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Vers une nouvelle loi Gayssot sur le climat ?

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4 octobre 2023

Temps de lecture : 5 minutes
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Vers une nouvelle loi Gayssot sur le climat ?

Temps de lecture : 5 minutes

Anastasie, vous connaissez ? C’est le sobriquet donné à la censure française pendant la guerre de 14/18. Notre bonne vieille Anastasie est en grande forme à l’Assemblée nationale où un « groupe de députés transpartisans » prépare une proposition de loi instaurant une nouvelle censure sur les sujets touchant à l’environnement en général et au climat en particulier.

« Faire progresser le traitement médiatique des enjeux écologiques »

C’est sous ce titre en apparence anodin que deux asso­ci­a­tions, Quo­ta Cli­mat et l’Institut Rousseau, avec l’appui d’un groupe de députés fidèles servi­teurs d’Anastasie, pré­par­ent une propo­si­tion pour encadr­er liq­uider le peu de lib­erté d’expression qui pour­rait sub­sis­ter. Les deux asso­ci­a­tions sont liées et par­mi les con­tribu­teurs de l’Institut Rousseau on retrou­ve deux fon­da­tri­ces de Quo­ta Cli­mat, Eva Morel et Anne-Lise Vernières, toutes deux col­lab­o­ra­tri­ces parlementaires.

Un peu de verbatim de l’Institut Rousseau

Reprenons une par­tie de l’argumentation sur le site de l’institut Rousseau, les phras­es en car­ac­tères gras ont été repris­es telles quelles.

« De plus, de nom­breux médias français favorisent la fab­rique du doute en ne dis­tin­guant pas les faits des opin­ions. Cela a notam­ment pu ali­menter “une polar­i­sa­tion de l’opinion publique, avec des réper­cus­sions néga­tives pour la poli­tique cli­ma­tique”, expliquent les mem­bres du Groupe d’experts inter­gou­verne­men­tal sur l’évolution du cli­mat (GIEC). Il souligne ain­si le rôle majeur des médias : “Les médias peu­vent avoir un impact sig­ni­fi­catif pour faire pro­gress­er la con­science cli­ma­tique et la légitim­ité des actions engagées. Ils cadrent et trans­met­tent les infor­ma­tions sur le change­ment cli­ma­tique, ils ont un rôle cru­cial dans la per­cep­tion qu’en a le pub­lic, sa com­préhen­sion et sa volon­té d’agir”…Il est impératif que chaque citoyen, quels que soient les médias qu’il con­sulte, puisse avoir accès à un niveau d’information suff­isant et qual­i­tatif sur des enjeux aus­si vitaux. Or, l’édition 2022 de l’étude “Frac­tures Français­es” (Ipsos-Sopra Ste­ria) révèle que si 90 % des Français con­sid­èrent que “nous sommes en train de vivre un change­ment cli­ma­tique”, 39 % doutent encore de l’origine anthropique de cette crise. Il existe pour­tant un con­sen­sus sci­en­tifique mon­di­al sur cette ques­tion. Il y a donc urgence à informer davan­tage et mieux.
En out­re, de nom­breux médias français pub­lient des con­tenus édi­to­ri­aux con­tra­dic­toires. En par­al­lèle de la pub­li­ca­tion d’articles, de reportages et d’émissions trai­tant des enjeux écologiques, ils pub­lient des con­tenus relat­ifs à des modes de vie ou des imag­i­naires allant à l’encontre des pré­con­i­sa­tions sci­en­tifiques per­me­t­tant de faire face à l’urgence. »

Explication de texte

Les objec­tifs sont clairs : met­tre fin à la pub­li­ca­tion de con­tenus édi­to­ri­aux con­tra­dic­toires, c’est écrit en toutes let­tres. Autrement dit, fin des débats, fin des opin­ions dif­férentes, on ne par­le plus qu’entre nous. C’est comme à l’armée : Tous en rang et je ne veux voir qu’une seule tête, les têtes qui dépassent seront coupées. Il s’agit bien d’une nou­velle propo­si­tion lib­er­ti­cide allant dans le même sens que les dik­tats de Brux­elles avec son Dig­i­tal Ser­vices Act sur la régu­la­tion (com­prenez cen­sure) des réseaux soci­aux qui sera décliné pays par pays.

Voir aus­si : Dig­i­tal Ser­vices Act : l’UE veut impos­er ses normes et sa vision du monde à sens unique

Eva Morel de Quo­ta Cli­mat le con­firme naïve­ment dans Check News de Libéra­tion « Notre for­mu­la­tion est donc suff­isam­ment pré­cise pour don­ner la pos­si­bil­ité à l’Arcom de l’interpréter de manière à per­me­t­tre un dia­logue avec le média con­cerné, et des sanc­tions, si elle le juge néces­saire, au vu de ses prérog­a­tives ». Le pro­jet donne claire­ment de nou­veaux pou­voirs à l’autorité de régu­la­tion pour faire taire les opin­ions et les infor­ma­tions con­sid­érées comme dis­si­dentes. Rap­pelons que l’Arcom peut infliger des sanc­tions pécu­ni­aires (C8 a été con­damné à 3M€ d’amendes pour de pré­ten­dus pro­pos homo­phobes de Cyril Hanouna) et même exiger le retrait de textes ou d’émissions. Comme le souligne Math­ieu Bock-Côté sur CNews « C’est une propo­si­tion de loi autori­taire, pour ne pas dire total­i­taire. Un régime à idéolo­gie offi­cielle est un régime idéocratique.»

La loi Gayssot associée au climat

La sin­istre loi de 1990 du député com­mu­niste Jean-Claude Gayssot (appuyé par Lau­rent Fabius alors pre­mier min­istre) com­plète, en détru­isant son esprit, la loi sur la lib­erté de la presse de 1881 en posant en son arti­cle pre­mier que « Toute dis­crim­i­na­tion fondée sur l’appartenance ou la non-appar­te­nance à une eth­nie, une nation, une race ou une reli­gion est inter­dite. » Les con­trevenants sont pas­si­bles des peines d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seule­ment. Elle crée le délit de néga­tion­nisme. Pour la pre­mière fois l’histoire n’est plus écrite par les his­to­riens mais par les politiques.

Bis repeti­ta placet : le député PS de la Haute-Vienne Stéphane Delautrette, un des por­teurs de l’initiative, veut sans doute pass­er à la postérité comme le député com­mu­niste en por­tant cette future propo­si­tion de loi. Comme pour l’histoire, la sci­ence ne sera plus écrite par les sci­en­tifiques mais par les poli­tiques. Il n’est pas cer­tain que la propo­si­tion de loi soit déposée ou qu’elle aille jusqu’au bout, mais les inten­tions sont là : comme pour les ques­tions autour des dis­crim­i­na­tions ou plus récem­ment du Covid, n’entendre qu’une seule voix autorisée et en par­al­lèle sur­veiller, sur­veiller et punir. Joli métier.