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Valeurs Actuelles et Obono : l’hystérie se poursuit à l’échelle nationale

5 septembre 2020

Temps de lecture : 11 minutes
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Valeurs Actuelles et Obono : l’hystérie se poursuit à l’échelle nationale

Temps de lecture : 11 minutes

Le récit intitulé « Obono l’Africaine » paru dans Valeurs Actuelles n°4370, daté du 27 août au 2 septembre 2020, continue de faire des siennes. L’affaire interroge la liberté d’expression et de la presse en France mais questionne aussi sur le lieu où se détermine la réalité des délits : réseaux sociaux ? Médias ? Opinions personnelles ? Tribunaux ? Les récents développements médiatiques de l’affaire ne permettent plus d’apporter de réponse claire à cette question.

Les faits ayant entraîné ce qu’il est main­tenant con­venu d’appeler « l’affaire VA/Obono » et leurs pre­mières réper­cus­sions médi­a­tiques ont été analysés par un arti­cle de l’OJIM paru ici.

Le cadre de l’affaire

Rap­pelons le principe de la série des romans l’été de Valeurs Actuelles, telle que présen­té par l’hebdomadaire :

« Valeurs Actuelles vous entraîne cette année, pour sa tra­di­tion­nelle poli­tique-fic­tion de l’été, dans une réal­ité par­al­lèle. Ici, des fig­ures his­toriques ou des per­son­nages issus du monde poli­tique, artis­tique ou médi­a­tique voy­a­gent dans les couloirs du temps et décou­vrent une réal­ité qu’ils ne pou­vaient soupçonner.
Sous les nom d’Harpalus, un brig­and qui bra­vait la puis­sance des dieux parce que rien n’arrêtait le cours de ses prophéties, se cachent les plumes de votre hebdomadaire.
Fins con­nais­seurs des arcanes des univers qu’ils décrivent , nos jour­nal­istes ressus­ci­tent des morts pour mieux ques­tion­ner notre temps et dévoil­er l’absurdité de notre époque. Et, la fic­tion étant le meilleur reflet de la réal­ité, vous ver­rez que tout ce qui se pro­duit dans les pages qui suiv­ent ne manque pas d’éclairer les sit­u­a­tions actuelles ». 

Valeurs Actuelles choisit des indi­vidus publics, appuie sur un trait de leur per­son­nal­ité évi­dent et con­nu de tous : le souci de la recon­nais­sance de l’esclavage et d’une oppres­sion vécue par les noirs en France actuelle­ment dans le cas d’Obono.

À la relec­ture du réc­it, rien de raciste : il s’agit d’un texte de fic­tion à car­ac­tère humoris­tique. Un humour noir (sic) qui appuie sur les hor­reurs de l’esclavage et n’oublie pas de mon­tr­er en quoi il ne fut pas seule­ment européen mais préal­able­ment africain, arabe et musul­man. Out­re cet aspect, sérieux, réal­iste et fondé sur le plan his­torique, le réc­it au sujet de « Obono l’Africaine, où la députée insoumise expéri­mente la respon­s­abil­ité des Africains dans les hor­reurs de l’esclavage » car­i­ca­ture évidem­ment son per­son­nage devenu per­son­nage de roman. À la lec­ture, per­son­ne de sen­sé ne devrait en douter.

Il en va de même des dessins accom­pa­g­nant le texte. Cer­tains sont très sérieux, repro­duisant des tableaux célèbres présents dans tous les manuels de 4e (car l’esclavage est forte­ment enseigné par l’Éducation Nationale con­traire­ment à ce que dis­ent les rumeurs), un autre est à son tour une car­i­ca­ture, représen­tant Obono enchaînée. Cette dame affirme son afro-descen­dance ain­si que le fait d’avoir des ancêtres esclaves, pour elle comme pour tous les noirs. Le dessin ne fait que ren­dre compte de cette affirmation.

La deuxième vague de l’affaire dans les médias

Il est évi­dent que per­son­ne n’a jamais enten­du Danièle Obono s’offusquer quand des mem­bres du Rassem­ble­ment Nation­al, issus de la Nou­velle Droite ou de mou­ve­ments iden­ti­taires sont car­i­caturés, y com­pris au sein de La France Insoumise, en nazis (ils n’ont pour­tant pas d’ancêtres de cette sorte) ni quand le dessi­na­teur du Monde Plan­tu représente Jean-Marie Le Pen avec bras­sard nazi et croix gam­mée, par­ti poli­tique auquel il n’a jamais appartenu.

La car­i­ca­ture, oui, donc, une lib­erté essen­tielle pour madame Obono et ses amis. Mais pas sur tous les sujets.

Les con­séquences de l’inégalité de car­i­ca­tur­er, dev­enue une réal­ité en France, sont graves dans ce cas précis.

Ain­si, Geof­froy Leje­une, directeur de la pub­li­ca­tion de Valeurs Actuelles, inter­ve­nait sur LCI, dans l’une des nom­breuses émis­sions de com­men­taires poli­tiques, à voca­tion de « débats », qui émail­lent aujourd’hui le Paysage Audio­vi­suel Français. Il a été mis à la porte sur déci­sion du directeur d’une chaîne ne souhai­tant pas s’associer aux posi­tions « racistes » de Valeurs Actuelles.

Cela devrait éton­ner : ni le mag­a­zine, ni son directeur de la pub­li­ca­tion n’ont été con­damnés en jus­tice, selon le droit donc, comme il se doit dans un État de droit. La ques­tion du « racisme » de la fic­tion d’été ayant pour per­son­nage prin­ci­pal Obono tient donc de l’opinion de cha­cun, pour le moment. Or, le délit d’opinion n’existe pas en France : ce sont les tri­bunaux qui déci­dent du délit s’il y a lieu d’être. Leje­une est donc mis à la porte en ver­tu d’une accu­sa­tion qui n’est étayée par aucun fait prou­vé en jus­tice. En l’état actuel des choses, il s’agit d’un abus de pou­voir ou d’un licen­ciement abusif au sujet duquel le directeur de la pub­li­ca­tion de Valeurs Actuelles pour­rait deman­der des comptes devant un tri­bunal. Ou encore d’une diffamation.

Cet aspect des choses n’est pas passé inaperçu puisque Pas­cal Praud, prin­ci­pal ani­ma­teur de l’émission de débats sur Cnews, L’Heure des pros, a « poussé une gueu­lante » en direct. À ses yeux, « LCI la écarté sans juge­ment, sans procès sinon la curée médi­a­tique (…) Cest peut-être ça la vraie soumis­sion, céder aux sirènes des minorités qui récla­ment des têtes et déboulon­nent des stat­ues », a‑t-il com­mencé avant d’ironiser, « Félic­i­ta­tions à ceux qui ont pris cette déci­sion, ils ont mon­tré leur courage et leur colonne vertébrale. Je ne doute pas que la presse française se mobilise, que les sociétés de jour­nal­istes hurlent à la cen­sure, quAlain Finkielkraut, David Pujadas, Daniel Cohn-Ben­dit, Gérard Miller, quelques grandes voix que jentends sur LCI pren­nent posi­tion pour défendre un con­frère injuste­ment sor­ti de lantenne. » Pas­cal Praud a insisté : « Cest tou­jours deux poids deux mesures en France. Il a un tort Geof­froy Leje­une : il est de droite, cest un jour­nal­iste de droite. Ah ça cest absol­u­ment ter­ri­ble ! Donc effec­tive­ment jattends les réac­tions des sociétés de journalistes… » 

Dans le même ordre d’idées, un échange ten­du a eu lieu le 2 sep­tem­bre 2020 sur BFM entre Bour­din et son invitée Obono. Bour­din est revenu sur cer­taines posi­tions tenues par la porte-parole de la France Insoumise. Cette dernière a notam­ment pu défendre en 2017 Houria Bouteld­ja, la porte-parole du Par­ti des indigènes de la République, accusée d’être anti­sémite. Des pro­pos qui avaient choqué et valu une mise au point de l’élue à l’époque. Obono avait aus­si écrit des pro­pos fort peu com­patis­sants à l’égard des jour­nal­istes mas­sacrés de Char­lie heb­do, sur son blog per­son­nel, au moment des atten­tats de 2015.

Ce dernier aspect a aus­si été évo­qué par l’avocat du jour­nal satirique, sur France Inter, ce même 2 sep­tem­bre. Pour Richard Mal­ka, il y a « un appétit de cen­sure de cer­tains représen­tants de la gauche », ce en quoi il visait explicite­ment Obono. Plus large­ment : « Il y a une régres­sion mas­sive de la lib­erté d’ex­pres­sion et en par­ti­c­uli­er à gauche parce qu’il y a cette philoso­phie des minorités, cette espèce d’idéologie vic­ti­maire. On a beau­coup par­lé de Madame Obono ces derniers temps, Madame Obono avait les yeux secs devant les morts de Char­lie Heb­do. C’est ce qu’elle a dit : « Je ne pleur­erai pas, pas une seule larme ». Et l’av­o­cat de vis­er ensuite le patron de la France insoumise : « Il y a un problème à gauche. Mon­sieur Mélen­chon, qui n’avait pas assez de tré­mo­los dans la voix aux obsèques de Charb (le directeur de la rédac­tion de Char­lie Heb­do, mort lors de l’at­ten­tat, ndlr), est en même temps « Obono ». Je ne sais pas com­ment on fait ». 

Le Monde et Libération, frères jumeaux pour la censure

Mais la vio­lence con­tre Valeurs Actuelles et par ric­o­chets en faveur de Danièle Obono provient aus­si d’autres médias. Le 31 août 2020, Libéra­tion pub­li­ait par exem­ple un « bil­let » signé Jérôme Lefilliâtre. Pour lui, c’est « une vieille cou­tume de l’extrême droite que de minor­er la respon­s­abil­ité des occi­den­taux dans l’esclavage en met­tant en avant celle de cer­tains noirs ». Il y a ici plusieurs « fake news » : la pré­ten­due cou­tume est celle des travaux his­toriques les plus récents, les plus recon­nus et les plus sérieux ; il ne s’agit pas de « cer­tains » noirs esclavagistes, autrement dit d’individus spé­ci­fiques et iden­ti­fi­ables, mais d’ethnies entières, autrement dit de peu­ples noirs dont nom­bre d’afro-descendants… descen­dent par déf­i­ni­tion. Etre noir ne fait de per­son­ne un descen­dant d’esclave. Pas plus qu’être blanc, du reste, ne fait de per­son­ne un descen­dant d’esclaves athéniens ou d’hilotes spar­ti­ates, ou encore d’esclavagistes musul­mans (Vin­cent de Paul, entre autres, fut esclavagisé par des musul­mans au 17e siè­cle – cela doit-il con­duire la France à deman­der répa­ra­tion à tous les musulmans ?).

Pour l’éditorialiste, la fic­tion de Valeurs Actuelles serait « infâme », « répug­nante », don­nerait la « nausée », Geof­froy Leje­une serait « plus péteux que jamais » (sig­ni­fi­ca­tion ?). Citant des extraits pour dire que la fic­tion est raciste, il tombe à plat car ses cita­tions ne rela­tent que des réal­ités : en effet, à l’époque mod­erne, les eth­nies africaines se préve­naient de la sur­v­enue d’événements au son de « tam tam ». Un son tout à fait util­isé aujourd’hui dans toutes les musiques africaines et dont il va être dif­fi­cile de soutenir qu’elles sont racistes. L’éditorialiste accuse aus­si en fil­igrane Macron et les médias accueil­lant les jour­nal­istes de Valeurs Actuelles d’avoir légitimé le mag­a­zine, ce qui revient à un appel ouvert à la cen­sure. Déla­teur sans gêne, il indique même les noms des jour­nal­istes qu’il veut voir être exclus des médias, con­clu­ant par « On arrête quand ce délire ? ».

Dans Le Monde, l’éditorial du 1er sep­tem­bre 2020 s’intitule « Refuser la banal­i­sa­tion du racisme » et reprend les mêmes idées que Libéra­tion. L’accroche : « Depuis plusieurs années, lheb­do­madaire dextrême droite Valeurs actuelles a vu sa légitim­ité rehaussée par les invi­ta­tions régulières de ses jour­nal­istes sur des chaînes dinfor­ma­tion en con­tinu ain­si que par un entre­tien accordé par Emmanuel Macron. » La fic­tion, « révoltante », donne ici aus­si « la nausée ». Il n’est pas inter­dit de penser que les arti­cles s’écrivent en com­mun dans les mêmes bistrots. Notons que l’éditorialiste anonyme du Monde reproche à l’auteur du texte de fic­tion de Valeurs Actuelles d’être… anonyme. Ce pas­sage aus­si reprend exacte­ment les mêmes idées que le bil­let de Libéra­tion, à se deman­der si l’auteur des deux textes n’est pas une seule et même per­son­ne : « Quun jour­nal dextrême droite étale son racisme en affichant son mépris pour une élue dorig­ine gabonaise, fig­ure con­tro­ver­sée du mil­i­tan­tisme décolo­nial, na rien de nou­veau. Valeurs actuelles, jour­nal dont le nom­bre de lecteurs a bais­sé depuis cinq ans, a besoin de scan­dale et de « coups » pour faire par­ler de lui. Même les « excus­es » hyp­ocrite­ment présen­tées a pos­te­ri­ori par sa direc­tion et réfu­tant tout racisme sem­blent des­tinées à relancer la polémique. »

De même, il appelle à la cen­sure : « Lennui est que le chef de l’État, qui sinsurge aujourdhui, a lui-même rehaussé la légitim­ité de lheb­do­madaire en lui accor­dant un entre­tien lan passé et en le qual­i­fi­ant de « très bon jour­nal ». Lennui est aus­si que les jeunes jour­nal­istes plus à droite que Marine Le Pen qui ani­ment Valeurs actuelles ont micro ouvert en per­ma­nence sur plusieurs chaînes dinfor­ma­tion télévisée en con­tinu, dont ils ali­mentent le moulin à polémiques. » (…) « Laffaire Obono invite aus­si à con­damn­er la banal­i­sa­tion dans des émis­sions général­istes dune parole extrémiste qui, si elle peut faire le « buzz », con­tribue surtout au délite­ment du pays en nour­ris­sant la haine. »

Et va ensuite plus loin en pré­ten­dant dicter aux juges ce qu’ils doivent décider : « Face à linad­mis­si­ble humil­i­a­tion publique dune per­son­ne en rai­son de ses orig­ines, la loi qui fait du racisme un délit et non une opin­ion, doit sappli­quer. »

Libertés et cécité

La gauche dite de gou­verne­ment alias libérale-lib­er­taire, du moins ses médias, appelle ain­si à la cen­sure, trahissant les idéaux de lib­erté qu’elle pré­tend défendre. Son niveau de finesse intel­lectuelle ne sem­ble pas assez élevé pour com­pren­dre ceci : son intolérance, sous cou­vert de lutte con­tre l’intolérance, est juste­ment ce qui ouvre un boule­vard au rad­i­cal­isme d’Obono et des indigénistes, ou encore de la Ligue de Défense Noire, raciste, anti­sémite, qui par­le de la France comme de « votre pays » – et par effet de boomerang à des réac­tions com­bat­tives d’organes de presse tels que Valeurs Actuelles. Il est tou­jours plus facile d’accuser et de trou­ver des boucs émis­saires que de se regarder dans le miroir. La gauche dite intel­lectuelle et jour­nal­is­tique est dev­enue cham­pi­onne en ce domaine, celui de ne plus voir ce qu’elle est dev­enue. Dans 50 ans elle s’excusera au sujet de sa bien­veil­lance envers les minorités actives, comme elle l’a récem­ment fait à pro­pos de la pédophilie. À l’évidence, les lib­ertés d’opinion et d’expression sont en train de mourir en France et la faute n’incombe pas à Valeurs Actuelles ou aux médias dits de droite ou con­sid­érés comme tels. Elle incombe à ceux qui veu­lent que tout un cha­cun pense exacte­ment la même chose et demande la per­mis­sion avant de répon­dre à un entre­tien dans la presse. Ou pire, fasse con­trôler ses pro­pos avant qu’ils ne soient édités.

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