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Réseaux sociaux : quart d’heure de gloire communautariste

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20 mai 2020

Temps de lecture : 4 minutes
Accueil | Veille médias | Réseaux sociaux : quart d’heure de gloire communautariste

Réseaux sociaux : quart d’heure de gloire communautariste

Temps de lecture : 4 minutes

On prête à l’artiste américain Andy Warhol d’avoir dit que chacun allait avoir droit dans sa vie à un quart d’heure de gloire. L’avènement du smartphone et des réseaux sociaux permet de concrétiser cette prédiction, parfois pour le meilleur, souvent pour le pire. Agression d’Éric Zemmour, virée punitive communautariste : de récents exemples illustrent de façon éclatante le pire que la recherche maladive de notoriété médiatique peut entrainer.

Le 30 avril, une vidéo mise en ligne sur le réseau social Snapchat met­tait en scène un jeune issu de l’immigration en train de vilipen­der Éric Zem­mour. Bien que les médias aient été longs au démar­rage à cou­vrir cette agres­sion ver­bale, le fait qu’elle ait fait le tour des réseaux soci­aux et qu’elle con­cerne le jour­nal­iste vedette de CNews a amené le Prési­dent de la République à s’entretenir longue­ment avec l’écrivain et jour­nal­iste à la suite de cet événement.

Agressions filmées diffusées sur les réseaux sociaux : un phénomène en pleine expansion

Ce fait n’est pas isolé. Signe d’un ensauvage­ment de la société, les agres­sions filmées dif­fusées sur les réseaux soci­aux  sont de plus en plus en nom­breuses. On peut même par­ler d’un phénomène de société et d’un nou­veau genre d’« infor­ma­tions » sans autres expli­ca­tions que celles don­nées par son auteur.

Meurtres, vio­ls, agres­sions en tous gen­res, c’est autant le plaisir gra­tu­it de la vio­lence qui est recher­ché que la gloire éphémère d’être un héros pour sa com­mu­nauté ou son réseau. Les médias regor­gent de ces mis­es en scène sor­dides où l’abject côtoie la bêtise la plus crasse. Le genre est main­tenant si dévelop­pé qu’il porte un nom, le « hap­py slap­ping ». L’expression française est plus large : « vidéos agressions ».

Dès 2015, face à l’ampleur gran­dis­sante du phénomène, la Police nationale com­mu­ni­quait sur les risques encou­rus par ceux qui s’en ren­dent coupables. La page inter­net dédiée nous le mon­tre : les peines rép­ri­mant ces faits pou­vant être pronon­cées à l’issue d’une procé­dure pénale sont lourdes.

Les vidéos agressions et l’emprise des réseaux communautaristes

Ces aver­tisse­ments ne sem­blent pas frein­er les ardeurs de cer­tains, bien au con­traire. Trois vidéos d’a­gres­sions vien­nent coup sur coup illus­tr­er la bêtise qui se propage au sein d’une frange de la population.

Le 18 avril, un jeune homme ten­tant d’échapper à un con­trôle de la police à Vil­leneuve-la-Garenne chute de sa moto. Très rapi­de­ment, de nom­breux com­pars­es venaient filmer l’intervention de la police. Un jeune homme accom­pa­g­nait l’une ces vidéos vite mise en ligne sur les réseaux soci­aux par des expli­ca­tions toutes per­son­nelles de l’accident, qui aurait été causé selon lui par une agres­sion des policiers. Il n’en fal­lait pas plus pour met­tre en émoi l’amicale des quartiers. Et qui dit émoi dit aus­si tirs de mortiers, incendies, agres­sions de policiers et autres joyeusetés. Des émeutes qui ont con­cerné de très nom­breuses ban­lieues selon une source poli­cière qui se con­fi­ait au Figaro, loin d’évènements maitrisés comme le lais­sait enten­dre le min­istre de l’intérieur. Qu’importe si comme le relate Actu17 les pre­miers élé­ments de l’enquête affaib­lis­sent l’hypothèse de la bavure. Les racailles n’allaient pas rater une si belle occa­sion de s’amuser nuitamment…

Le 30 avril, c’est Éric Zem­mour qui est vic­time d’une agres­sion ver­bale très rapi­de­ment dif­fusée sur Snapchat. Un tor­rent d’insultes qui n’ont pas eu l’heur d’émouvoir l’écrivain qui affirme avoir le cuir dur.

Le 17 mai, c’est un jeune noir dont le vis­age plein d’ecchymoses vraisem­blable­ment suite à un tabas­sage en règle qui est filmé et mis en ligne sur Twit­ter, nous informe le site de revue de presse Fdes­ouche. La rai­son : il se serait fait pass­er pour un musul­man pour dra­guer des maghrébines. Cer­tains invo­queront la défense de la oum­ma, la com­mu­nauté des croy­ants musul­mans, d’autres accusent le jeune tabassé d’avoir dragué des mineures. Il n’en fal­lait pas plus pour qu’une asso­ci­a­tion com­mu­nau­tariste réagisse immé­di­ate­ment à l’agression d’un des leurs. L’affaire n’a cette fois-ci pas eu plus de reten­tisse­ment que les réseaux soci­aux. Un règle­ment de compte com­mu­nau­tariste, quoi de plus banal.

Le point com­mun à toutes ces his­toires : les auteurs des faits relatés ne se con­tentent pas d’agresser ver­bale­ment ou physique­ment leur vic­time. Ils les met­tent en scène et les font partager dans la recherche d’une recon­nais­sance de « la com­mu­nauté ». La recherche de l’exposition médi­a­tique est égale­ment évi­dente. Au-delà du côté spec­tac­u­laire de ces affaires, c’est une jus­tice par­al­lèle et une par­ti­tion de la société française en com­mu­nautés qui se dessi­nent en creux, et dont les médias tra­di­tion­nels ne sai­sis­sent pas tou­jours les enjeux. Tou­jours aucune réac­tion de Laeti­tia Avia à ce jour face à ce tor­rent de haine…