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Un point de vue suisse sur Black Lives Matter

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8 septembre 2020

Temps de lecture : 5 minutes
Accueil | Veille médias | Un point de vue suisse sur Black Lives Matter

Un point de vue suisse sur Black Lives Matter

Temps de lecture : 5 minutes

Nous avons publié plusieurs articles sur les délires de l’antiracisme devenu raciste. De la mort de George Floyd à Minneapolis à la folie médiatique au sujet de la pseudo-affaire Obono en passant par la danse du ventre autour de la bande Traore. C’est un point de vue suisse (en partie discutable mais nourri) que nous apporte un universitaire suisse dans les colonnes de notre confrère L’Antipresse de Slobodan Despot.

Olivier Moos : les jacobins de l’antiracisme

Olivier Moos a un doctorat en Histoire contemporaine (EHESS et Université de Fribourg). Il nous a proposé en 2019 une réflexion posée sur les idées directrices de la grève des femmes du 14 juin. Cette fois-ci, il se penche de manière rationnelle et distanciée sur le phénomène « Black Lives Matter ». Son analyse est un véritable petit livre. Nous le proposons en téléchargement libre aux formats PDF et e‑book (liens au bas de l’article). En guise d’introduction, nous lui avons posé quelques questions au sujet de son travail.

Qu’est-ce qui vous a motivé à vous pencher sur ce phénomène ?

Un mélange de frus­tra­tion et de curiosité. La grande presse n’a que rarement offert une analyse dépas­sant l’événementiel: des séries de man­i­fes­ta­tions spon­tanées, motivées par l’indignation causée par la vidéo de la mort de George Floyd à Min­neapo­lis, avec divers­es formes de vio­lence sur leurs marges. À bien des égards, le phénomène a été décryp­té à la lumière des slo­gans des man­i­fes­tants. Or il m’a sem­blé que c’était plutôt le gouf­fre entre la réal­ité du racisme dans les pays occi­den­taux et les hyper­boles cat­a­strophistes des mil­i­tances antiracistes qui méri­tait interrogation.

En somme, j’ai voulu ten­ter d’expliquer le très rapi­de glisse­ment de la mort d’un Afro-Améri­cain dans une ville qu’aucun Européen ne sait plac­er sur une carte, au van­dal­isme de la stat­ue de Win­ston Churchill à Lon­dres. Ce n’est pas l’indignation morale mais le cadrage idéologique des événe­ments qui explique ce glissement.

Vous sen­tez-vous libre dans votre pen­sée et votre expres­sion en abor­dant ce sujet haute­ment explosif ?

Dans le con­texte fran­coph­o­ne, oui. Le sujet n’est déli­cat que dans la mesure où nous lais­sons, par couardise ou par paresse, les zélotes don­ner le tem­po du débat pub­lic et décider des opin­ions légitimes. Je m’attends aux inévita­bles ad per­son­am mais, dans l’ensemble, je crois que ma posi­tion est raisonnable. Quant à savoir si elle est per­ti­nente, c’est une autre question.

La tab­u­la rasa cul­turelle qu’on observe aux États-Unis est-elle com­pa­ra­ble avec ses répliques sur le Vieux Con­ti­nent ? De manière générale, quelle est l’extension géo­graphique et géopoli­tique du phénomène ?

Black Lives Mat­ter n’est qu’une des man­i­fes­ta­tions con­tin­gentes d’un phénomène plus large qui s’apparente à une révo­lu­tion cul­turelle, c’est-à-dire le rejet de la tra­di­tion human­iste et libérale au prof­it d’une vision anti­sci­en­tifique et la quête d’une Jus­tice cos­mique, d’un égal­i­tarisme absolu. Le bon sens est envoyé en Sibérie, l’universalisme fait place à un archipel d’identités, l’individualisme est noyé dans le col­lec­tif. Ce n’est pas un hasard si ce phénomène s’accompagne d’une obses­sion de la pureté et du péché, une cer­ti­tude d’infaillibilité morale, une peur du blas­phème, des rit­uels d’expiation…
Sa portée et son impact sont dif­fi­ciles à mesur­er, mais il est claire­ment observ­able, avec des degrés d’intensité très vari­ables, dans les champs cul­turels d’abord nord-améri­cain, puis par con­ta­gion européens.
Mal­gré ce label d’origine, les com­porte­ments que vous iden­ti­fiez sous le terme de la tab­u­la rasa cul­turelle — les appels à la cen­sure dans les cam­pus des uni­ver­sités de l’Ivy League, les lég­is­la­tions du lan­gage, la «décoloni­sa­tion» de nos mémoires his­toriques, le net­toy­age des pro­duc­tions cul­turelles — sont néan­moins devenus des pro­duits d’exportation. Les con­som­ma­teurs se trou­vent dans cer­tains marchés nich­es, surtout anglo-sax­ons, mais aus­si dans les franges mil­i­tantes des gauch­es européennes, cer­taines fac­ultés uni­ver­si­taires et, inévitable­ment, ces idées infil­trent aus­si les insti­tu­tions. Au-delà, c’est l’échec. Le com­mun des mor­tels n’y com­prend rien et on ne peut pas l’en blâmer; il faut vraisem­blable­ment avoir un diplôme uni­ver­si­taire pour avaler ces couleu­vres révolutionnaires.
L’antiracisme con­tem­po­rain, tout comme l’autoflagellation cul­turelle par ailleurs, est un mono­logue d’élites occi­den­tales. C’est un out­il autant au ser­vice du sig­nale­ment osten­ta­toire de ver­tu et des straté­gies de posi­tion­nement que de la lutte con­tre le racisme et ses effets.

Pensez-vous que votre tra­vail serait pub­li­able aujourd’hui dans une revue académique en Suisse ou ailleurs en Europe ?

Pas sous cette forme. Mais avec une thèse plus robuste et plus étayée, débar­rassée de ses provo­ca­tions, j’imagine que oui.
Pou­voir pub­li­er n’est prob­a­ble­ment pas la ques­tion. Le prob­lème réside ailleurs. Dans le monde académique, les ques­tions rel­a­tives aux dis­par­ités de genre ou de pop­u­la­tions ten­dent à être inter­rogées selon un nom­bre de paramètres implicite­ment lim­ités. Rien n’est cen­suré, bien sûr, mais il y a des hypothès­es qu’il est impoli de for­muler. Ce n’est pas en rai­son d’une idéolo­gie mais plutôt d’un prob­lème d’endogamie: dans cer­taines fac­ultés, l’uniformité intel­lectuelle sem­ble être dev­enue une ver­tu. Toutes les diver­sités sont une richesse, sauf celle des idées.

NB : le télécharge­ment du livre d’Olivier Moos est réservé aux abon­nés de L’An­tipresse. Un abon­nement que nous ne pou­vons que recommander.