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Les correspondants de presse en Europe centrale : Hongrie, Tchéquie, Slovaquie (II)

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20 mai 2022

Temps de lecture : 7 minutes
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Les correspondants de presse en Europe centrale : Hongrie, Tchéquie, Slovaquie (II)

Temps de lecture : 7 minutes

Le profil du correspondant local dans un pays donné influe grandement sur la qualité et l’orientation des articles publiés sur le même pays dans les médias de grand chemin. Nous publions la suite d’une série sur les pays d’Europe Centrale avec deux médias en ligne, d’orientation opposée, mais traitant des mêmes pays. Deuxième partie.

Voir aus­si : Les cor­re­spon­dants de presse en Europe cen­trale : Hon­grie, Tchéquie, Slo­vaquie, pre­mière partie

Les correspondants de presse de la sphère du Courrier d’Europe centrale

Le Cour­ri­er d’Europe cen­trale est un média en ligne ori­en­té à gauche et trai­tant de la Hon­grie, de la Pologne, de la Tchéquie, de la Slo­vaquie, de la Biélorussie, de l’Ukraine et de la Moldavie.

Ce site est cri­tique de la poli­tique du gou­verne­ment de Vik­tor Orbán, et reprend nom­bre de thèmes favoris de la presse d’opposition hon­groise, des par­tis hon­grois opposés au gou­verne­ment et des insti­tu­tions européennes (vio­la­tion de l’État de droit, atteinte à la lib­erté de la presse, droits LGBT, xéno­pho­bie, cor­rup­tion, etc.)

Cepen­dant, l’ancrage à gauche du Cour­ri­er d’Europe cen­trale, qui se matéri­alise par exem­ple par un parte­nar­i­at avec Mérce, un média hon­grois issu de la gauche anti-cap­i­tal­iste, fait que sa rédac­tion sem­ble peu goûter l’européisme brux­el­lois de l’opposition hon­groise et, sans doute encore moins, la per­son­ne de Péter Már­ki-Zay, can­di­dat mal­heureux de l’opposition unie se qual­i­fi­ant de conservateur.

Dans l’ensemble, le suc­cès du Cour­ri­er d’Europe cen­trale est dû à la répul­sion que sus­ci­tent à l’Ouest le gou­verne­ment et le nom de Vik­tor Orbán. L’anti-orbanisme est un pro­duit en vogue dans les rédac­tions des médias d’Europe de l’Ouest, une vague sur laque­lle surfe assuré­ment Le Cour­ri­er d’Europe cen­trale, sans qu’il ne soit toute­fois pos­si­ble de reprocher à sa rédac­tion — dont cer­tains mem­bres vivent en Hon­grie depuis longtemps et maîtrisent la langue hon­groise — d’être dupe.

Diplômé de l’Institut français de géopoli­tique (IFG, Paris 8), co-fon­da­teur de Hulala devenu Le Cour­ri­er d’Europe cen­trale, Corentin Léo­tard, est cor­re­spon­dant à Budapest pour Ouest-France, La Libre Bel­gique, La Tri­bune de Genève et Medi­a­part.

Le jour des élec­tions du 3 avril, Corentin Léo­tard signe un arti­cle dans Ouest France intro­duit de la manière suivante :

« Six par­tis d’opposition se sont alliés pour ten­ter de faire tomber le Pre­mier min­istre nation­al pop­uliste Vik­tor Orbán, aux élec­tions lég­isla­tives, ce dimanche 3 avril. Cette coali­tion hétéro­clite, qui va de la gauche au Job­bik, une for­ma­tion d’extrême droite aujourd’hui recen­trée, est d’accord sur un point : rétablir l’état de droit et la démoc­ra­tie, mis à mal par douze années au pou­voir du puis­sant Fidesz d’Orbán. »

Hélène Bien­venu col­la­bore au Cour­ri­er d’Europe cen­trale et a été cor­re­spon­dante à Budapest pour de nom­breux médias (dont La Croix et le New York Times) de 2011 à 2018. Elle est aujourd’hui basée en Pologne où elle cor­re­spond depuis Varso­vie pour Le Figaro et Medi­a­part, entre entres.

Depuis le début de la guerre entre l’Ukraine et la Russie, Le Cour­ri­er d’Europe cen­trale pub­lie régulière­ment des arti­cles avec le sou­tien de Hein­rich Böll Stiftung (Bureau Paris). Hélène Bien­venu a signé celui en date du 9 mars et inti­t­ulé « Dia­po­ra­ma : Prze­myśl, porte de sec­ours pour ceux qui fuient l’Ukraine ». La fon­da­tion Hein­rich Böll est une fon­da­tion poli­tique alle­mande affil­iée aux Verts alle­mands (Bünd­nis 90/Die Grü­nen) dis­posant d’une trentaine de bureaux dans le monde, dont le finance­ment est assuré prin­ci­pale­ment par le gou­verne­ment allemand.

Fait notable et rare dans le méti­er de cor­re­spon­dant de presse français en Europe cen­trale : Hélène Bien­venu est poly­glotte et par­le anglais, polon­ais, hon­grois, espag­nol et portugais.

Thomas Laf­fitte est un jour­nal­iste fran­co-hon­grois basé à Budapest après avoir tra­vail­lé à Kiev. Il est cor­re­spon­dant à Budapest pour Le Figaro, pigiste pour Ouest-France et con­tribue aus­si au Monde diplo­ma­tique et à Medi­a­part. Le lende­main des élec­tions de 2022, il rédi­ge un arti­cle pour Le Figaro expli­quant le tri­om­phe de Vik­tor Orbán et son « isole­ment » du reste de l’Europe.

Joël Le Pavous est proche de l’équipe du Cour­ri­er d’Europe cen­trale et cor­re­spon­dant à Budapest pour L’Express, Le Soir, Le Temps, Slate et vigie pour le Cour­ri­er inter­na­tion­al. Auteur du Dic­tio­n­naire inso­lite de la Hon­grie aux édi­tions Cos­mopo­lites, Joël Le Pavous par­le et lit le hon­grois. Comme Thomas Laf­fitte dans Le Figaro, Joël Le Pavous évoque dans L’Express le 14 avril l’hypothèse de l’« accen­tu­a­tion de l’isolement inter­na­tion­al » du dirigeant hon­grois suite à sa réélec­tion du 3 avril et la pour­suite du « com­bat [de Vik­tor Orbán] con­tre l’Union européenne. »

L’hebdomadaire L’Express s’est illus­tré par un arti­cle en date du 4 avril inti­t­ulé « La soli­tude de Vik­tor Orbán, le Pou­tine de la pusz­ta [plaine hon­groise, ndlr] » signé Mar­i­on Van Renterghem, grand reporter, lau­réate du prix Albert-Lon­dres et biographe d’Angela Merkel. Un arti­cle qui qual­i­fie Vik­tor Orbán de « plus fier apôtre en Europe » de Vladimir Pou­tine. Une ligne asso­ciant Vik­tor Orbán à Vladimir Pou­tine adop­tée à plusieurs repris­es par Joël Le Pavous, notam­ment le 27 mars dans L’Express en expli­quant que « le Pre­mier min­istre [hon­grois] a imposé un régime autori­taire inspiré du maître du Kremlin. »

Le Visegrád Post et la presse alternative française

Fondé en 2016 par le jour­nal­iste fran­co-hon­grois Fer­enc Almássy, le Viseg­rád Post est un site d’information et d’analyse parte­naire de TV Lib­ertés parais­sant en français, en alle­mand et en anglais. La ligne du site est con­ser­va­trice et chré­ti­enne et se pro­pose d’adopter le point de vue cen­tre-européen pour expli­quer et analyser l’actualité poli­tique et inter­na­tionale des pays du groupe de Visegrád.

Le Viseg­rád Post a béné­fi­cié en 2019–2020 d’une aide au développe­ment de 4 mil­lions de forints de forints (env­i­ron 10 000 euros) de la part du Fonds cul­turel hon­grois (NKA) et a été parte­naire du quo­ti­di­en pro-gou­verne­men­tal hon­grois Mag­yar Nemzet de jan­vi­er 2021 à avril 2022. Fonc­tion­nant sans pub­lic­ité et sans abon­nement, le Viseg­rád Post est financé par ses donateurs.

Le Viseg­rád Post se dif­féren­cie des autres médias français et fran­coph­o­nes trai­tant de l’Europe cen­trale en ce qu’il ne par­ticipe pas au Hun­gary/Poland-bash­ing en cours en Europe de l’Ouest. Ce site béné­fice de l’attrait des milieux con­ser­va­teurs et nationaux occi­den­taux pour le groupe de Viseg­rád et par­ti­c­ulière­ment pour la poli­tique menée par Vik­tor Orbán en Hon­grie, notam­ment pour ses pans qui con­cer­nant la poli­tique migra­toire et l’agenda LBGT des insti­tu­tions européennes.

Bien que relayant et expli­quant les posi­tions des gou­verne­ments polon­ais et hon­grois — et le point de vue des autres pays du groupe de Viseg­rád — sur les ques­tions européennes, le Viseg­rád Post pub­lie des arti­cles cri­tiques de la posi­tion des gou­verne­ments cen­tre-européens. Cette approche cri­tique s’est notam­ment fait sen­tir sur la ques­tion des mesures san­i­taires adop­tées par ces gouvernements.

La vague de l’Orbán-mania sur laque­lle surfe le Viseg­rád Post ne rend pas pour autant les mem­bres de sa rédac­tion dupes comme en atteste ces con­tenus cri­tiques. Cer­tains mem­bres de sa rédac­tion vivent en Hon­grie depuis de nom­breuses et maîtrisent par­faite­ment la langue hon­groise. Leur con­nais­sance du ter­rain per­met de mod­este­ment con­tre­bal­ancer la masse d’anti-orbanisme pri­maire relayé par la presse occi­den­tale mainstream.

Le tra­vail de ter­rain menée depuis 2016 par le Viseg­rád Post per­met notam­ment de fournir en infor­ma­tion une série de médias souhaiter traiter les cas hon­grois et polon­ais sans a pri­ori idéologique ou poli­tique, autrement dit essen­tielle­ment les médias faisant par­tie de la « réin­fos­phère » et la presse alter­na­tive française. Une démarche per­me­t­tant certes de sat­is­faire un lec­torat lassé des clichés sur l’Europe cen­trale, mais un tra­vail ne faisant tou­jours pas le poids face à la quan­tité d’informations pro­duites par la presse française mainstream.

Fin de la deux­ième par­tie. À suiv­re : les cor­re­spon­dants de la presse française en Pologne.