­tiques out­ran­cière­ment libérales lib­er­taires, en par­ti­c­uli­er lorsqu’elle a déclaré en 2015 à l’antenne d’Europe 1 que les médias français seraient « occupés par des hommes blancs de plus de 50 ans ». Dans Le Figaro, Ivan Rioufol avait alors pointé une sorte de « racisme » inver­sé, qui n’a eu de cesse de se dévelop­per depuis dans toutes les couch­es de la société française, et que des mag­a­zines comme Causeur ou Valeurs Actuelles pointent régulière­ment du doigt. Del­phine Ernotte s’affirme régulière­ment, y com­pris dans ses attaques con­tre les mâles blancs, comme étant démoc­rate, et agis­sant par souci du respect des valeurs de la démoc­ra­tie. Sur ces bases, dès lors que le peu­ple des jour­nal­istes du ser­vice pub­lic sem­ble ne plus vouloir d’elle, ne devrait-elle pas assumer ses con­vic­tions et don­ner le plus beau des exem­ples démoc­ra­tiques : quit­ter le pou­voir ? Cela per­me­t­trait au gou­verne­ment actuel d’aller au bout de la lutte con­tre le racisme et le sex­isme, en nom­mant par exem­ple Danièle Obono à la tête de France Télévi­sions. Ne serait-ce pas un mar­queur fort de ce nou­veau monde poli­tique tant annon­cé et qui tarde un peu à venir ?
Crédit pho­to : Orange France via Flickr (cc)