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L’Instant M de Sonia Devillers sur France Inter. Épisode Brexit

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7 août 2019

Temps de lecture : 5 minutes
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L’Instant M de Sonia Devillers sur France Inter. Épisode Brexit

Temps de lecture : 5 minutes

Pre­mière dif­fu­sion le 21/01/2019

L’Instant M est une émission diffusée chaque matin de la semaine sur France Inter et présentée par Sonia Devillers. « 40 minutes d’actu médias » où tout est dans la façon de traiter les sujets. Après le premier épisode sur le conspirationnisme, notre épisode 2, décryptage de l’émission du 18 janvier.

Le 18 jan­vi­er 2019, L’Instant M s’intitule « Brex­it : com­ment les médias bri­tan­niques pren­nent par­ti ». Un titre qui laisse enten­dre la venue d’une émis­sion neu­tre, un panorama.

Au commencement était le Sun

Sonia Dev­illers com­mence l’émission en évo­quant le cas du Sun. Il s’agit de s’interroger sur les analy­ses des médias bri­tan­niques, après le rejet du Brex­it par la Cham­bre des Com­munes, et le même rejet de la motion de cen­sure à l’encontre de There­sa May. Choisir le Sun comme point de départ n’est pas anodin : « There­sa May en dodo, oui en dodo, l’oiseau dis­paru, à la Une du Sun. Le tabloïd bri­tan­nique pilonne la pre­mière min­istre au lende­main de son échec cuisant au Par­lement ».

La jour­nal­iste ne fait pas dans la den­telle séman­tique, osant un pilon­ner à l’égard de Madame May qui pour­rait prêter à con­fu­sion. C’est pour la bonne cause : « Le Sun qui avait fait cam­pagne pour le brex­it avec beau­coup d’agressivité, avec ses jeux de mots inou­bli­ables pour le Live (jeu de mots en anglais entre live vivre et leave quit­ter, note de la rédac­tion), verbe qui sig­ni­fie quit­ter en anglais. Pro­brex­it ou europhiles, jour­naux, radios, télés, qui prône quoi ? ». 

Puis vient le journaliste expert à l’accent so british

Pas de sur­prise, c’est le jour­nal­iste européiste anglais, devenu Français, sup­posé­ment « jour­nal­iste anglais préféré des Français » (on se demande un peu quel français a été inter­rogé à ce sujet) qui s’y colle. Le Huff­post le présente ain­si : « qui fait des émis­sions de radio et de télévi­sion sur l’Europe depuis 30 ans », sans s’apercevoir de ce que cela sig­ni­fie en creux : tou­jours le même, plus pré­cisé­ment tou­jours le même européiste brux­el­lois, depuis un tiers de siè­cle, partout, de France 3 à France Inter en pas­sant par Fran­ce­in­fo, Arte, Euronew, LCP ‚France Musique, Europe 1, RFI ou TV5 Monde, le tout don­nant de hauts gages d’indépendance sans aucun doute. C’est ain­si que sur TV 5 Monde, Alex Tay­lor, peu après le vote du brex­it, se déclarait « en deuil à cause du brex­it », et même « j’ai honte de mon pays, si c’est mon pays qui a don­né le top départ de cette for­mi­da­ble chose qui s’appelle l’Union Européenne ». Tay­lor était invité en tant que jour­nal­iste, afin de com­menter l’actualité.

Mal­gré ce genre de choix récur­rents, d’aucuns con­tin­u­ent pour­tant à trou­ver illégitime la cri­tique des médias, en tant que sys­tème, et des indi­vidus jour­nal­istes for­matés. Sur Fran­ce­in­fo, en 2017, Tay­lor évo­quait un « brex­i­tan­ic qui pour­suit son chemin vers l’iceberg », regret­tant qu’il n’y ait « pas un Macron qui incar­ne l’espoir en Angleterre ». Un homme du monde ver­sion Brux­elles. Présen­ta­tion de Sonia Dev­illers : « Homme qui a entamé sa démarche de nat­u­ral­i­sa­tion française à l’instant même où le brex­it a été voté ». Comme il ne faut pas se gên­er : « Je con­seille à tous nos audi­teurs de s’abonner à votre compte twit­ter, Alex, car c’est devenu une source très doc­u­men­tée sur le sujet ». On s’attend à une présen­ta­tion du jour­nal­iste. On attend tou­jours, il n’y a pas de con­cep­tion con­tra­dic­toire en face des deux jour­nal­istes dont l’un est cen­sé être l’invité mais où les deux pro­tag­o­nistes sont d’accord entre eux, petit monde de l’entre soi.

Que dit l’émission finalement ?

Retour sur la Une du Sun : « il y a une tra­di­tion de Unes choc ». En Grande-Bre­tagne, dit Tay­lor, il y a plus de titres, ils doivent se bat­tre et donc attir­er des lecteurs. D’où les Unes agres­sives. Sachant que, d’après le jour­nal­iste devenu Français, le Sun vend plus que toute la presse quo­ti­di­enne française réu­nie. Sonia Dev­illers pré­cis que le Sun appar­tient à Rupert Mur­doch, « ce mil­liar­daire aus­tralien, devenu améri­cain, ultra­l­ibéral, répub­li­cain, qui n’a pas atten­du pour être antieu­ropéen ». Pré­ci­sion : Mur­doch pos­sède aus­si le Times, Skynews… Un Times plutôt par­ti­san du main­tien en Europe du Royaume-Uni.

La BBC, qui n’appartient pas à Mur­doch, n’est pas en reste : d’après Tay­lor, « ses trois prin­ci­pales vedettes sont pour le brex­it ». Les médias seraient claire­ment acteur du brex­it : « Les jour­nal­istes ne sont pas objec­tifs », sur la BBC, d’après Tay­lor, encore moins que le Skynews de Mur­doch. Et même, tou­jours Tay­lor : « La BBC a joué un rôle opaque dans la cam­pagne du brex­it ». On reste inter­loqué tant la BBC a mil­ité glob­ale­ment pour le main­tien dans l’U.E.

Sonia Dev­illers demande ensuite à son invité de « par­ler de la presse de gauche ». Tay­lor s’exclame : « Quelle presse de gauche ! » en riant, ain­si que le fait son inter­locutrice, sous-enten­dant qu’il n’y a pas de presse de gauche en Angleterre, plus pré­cisé­ment qu’il n’y aurait pas de presse assez à gauche pour être « de gauche », de leur point de vue… de gauche juste­ment. . « Le prob­lème pour le brex­it, c’est que la vaste majorité des titres était pour le brex­it depuis des années » avec des « Unes haineuses ».Oubliés les titres comme The Guardian, The Inde­pen­dant hos­tiles au Brex­it. Oublié le Dai­ly Mir­ror lié au par­ti tra­vail­liste, claire­ment de gauche mais tirail­lé entre ses sym­pa­thies pro E.U. et son élec­toral pop­u­laire. Oublié encore The Econ­o­mist le pre­mier heb­do­madaire du pays, un mag­a­zine libéral lib­er­taire fana­tique­ment par­ti­san du main­tien. Trop d’oublis pour une émis­sion qui pré­tend con­naître les médias.

Donc : un seul invité, pro­fondé­ment antibrex­it au point d’avoir changé de nation­al­ité, un seul point de vue, pro Brux­elles et une ambiance générale d’une pré­ten­tion assour­dis­sante, cri­ti­quant tout ce qui peut sem­bler pop­uliste. L’Instant M, une émis­sion de cri­tique et d’analyse des médias ? On attend tou­jours le plu­ral­isme réclamé par cer­tains gilets jaunes.