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Facebook à l’assaut du journalisme (Perugia 2)

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30 juillet 2017

Temps de lecture : 4 minutes
Accueil | Veille médias | Facebook à l’assaut du journalisme (Perugia 2)

Facebook à l’assaut du journalisme (Perugia 2)

Temps de lecture : 4 minutes

[Red­if­fu­sions esti­vales 2017 – arti­cle pub­lié ini­tiale­ment le 16/04/2017]

La 11ème édition du Festival International du Journalisme s’est tenue à Pérouse (Perugia, Ombrie, Italie) du 5 au 9 avril 2017. Créé en 2006 à l’initiative d’Arianna Ciccone le festival a reçu près de 600 intervenants venus de 47 pays et organisé plus de 300 conférences, ateliers, débats dans douze salles de la ville de Pérouse. Le Festival a été marqué par une véritable prise en mains de Facebook et Google (à la fois sponsors officiels et participants à de nombreux débats). Un envoyé spécial de l’Ojim était présent, voici le deuxième de ses comptes rendus.

Vous avez pu voir dans un précé­dent arti­cle la ten­ta­tive de Google via Google News check de se posi­tion­ner comme fil­tre en amont du jour­nal­isme en qual­i­fi­ant l’information trans­mise : bonne/vraie (com­pren­dre : désir­able) ou mauvaise/fausse (com­pren­dre : indésir­able), intro­duisant un juge­ment moral qui per­me­t­tra au mal­heureux jour­nal­iste de sépar­er le bon grain de l’ivraie et de ne pas per­turber le non moins mal­heureux public.

Si Google peut le faire, Face­book le fera, con­cur­rence oblige.

Facebook et son drapeau rouge

Le réseau social a été cri­tiqué car cer­tains inter­nautes auraient fait un « mau­vais usage » du réseau dif­fu­sant des « fauss­es nou­velles » con­duisant à des « évène­ments indésir­ables » comme l’élection de Don­ald Trump, le Brex­it ou le non au référen­dum con­sti­tu­tion­nel organ­isé par Ren­zi en Ital­ie. Il fal­lait donc réagir.

Adam Mosseri, vice-prési­dent pro­duit (Prod­uct Vice Pres­i­dent) de Face­book est venu porter la bonne parole auprès des jour­nal­istes réu­nis à Pérouse le 7 avril 2017. Pull over ras du cou, jean, veste élé­gante, Mosseri est le pro­to­type du grand frère améri­cain, ath­lé­tique, souri­ant, sym­pa­thique, il ne vous veut que du bien. Quelques extraits.

À Face­book nous sommes les amis du jour­nal­isme et nous avons une respon­s­abil­ité vis à vis de votre pub­lic. Nous voulons « aider notre com­mu­nauté » et en 2017 nous met­trons l’accent sur qua­tre points. Pre­mier point la décou­verte, nous allons met­tre en rela­tion vos sujets préférés avec leur envi­ron­nement. Ensuite « l’intégrité », il y a des soucis avec les fauss­es nou­velles. Vous allez pou­voir sig­naler « les fauss­es nou­velles, les dis­cours de haine », nous allons avoir recours à des tiers vérifi­ca­teurs d’information (Third par­ty fact check­ing pro­grams) qui vont nous sig­naler les fauss­es infor­ma­tions. Troisième point : nous allons lancer un pro­gramme d’éducation du pub­lic. Qua­trième point, nous allons être un meilleur parte­naire pour les médias. Nous allons tra­vailler avec vous pour vous amélior­er, pour que vous puissiez moné­tis­er vos pro­duits. Tout ceci fait par­tie du pro­gramme « Jour­nal­isme 2017 » que Face­book a lancé au début de cette année. Nous allons lancer une alliance avec vous édi­teurs, jour­nal­istes, mem­bres qual­i­fiés de la com­mu­nauté. Quand une nou­velle sera dou­teuse, un dra­peau rouge sera posté qui vous met­tra en garde.

Ministère de la vérité

Le gou­verne­ment alle­mand veut met­tre en place une loi qui per­me­t­tra de con­damn­er à de lour­des amendes les réseaux soci­aux qui dif­fuseront des « dis­cours de haine » (sous-enten­du c’est le gou­verne­ment qui défini­ra ce qu’est ou ce que n’est pas un dis­cours de haine). La loi alle­mande con­sid­ér­erait les réseaux soci­aux comme des édi­teurs et non comme des dis­trib­u­teurs, ce qui est à la fois une men­ace et une chance pour Facebook.

Le réseau social annonce qu’il ne veut pas s’impliquer lui même dans la véri­fi­ca­tion des faux dis­cours ni dans la qual­i­fi­ca­tion de ce qu’est un dis­cours de haine ou de vio­lence. Il aura donc recours aux fameuses « par­ties tierces » comme Inter­na­tion­al Fact Check­ing Net­work de l’université (améri­caine bien enten­du) Poyn­ter, qui à son tour va se repos­er sur des cor­re­spon­dants qual­i­fiés. Leur cor­re­spon­dant pour la France ? Dés­in­tox de Libéra­tion dont le pro­prié­taire Patrick Drahi n’a cer­taine­ment aucun con­flit d’intérêt…

Cer­tains gou­verne­ments d’un côté (l’Allemagne en pointe, la France pas très loin avec le comité inter­min­istériel con­tre les dis­crim­i­na­tions) avec l’aide des puis­santes sociétés numériques améri­caines ten­tent de met­tre en place un sys­tème qui ressem­blera au monde décrit par George Orwell dans 1984, avec la minute de la haine (con­tre la haine bien enten­du), la mise en scène du réel, voire la recon­struc­tion du réel. Comme le dis­ait Guy Debord « dans la société du spec­ta­cle, le vrai devient un moment du faux ». Au même moment Face­book en étant plus intrusif par la qual­i­fi­ca­tion de ses infor­ma­tions sera en mesure de capter encore un peu plus de la valeur ajoutée créée par les édi­teurs. Pau­vres médias dont la pub­lic­ité se déplace déjà sur les réseaux soci­aux, com­plices de Face­book ils sci­ent avec appli­ca­tion la branche sur laque­lle ils sont assis…

À suiv­re…