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Présidence de l’Union européenne par la Hongrie : catastrophe, les « illibéraux » sont libérés

11 juillet 2024

Temps de lecture : 9 minutes
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Présidence de l’Union européenne par la Hongrie : catastrophe, les « illibéraux » sont libérés

Temps de lecture : 9 minutes

Débutée le premier juillet 2024 pour une durée de six mois, la présidence hongroise du Conseil de l’Union européenne fait parler de toutes parts pour ses prises de risque et ses décisions, comme ses velléités, empreintes d’audace. À cette occasion, Son Excellence M. Georges de Habsbourg-Lorraine, Ambassadeur de Hongrie en France, a donné une audition au Sénat au sujet des priorités qui seront observées. Alors que cette entrée fracassante qui intervient peu après les vingt ans de la Hongrie en tant que membre de l’UE secoue les médias, nous faisons le point sur la Hongrie dans l’Union européenne.

Courrier international, la Hongrie est « mesquine »

Dans un arti­cle traduit pour Cour­ri­er Inter­na­tion­al, le jour­nal hon­grois Mag­yar Hang se mon­tre très cri­tique vis-à-vis du rôle et du jeu de la Hon­grie au sein de l’UE :

« L’attitude imprévis­i­ble des Hon­grois, leurs manœu­vres mesquines et leur aver­sion pour les objec­tifs européens com­muns per­turbe (sic) la marche déjà grinçante de la machine continentale. »

Tan­dis que « le gou­verne­ment hon­grois, qui soute­nait jusqu’à présent la loi de restau­ra­tion de la nature adop­tée par le Par­lement européen, s’est brusque­ment placé du côté des opposants », « une chose est sûre : nous nous sommes à nou­veau mis en tra­vers de l’ambition com­mune au nom d’intérêts non avouables. » déclare András Lányi, écrivain et philosophe hon­grois dans les lignes de l’hebdomadaire. « Jusqu’à quand la Hon­grie fera-t-elle bande à part ? »

France Info critique

D’emblée, les médias remar­quent un rap­port ambigu entre la Hon­grie, « très éloignée des valeurs européennes » pour Fran­ce­in­fo et l’Union européenne. Sans aucun doute, Le Figaro note un « malaise hon­grois envers l’UE » alors que « le 20e anniver­saire de l’entrée de la Hon­grie dans l’Union européenne qui avait lieu cette année 2024 est passé totale­ment inaperçu au pays de Vik­tor Orbán. »

Néan­moins, pour le juriste Endre Juhász, c’est bien le prési­dent hon­grois qui a été l’un des prin­ci­paux appuis : « Orbán a été un moteur de l’entrée de la Hon­grie dans l’Union ». Le chef de la mis­sion diplo­ma­tique de la République de Hon­grie auprès de l’Union européenne à Brux­elles durant les négo­ci­a­tions d’entrée con­sid­ère aujour­d’hui qu’au-delà des « choix dif­fi­ciles » qui ont dû être faits, « le bilan est … glob­ale­ment très posi­tif pour le pays » dans une inter­view accordée au Grand Con­ti­nent.

Make Europe great again !

La Hon­grie a récem­ment présen­té son pro­jet pour l’Union européenne lors de sa prési­dence tour­nante, porté par un slo­gan choc : « Make Europe great again », c’est-à-dire « ren­dre l’Europe grande à nou­veau », ce qui n’est pas sans rap­pel­er le célèbre slo­gan de la cam­pagne de Don­ald Trump aux élec­tions prési­den­tielles de 2016 « Make Amer­i­ca great again ». « Un clin d’œil entre pop­ulistes » pour Ouest France, qui rap­pelle que l’ex-président améri­cain « n’avait pas tari d’éloges à l’époque pour le Hon­grois : “il n’y a per­son­ne qui soit meilleur, plus intel­li­gent ou qui dirige mieux que Vik­tor Orbán. Il est fan­tas­tique.” »

Mal­gré tout, le jour­nal nous apprend que « le min­istre hon­grois des Affaires européennes, Janos Boka, a fait sem­blant de ne pas com­pren­dre les ques­tions des jour­nal­istes sur le sujet. “À ma con­nais­sance, Don­ald Trump n’a jamais voulu ren­dre l’Europe forte”, a‑t-il plaisanté. »

Voir aus­si : Hon­grie : un média anti-Orbán financé par le groupe des social­istes au Par­lement européen

Lors d’une con­férence de presse, la prési­dence hon­groise a déclaré que le Rubik’s Cube incar­ne « l’essence du génie hon­grois » et que son slo­gan reflète « une prési­dence active ». Le Huff­Post con­sid­ère qu’en tant que « emblème nation­al, du fait de sa créa­tion en 1974 par le hon­grois Ernö Rubik, le célèbre Rubik’s cube » se fait surtout « sym­bole du casse-tête hon­grois ». Maxime Birken, jour­nal­iste au Huff­Post estime que « la Hon­grie de Vik­tor Orbán a tout d’un casse-tête pour ses voisins européens, rarement sur la même longueur d’onde que cet allié de Moscou. »

Le pays s’est expliqué sur ce choix pro­fondé­ment lié à son his­toire. « Selon l’ambassadeur de Hon­grie en France, le choix du puz­zle vieux de 50 ans “illus­tre la com­plex­ité des ques­tions européennes et l’ingéniosité néces­saire pour les résoudre”. Et avec ses 27 cubes sym­bol­isant les 27 États mem­bres de l’UE, le cube s’inscrit dans “l’optique” de la prési­dence hon­groise. Il “incar­ne l’esprit d’innovation et de réso­lu­tion des prob­lèmes”. »

Préserver l’agriculture européenne

Le gou­verne­ment de Vik­tor Orbán a déjà annon­cé met­tre l’accent sur les agricul­teurs. En effet, János Bóka, min­istre hon­grois des Affaires européennes a déclaré que la Hon­grie prof­it­erait de sa posi­tion de médi­a­teur de l’Union européenne pour lancer un nou­v­el accord agri­cole com­péti­tif, « cen­tré sur les agricul­teurs ». À l’occasion de sa prési­dence, la Hon­grie con­sid­érée comme un « avant-poste pour Moscou » par Le Huff­Post tient égale­ment à main­tenir sa posi­tion économique vis-à-vis des fonds envoyés à l’Ukraine, dont elle ne fera pas une pri­or­ité. Depuis mai de l’an­née dernière, Budapest entrave le déblocage de 6,6 mil­liards d’eu­ros d’aide mil­i­taire de l’UE des­tinés à l’Ukraine. En tant que mem­bre de l’OTAN, le pays avait déjà obtenu une exonéra­tion de par­tic­i­pa­tion aux aides mil­i­taires envoyées à l’Ukraine.

Au-delà de ces volon­tés, Philippe Éti­enne, ancien ambas­sadeur de France en Alle­magne et aux États-Unis ne pense pas que la prési­dence hon­groise exercera une influ­ence sig­ni­fica­tive vis-à-vis des rela­tions de l’Union européenne avec l’Ukraine, comme il l’affirme dans un entre­tien pour France 24. « La Hon­grie a claire­ment cher­ché à s’op­pos­er ou à ralen­tir des déci­sions européennes sur le sou­tien à l’Ukraine mais n’a jamais réus­si. Et depuis 2012 et le traité de Lis­bonne, le pays qui tient la prési­dence tour­nante du Con­seil de l’U­nion européenne ne pré­side aucune autre insti­tu­tion, ce qui lim­ite son rôle dans le domaine de la poli­tique étrangère » La Hon­grie prévoit égale­ment de met­tre sur la table un impor­tant accord européen sur la com­péti­tiv­ité qui « sera une grande réus­site de la prési­dence hon­groise » selon le média économique hon­grois Economx.

Pour La Tri­bune, le con­texte n’est pas favor­able à l’apaisement des ten­sions, bien au con­traire : « Après la Bel­gique, la Hon­grie prend les manettes dans un con­texte par­ti­c­ulière­ment houleux. Les dernières élec­tions européennes ont don­né une large place aux par­tis nation­al­istes et con­ser­va­teurs. Une con­fig­u­ra­tion qui devrait pouss­er les insti­tu­tions européennes au bras de fer avec les gou­verne­ments euroscep­tiques. » Néan­moins, le pays s’est engagé à jouer son rôle avec pro­bité, comme le relate un autre arti­cle du jour­nal en ligne : « Le gou­verne­ment Orbán s’est dit prêt à assumer “les oblig­a­tions et respon­s­abil­ités” de sa mis­sion qui court jusqu’en décem­bre. “Nous agirons en tant que médi­a­teur impar­tial”, a affir­mé le min­istre des Affaires européennes Janos Boka. »

Le Monde contre la paix en Ukraine

Qu’à cela ne tienne, en une seule semaine de prési­dence, les pris­es de posi­tion hon­grois­es sont déjà par­ti­c­ulière­ment cri­tiquées à Brux­elles. Après une vis­ite sur­prise dans un obec­tif de paci­fi­ca­tion de Vik­tor Orbán à Moscou perçue « un geste “irre­spon­s­able et déloy­al” », « qui a provo­qué un tol­lé à Brux­elles » selon Le Monde, le prési­dent hon­grois s’est ren­du au som­met des États tur­ciques. Cette organ­i­sa­tion provoque quelques défi­ances, et « L’Union européenne rejette les ten­ta­tives de l’Organisation des États tur­ciques de légitimer l’entité séces­sion­niste chypri­ote turque, la pré­ten­due “République turque de Chypre-Nord”, non recon­nue au niveau inter­na­tion­al » a déclaré Josep Bor­rell, respon­s­able de la diplo­matie de l’UE.

Le Monde rap­pelle que « l’Organisation des États tur­ciques est une organ­i­sa­tion inter­na­tionale regroupant les États de langues tur­ciques, fondée en tant que Con­seil tur­cique en 2009 par l’Azerbaïdjan, le Kaza­khstan, le Kirghizis­tan et la Turquie. La Hon­grie en est dev­enue un État obser­va­teur en 2018. » Ces actions, « une gifle pour l’Union européenne » d’après l’Opinion, qui vont dans le sens de la stratégie hon­groise ont mené La Croix à qual­i­fi­er le dirigeant hon­grois de « un fli­busti­er à la tête du Con­seil de l’Union européenne ».

Arte et L’Humanité sur la même longueur d’ondes

Lorsque l’on se penche sur la presse, les médias français ont ten­dance à se mon­tr­er par­ti­c­ulière­ment acerbes. Alors qu’Arte par­le d’un pays où la « démoc­ra­tie vac­ille », L’Humanité estime que « la société mag­yare a testé l’extrême droite… et per­du ses lib­ertés ». Pour le péri­odique com­mu­niste, Vik­tor Orban « a démoli les insti­tu­tions démoc­ra­tiques, proclamé que la Hon­grie est un “pays chré­tien”, alors que 40 % des per­son­nes y sont agnos­tiques, procédé à un redé­coupage élec­toral, et pris le con­trôle des médias, publics comme privés, via des mil­liar­daires qui pos­sé­daient plus de 400 titres ».

Libéra­tion conçoit cette prési­dence comme tournée vers un objec­tif : « troller l’Union européenne et récolter les béné­fices poli­tiques de cer­tains con­flits » et Le Figaro recon­naît que « la Hon­grie n’est pas le meilleur élève de l’UE » mais est prête « à “occu­per” Brux­elles pour “chang­er” l’Union européenne ». Fran­ce­in­fo relève trois points de ten­sion majeurs entre Budapest et Brux­elles pour la prési­dence à venir : « le respect de l’État de droit en Hon­grie », « l’aide à l’Ukraine et les sanc­tions con­tre la Russie » et « la ges­tion de l’im­mi­gra­tion et le respect du droit d’asile ».

La Hongrie interdite de dîner

Dans un com­mu­niqué, « le chef de la diplo­matie européenne Josep Bor­rell a rap­pelé same­di à Vik­tor Orban, présent au som­met de l’Or­gan­i­sa­tion des États tur­ciques, qu’il représen­tait la Hon­grie et pas l’U­nion européenne » a relevé La Tri­bune. Sur X, le directeur poli­tique de Vik­tor Orban a réa­gi avec ironie :

« Sommes-nous autorisés à dîn­er ou avons-nous égale­ment besoin d’un man­dat du Con­seil européen pour cela ? ». « Dérives anti­dé­moc­ra­tiques et liens avec le Krem­lin mal­gré l’of­fen­sive russe en Ukraine : la prési­dence hon­groise sus­cite le malaise au sein du Par­lement européen et chez plusieurs États mem­bres, au moment où la France inquiète aus­si, avec une extrême droite aux portes du pou­voir » a con­clu La Tri­bune, dont la prox­im­ité avec La France Insoumise avait été détail­lée par l’OJIM.

Finale­ment, l’acharnement de nom­bre de médias sur la Hon­grie et Vik­tor Orbán n’est pas une sur­prise ; l’Observatoire du Jour­nal­isme avait déjà dénon­cé une « orbanopho­bie » du Monde qui « a habitué ses lecteurs à des laïus pous­sifs dépeignant un Vik­tor Orbán cor­rompu, autori­taire, xéno­phobe et poutinophile » ain­si que la « pro­pa­gande anti-Orbán » d’Arte : « la chaîne fran­co-alle­mande Arte n’aura pas tardé à pro­duire un nou­veau doc­u­men­taire à charge (« Hon­grie : le cas Orbán »). … Retour sur dix min­utes d’un Orbán-bash­ing aus­si sen­sa­tion­nel qu’éculé et mal informé. »

Voir aus­si : Quand Vik­tor Orbán rem­balle une jour­nal­iste d’Euronews

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