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Hongrie : la délégation CONT ose tout, c’est à ça qu’on la reconnaît

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24 mai 2023

Temps de lecture : 6 minutes
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Hongrie : la délégation CONT ose tout, c’est à ça qu’on la reconnaît

Temps de lecture : 6 minutes

Des envoyés de la Commission de contrôle budgétaire du Parlement européen (CONT) étaient à Budapest à la mi-mai pour une tournée d’inspection. Sous couvert de fausse objectivité et peinant à dissimuler la nature politique de leur démarche, certains membres de cette commission se sont adonnés à un exercice bien connu : l’inquisition orbanophobe.

« Une police secrète » hongroise, rien que ça !

Si cet exer­ci­ce d’inquisition à l’encontre de la Hon­grie ne date pas d’hier, cette délé­ga­tion a toute­fois innové en la matière. La palme revient à Moni­ka Hohlmeier, prési­dente de la CONT et mem­bre de l’Union chré­ti­enne-sociale (CSU) bavaroise siégeant au Par­ti pop­u­laire européen (PPE), un groupe qui comp­tait les euro-députés Fidesz par le passé.

À l’occasion de la con­férence de presse des­tinée à faire le point sur la vis­ite des députés-enquê­teurs, elle a déclaré que le gou­verne­ment hon­grois avait pris dif­férentes mesures d’intimidation comme par exem­ple des « vis­ites de la police secrète dans les locaux des entre­pris­es ». Cela fait vrai­ment froid dans le dos… Mais pour agré­menter ses pro­pos de preuves, c’est la déban­dade. Selon elle, des entre­pris­es seraient dans la cible du gou­verne­ment, lequel entendrait nation­alis­er ces dernières. Aucun exem­ple de cité.

Que serait une croisade bruxelloise sans Daniel Freund ?

Autre émi­nent mem­bre de cette com­mis­sion : l’inénarrable Daniel Fre­und, député européen vert et inclusif, en lutte quo­ti­di­enne sur Twit­ter con­tre l’affreux dic­ta­teur Orbán. Fre­und, l’ami des dirigeants de l’opposition hon­groise, a sor­ti le grand jeu à Budapest.

Sans sur­prise, il n’a pas man­qué de pro­duire son habituel cou­plet sur l’absence de lib­erté de la presse en Hon­grie. Culot­té, quand on sait que la délé­ga­tion dont il fai­sait par­tie a prof­ité de son séjour à Budapest pour ren­dre vis­ite au rédac­teur en chef de Mag­yar Narancs et à un mem­bre de la rédac­tion de Mag­yar Hang, des heb­do­madaires hon­grois pas­sant leur temps à taper sur Orbán à bras rac­cour­cis, mais aus­si des respon­s­ables d’ONG basées à Budapest, qui, pas plus que les médias « libres et indépen­dants », ne sont tenus en laisse par le pouvoir.

No migration, no money!

La délé­ga­tion CONT était à Budapest pour juger de l’utilisation appro­priée des fonds européens, tout en sachant que des mil­liards d’euros aux­quels a droit la Hon­grie sont encore en sus­pens, offi­cielle­ment en rai­son de ques­tions liées à l’État de droit, une notion dont la teneur poli­tique peut cepen­dant dif­fi­cile­ment être dissimulée.

Lors de son pas­sage à Budapest, Daniel Fre­und a d’ailleurs recon­nu le car­ac­tère poli­tique du mécan­isme de con­di­tion­nal­ité liée à l’État de droit. Inter­rogé par un jour­nal­iste pro-Orbán, Fre­und a con­fir­mé que l’UE avait bien des pro­jets pour la Hon­grie : la forcer à accueil­lir des migrants sur son sol.

Cela n’est donc pas un délire com­plo­tiste selon l’euro-député vert alle­mand : si la Hon­grie con­tin­ue à dire non à l’immigration, cela abouti­ra à la priv­er de fonds européens. L’on cherche tou­jours les bases juridiques qui per­me­t­traient de con­sid­ér­er ces pro­pos comme autre chose qu’une déc­la­ra­tion poli­tique n’ayant stricte­ment rien à avoir avec de quel­con­ques critères liés à l’État de droit.

Parlons corruption

Ren­dons à Daniel Fre­und ce qui est à Daniel Freud. Certes sans faire de zèle, ce dernier s’est exprimé sur le Qatar­gate, le scan­dale de cor­rup­tion touchant des mem­bres du groupe social­iste au Par­lement européen. Mais force est de con­stater que les valis­es de bil­lets du Qatar pas­sion­nent moins les inquisi­teurs de Brux­elles que la Hon­grie. Des jeunes hon­grois pro-gou­verne­ment ont tenu à rap­pel­er ce deux poids deux mesures de la délé­ga­tion CONT à Budapest, en réser­vant un accueil spé­cial aux mem­bres de cette commission.

Une délégation bien entourée

Ne maîtrisant pas le hon­grois, il fal­lait bien que les mem­bres de cette délé­ga­tion aient leur lot de fixeurs sur place. Mais les jour­nal­istes et les représen­tants d’ONG pour le moins orbano-scep­tiques n’auront pas suf­fi à ras­sas­i­er l’appétit de jus­tice et de vérité de la CONT.

Les députés européens hon­grois Katal­in Cseh (Momen­tum — Renew Europe) et Sán­dor Rónai (Coali­tion démoc­ra­tique — Social­istes et Démoc­rates), deux opposants farouch­es à la poli­tique du gou­verne­ment, se sont ajoutés à cette délé­ga­tion, faisant ain­si vol­er en éclats la thèse selon laque­lle cette com­mis­sion tra­vaillerait de manière objec­tive et sans biais politique.

Voir aus­si : Hon­grie : un média anti-Orbán financé par le groupe des social­istes au Par­lement européen

Notons au pas­sage que Rónai siège dans les rangs d’un groupe par­lemen­taire européen dont des mem­bres sont accusés d’avoir reçus de l’argent liq­uide du Qatar, mais aus­si d’un par­ti hon­grois dont le vice-prési­dent Csa­ba Mol­nár, égale­ment député européen SD, a déclaré que son but était que la Hon­grie ne reçoive pas les fonds européens qui lui sont dus. Mol­nár est même allé jusqu’à expli­quer qu’il y voy­ait un devoir patriotique ! 

Le cynisme nordique à l’œuvre

Il était là pour jouer le rôle du sage. Le député européen fin­landais mem­bre du Par­ti de la coali­tion nationale et du groupe PPE, Petri Sar­va­maa, a osé expli­quer que la vis­ite de la com­mis­sion CONT en Hon­grie ne con­cer­nait pas… la Hon­grie.

Il s’agirait selon lui d’une sim­ple for­mal­ité tech­nique néces­saire aux travaux de la com­mis­sion CONT. Rien de poli­tique dans tout cela, les mem­bres de la CONT trait­ent la Hon­grie comme de tous les autres pays européens. Mem­bre depuis onze ans de cette com­mis­sion, Sar­va­maa le jure : son tra­vail est néces­saire et est exer­cé de la même manière dans tous les pays de l’UE, sans dis­crim­na­tion politique.

D’ailleurs, dans un élan de bon­té, Petri Sar­va­maa a tenu à pré­cis­er que les Fin­landais aimaient les Hon­grois ! Et bien sûr que sa venue en Hon­grie n’était pas liée à un quel­conque par­ti poli­tique local. Tout cela dit calme­ment et sans trem­bler, assis à la même table que Katal­in Cseh et Sán­dor Rónai.

La mayonnaise ne prend pas

Hormis une frange rad­i­cal­isée de l’électorat de cen­tre-ville de Budapest, plus per­son­ne en Hon­grie ne prend au sérieux cette obses­sion brux­el­loise de l’État de droit et de la lib­erté de la presse. Le tableau est en réal­ité assez clair : les opposants poli­tiques hon­grois à Orbán se con­fondent avec leurs spon­sors occi­den­taux ; tout n’est que bataille poli­tique, le droit et les ques­tions juridiques n’étant que des pré­textes haute­ment bancales.

Voir aus­si : Hon­grie : un média libéral-lib­er­taire lance une académie avec de l’argent pub­lic US

Cette prox­im­ité entre les opposants locaux et les alliés occi­den­taux est aus­si vraie en matière de médias. En Hon­grie, les médias dits « libres et indépen­dants » sont tous à des degrés divers dépen­dants, y com­pris bien sûr finan­cière­ment, d’officines occi­den­tales. L’Ojim est un des rares médias en langue française à traiter de cette ques­tion, et c’est impor­tant, étant don­né que les con­clu­sions de la com­mis­sion CONT servi­ront prob­a­ble­ment à faire les gros titres des médias de grand chemin dans les prochaines semaines.

Voir aus­si : Un fact-check­er hon­grois en parte­nar­i­at avec la Com­mis­sion européenne et l’AFP, l’ombre de Soros