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Accueil | Veille médias | Affaire Duhamel : revue de presse, médias entre révélations, rapprochements et mutisme

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24 juillet 2021

Temps de lecture : 7 minutes
Accueil | Veille médias | Affaire Duhamel : revue de presse, médias entre révélations, rapprochements et mutisme

Affaire Duhamel : revue de presse, médias entre révélations, rapprochements et mutisme

Temps de lecture : 7 minutes

Red­if­fu­sion esti­vale. Pre­mière dif­fu­sion le 12 jan­vi­er 2021

Le 4 janvier 2021, suite à une enquête publiée dans Le Monde, faite à partir du livre de Camille Kouchner, “La Familia grande” (sorti le 7 janvier), l’information tombe, Olivier Duhamel est accusé d’inceste envers son beau-fils de 13 ans.

Depuis ces révéla­tions, une enquête a été ouverte par le min­istère pub­lic ; côté médias, on en apprend plus chaque jour sur cette his­toire mais encore une fois, le traite­ment n’est pas uni­forme. Revue de presse de la nou­velle affaire qui touche la gauche soixante-huitarde.

Ariane Chemin du Monde, la journaliste qui se fait le relais du livre

Si un média abonde dans la prop­a­ga­tion d’informations sur ce sujet, c’est Le Monde. “L’enquête” qui a mis le feu aux poudres y a été pub­liée en exclu­siv­ité, par une de ses grands reporters, Ari­ane Chemin.

Depuis, Le Monde se fait l’écho de tous les rebondisse­ments  et a même dévoilé une autre enquête, sur “Sci­ences Po, cœur du pou­voir d’Olivier Duhamel”. Il est vrai que Camille Kouch­n­er, auteur du livre qui a révélé l’affaire est la com­pagne de Louis Drey­fus… du Monde.

Mais c’est avant tout Ari­ane Chemin qui con­naît son heure de gloire, lors de son pas­sage dans C à vous, cette dernière ne s’embarrasse pas de langue de bois. Par exem­ple, elle pointe du doigt tous ces gens qui “savaient”, en par­ti­c­uli­er, cette “élite bour­geoise de gauche qui côtoy­ait les Pisi­er-Kouch­n­er et les Pisier-Duhamel”.

Le Figaro, l’autre grand quo­ti­di­en français, a aus­si large­ment relayé cette his­toire, sans pour autant avoir autant d’informations “exclu­sives”.

L’Obs, la parole aux acteurs

Le Monde n’est cepen­dant pas le seul média à faire dans l’exclusivité dans cette his­toire, un autre grand média de gauche a eu une place impor­tante, il s’agit de L’Obs lui aus­si dans le groupe de Louis Drey­fus (le grand média qui aura finale­ment le moins évo­qué ce sujet, du moins au début, c’est Mar­i­anne).

Le même jour que la sor­tie de l’enquête du Monde, L’Obs pub­lie un entre­tien “exclusif” avec Camille Kouch­n­er qui fait aus­si grand bruit. Le lende­main, Élis­a­beth Guigou, anci­enne min­istre social­iste et actuelle prési­dente de la com­mis­sion sur l’inceste et les vio­lences sex­uelles (!) depuis le 10 décem­bre, s’y est expliquée. Cri­tiquée car proche d’Olivier Duhamel, elle a affir­mé à L’Obs ne pas avoir eu con­nais­sance au préal­able de cette his­toire et la décou­vrir en même temps que le grand public.

De son côté, Aurélie Fil­ip­pet­ti, proche aus­si d’Olivier Duhamel et pro­fesseur à Sci­ences Po Paris, s’est expliquée sur RTL. Elle y explique être au courant de ces accu­sa­tions depuis 2019… Tout en rap­pelant et en insis­tant sur le fait que cela touche “tous les milieux et beau­coup de monde” (pas d’amalgame), elle dit avoir prévenu Frédéric Mion, le directeur de Sci­ences Po Paris, qui n’a rien fait sur le sujet et dont cer­tains récla­ment désor­mais la démission.

Pas de rapprochements dangereux chez France Inter et Libération

Fil­ip­pet­ti n’est pas la seule à essay­er d’éviter les rap­proche­ments, deux grands médias des soix­ante-huitards, Libéra­tion et France Inter,  pra­tiquent eux aus­si l’exercice.

Libéra­tion fait un para­graphe entier inti­t­ulé “L’inceste est partout” et s’empresse d’y rap­pel­er les pro­pos de Camille Kouch­n­er à L’Obs, “antic­i­pant le retour du procès des soix­ante-huitards et de la pédophilie” : “L’inceste est partout, il n’a pas de couleur poli­tique. Il peut être à droite comme à gauche.”, cela n’a “rien à voir avec Mai 68”.

Côté France Inter, c’est le même refrain. Thomas Legrand, dans son édi­to, explique que cer­tains prof­iteront de ces accu­sa­tions portées sur les “vieux acteurs” des injonc­tions “jouis­sons sans entrave” et “il est inter­dit d’interdire” de mai 1968, pour “avancer des pio­ns con­ser­va­teurs” face à ce qui devrait se résumer comme étant seule­ment la “déviance pathologique d’un homme”.

Pour Legrand, le vrai prob­lème, c’est plutôt le patri­ar­cat (!) dont mai 68 a “juste­ment” per­mis de pren­dre con­science du dan­ger qu’il représen­tait. Il ajoute même que “la vio­lence intrafa­mil­iale (et l’inceste y tient une part impor­tante), est — de très loin — la pre­mière cause de l’insécurité” (!).

La médi­ati­sa­tion de l’affaire Olivi­er Duhamel est utile, car elle accom­pa­gne de façon emblé­ma­tique la reven­di­ca­tion d’une généra­tion. Cette demande inédite et mas­sive de chang­er les rap­ports de dom­i­na­tion entre humains ! La lutte con­tre les vio­lences faites aux femmes ou l’inceste est aus­si une lutte poli­tique puisqu’elle par­le d’une organ­i­sa­tion sociale dans laque­lle l’homme dom­i­na­teur, par­fois pré­da­teur, ne serait plus la matrice.” (sic). Même méth­ode dans Médi­a­part du 6 jan­vi­er 2020, Lenaïg Bre­doux et Marine Turchi noient le pois­son autour du « sys­tème de l’inceste » pour ne pas remet­tre en ques­tion le milieu intel­lectuel auquel elles appar­ti­en­nent. D’autres médias sont un peu plus curieux en matière de rap­proche­ments his­toriques et culturels

Chez Valeurs Actuelles, on souligne “l’exemple même de la famille post-soixante-huitarde”

Du côté de Valeurs Actuelles, on ne s’est pas privé de met­tre en avant les paroles d’Ariane Chemin. Lors de son pas­sage dans C dans l’air, elle avait évo­qué une famille qui est “l’exemple même de la famille post-soix­ante-huitarde où le maître-mot, c’est la lib­erté” pour présen­ter le con­texte dans lequel cet inces­te avait eu lieu, une famille où “tout le monde s’embrasse sur la bouche”.

Des journalistes avec un autre regard

Éric Brunet n’a pas non plus hésité à point­er du doigt la famille poli­tique à laque­lle appar­tient Alain Duhamel. Dans son édi­to pour RTL, il écrit que “la pédophilie a longtemps béné­fi­cié d’une rel­a­tive tolérance dans cer­tains milieux de la gauche lib­er­taire. Après mai 1968, des intel­lectuels l’ont même jus­ti­fiée au nom de la révo­lu­tion sex­uelle.” Il rap­pelle aus­si cette péti­tion signée par des per­son­nal­ités de gauche, en 1977, dans Le Monde, “en sou­tien à des per­son­nes inculpées pour avoir eu des rela­tions sex­uelles avec des ado­les­cents de treize et qua­torze ans”. Et enfin, dans sa con­clu­sion, il écrit, “jusqu’au milieu des années 1980, les Verts alle­mands avaient dans leur pro­gramme la dépé­nal­i­sa­tion des rela­tions sex­uelles entre adultes et mineurs”.

Sur RMC, la jour­nal­iste Isabelle Sapor­ta a pointé “l’en­tre-soi atroce et l’omer­ta qu’il y a eu autour de cette affaire, dans un petit milieu de la gauche caviar parisi­enne”, ajoutant que “si cela pou­vait nous débar­rass­er de toute cette gauche caviar qui passe son temps à don­ner des leçons en se com­por­tant de la manière la plus sor­dide, ça sera un dom­mage col­latéral pas si mauvais”.

Pascal Praud et la blague qui ne passe pas de Robert Cohen

Du côté de Cnews et de Pas­cal Praud, habitué à ne pas avoir sa langue dans sa poche, on n’est pas amusé par cette sor­dide his­toire. Lorsque le pédi­a­tre Robert Cohen a ten­té une blague dou­teuse sur le plateau de L’heure des pros, Pas­cal Praud l’a vite recadré.

Mais j’ai vu que je ne pou­vais pas touch­er des vieux. Physique­ment ! C’est peut-être mon côté pédophile ! Vous con­nais­sez la dif­férence entre un pédi­a­tre et un pédophile ? Le pédophile aime vrai­ment les enfants !” a sor­ti Robert Cohen en pleine émission.

Ce à quoi l’animateur a répon­du avec un “non, non” de dés­espoir. “Je suis ter­ror­isé par ce que vous dites. Même moi, en tant qu’animateur, je me demande com­ment les gens peu­vent pren­dre la plaisan­terie que vous venez de faire, qu’on aurait fait dans les années 70 ou 80, au sec­ond degré.” et ajoutant que “ce n’est pas de meilleur goût aujourd’hui”.

Encore une fois, le présen­ta­teur laisse sous-enten­dre le rap­port par­ti­c­uli­er qu’avaient (ont ?) les soix­ante-huitards avec la pédophilie, rap­port qui n’amuse défini­tive­ment plus grand monde.