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Les émeutes en France vues depuis la Hongrie et la Pologne

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4 juillet 2023

Temps de lecture : 6 minutes
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Les émeutes en France vues depuis la Hongrie et la Pologne

Temps de lecture : 6 minutes

En 2017, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán déclarait : « Bien sûr, nous pouvons accueillir les vrais réfugiés : Allemands, Néerlandais, Français, Italiens, […] chrétiens qui auront dû fuir leur pays, ces personnes qui veulent retrouver ici l’Europe qu’elles ont perdue chez elles ». Si, pour des raisons économiques, nous sommes loin d’une inversion des flux migratoires intra-européens, les émeutes récentes en France marquent clairement une rupture psychologique dans l’image de la France à l’étranger. En Hongrie, pays dirigé par un gouvernement opposé à l’immigration illégale, le ton donné dans la presse sur ces événements semble bien plus libre que dans les médias de grand chemin français.

« La France à nouveau en flammes »

Ce ne sont pas les mots d’un média con­ser­va­teur pro-gou­verne­men­tal, mais bien ceux de HVG, un heb­do­madaire et site d’information de cen­tre-gauche anti-gou­verne­men­tal. Dans l’ensemble, les médias anti-Orbán ont d’ailleurs adop­té une pos­ture moins biaisée que leurs équiv­a­lents libéraux-lib­er­taires français, même si, il est vrai, ils n’en ont pas fait leurs gros titres.

Telex, 444 et Nép­sza­va, les sites les plus rad­i­cale­ment pro-UE et pro-immi­gra­tion du paysage médi­a­tique hon­grois se sont mon­trés factuels, évo­quant des trou­bles, des émeutes, des pil­lages, des vio­lences, etc. Sans pour autant insis­ter sur les orig­ines du « petit ange » Naël et celles des émeu­tiers, les médias hon­grois de gauche ont fait un tra­vail d’information tour­nant assez peu le dos au réel en com­para­i­son de ce qu’est capa­ble de pro­duire la presse sub­ven­tion­née française. Le très à gauche 444 est même allé jusqu’à affirmer que ces émeutes met­taient en dan­ger le pou­voir d’Emmanuel Macron.

Lire aus­si : https://www.ojim.fr/telex-hongrie-financement-us/

Une infime minorité woke face à la population hongroise

La presse hon­groise de gauche ne peut raisonnable­ment aller sur un ter­rain con­sis­tant à voir des sup­port­ers anglais là où il n’y en a pas. Tout au plus peut-elle don­ner dans le qual­i­fi­catif « jeune » ou « ado­les­cent » pour con­serv­er sa répu­ta­tion de gar­di­enne du tem­ple de la bien-pensance.

Mais en sit­u­a­tion excep­tion­nelle, les Hon­grois d’opposition ne sont pas plus dupes que les Hon­grois pro-Fidesz. Ils savent quels sont les auteurs des pil­lages et des vio­lences, et ont aus­si des posi­tions fer­mes sur l’immigration extra-européenne. C’est pourquoi l’infime minorité woke budapestoise traî­nant ses guêtres dans les salles de rédac­tion de la presse libérale-lib­er­taire et les théâtres de la cap­i­tale ne peut aller trop loin et doit se con­tenter de rester factuel.

À ce stade, il paraît impos­si­ble de faire avaler aux Hon­grois l’idée d’une immi­gra­tion « chance pour la Hon­grie ». Tout comme il y avait eu un con­sen­sus large sur la crise migra­toire de 2015, il y en a un aujourd’hui sur ce que les syn­di­cats Alliance et Unsa-Police ont appelé des « hordes sauvages ». Dans le même reg­istre, une majorité allant au-delà de la droite (77% des inter­rogés d’un sondage) est con­tre l’idée récente de Brux­elles d’imposer des quo­tas de migrants à la Hongrie.

Une autoroute pour les forces pro-gouvernementales

La sit­u­a­tion actuelle en France pose évidem­ment moins de cas de con­science à la presse pro-Orbán. Cette dernière y voit une oppor­tu­nité de rap­pel­er que tout ce qu’elle assène depuis des années n’est pas un men­songe mais la dure réalité.

Le quo­ti­di­en pro-Orbán Mag­yar Nemzet évoque une sit­u­a­tion proche de la guerre civile, des experts se relaient pour faire un lien direct entre immi­gra­tion et émeutes, le média Mandin­er explique que la France est frac­turée en deux tan­dis que le site Pesti Srá­cok, qui a par le passé fait l’objet de la cen­sure des GAFAM, ne prend aucun gant quand il s’agit de par­ler des orig­ines des émeutiers.

Lire aus­si : À Budapest, les censeurs sont améri­cains et non hongrois

Liberté de ton totale chez les influenceurs pro-gouvernementaux

Aucun gant pris non plus du côté des influ­enceurs con­ser­va­teurs hon­grois. Zoltán Koskovics, en charge des ques­tions géopoli­tiques au Cen­tre pour les droits fon­da­men­taux, le think-thank ayant organ­isé la CPAC Hun­gary, tape à bras rac­cour­cis sur les pro­mo­teurs de l’immigration de masse et autres ado­ra­teurs de l’agenda brux­el­lois. Selon lui, la France brûle et c’est le moment pour les Hon­grois de réaf­firmer leur oppo­si­tion frontale à la poli­tique migra­toire voulue par Bruxelles.

Le directeur de l’École de Jour­nal­isme du Math­ias Corv­i­nus Col­legium partage quant à lui les résul­tats d’un sondage lancé sur sa page Twit­ter, comme un pied de nez aux don­neurs de leçons occidentaux.

L’influenceur et ana­lyste Dániel Deák, lui aus­si plusieurs fois vic­time de la cen­sure des GAFAM, relaie copieuse­ment les images les plus vio­lentes des émeutes en affir­mant claire­ment que c’est de cette immi­gra­tion que les Hon­grois ne veu­lent pas.

Même ambiance en Pologne

En Pologne, le rejet de l’immigration extra-européenne est sim­i­laire à celui que l’on peut con­stater en Hon­grie. Il va au-delà de la droite con­ser­va­trice et touche aus­si les électeurs d’opposition. La poli­tique de quo­tas voulue ouverte­ment par Brux­elles est d’ailleurs une aubaine pour la coali­tion au pou­voir, qui jouera sa sélec­tion à l’automne.

Le gou­verne­ment polon­ais a saisi l’occasion de cristallis­er cette posi­tion sur l’immigration des Polon­ais et a pro­duit un clip com­para­nt la sit­u­a­tion en ter­mes de sécu­rité en France et en Pologne. Cette pub­li­ca­tion a eu son suc­cès et s’est répan­due en dehors de Pologne, les Français opposés à l’immigration n’ayant pas man­qué de la relay­er copieuse­ment sur les réseaux sociaux.

Les pays d’Europe centrale à un moment fatidique ?

Si les médias polon­ais et hon­grois ont réa­gi si forte­ment à la sit­u­a­tion désas­treuse et chao­tique en France, c’est aus­si parce que le sujet migra­toire devient chaque jour plus impor­tant dans ces pays. Pour pal­li­er à un manque de main d’œuvre, ces pays font en effet appel à des tra­vailleurs extra-européens, dans des pro­por­tions de plus en plus importantes.

À ce stade, il s’agit d’une immi­gra­tion de tra­vail et non de peu­ple­ment, même si légale­ment rien ne per­met à Varso­vie et à Budapest de s’opposer au regroupe­ment famil­ial. Ces com­mu­nautés ne posent à l’heure actuelle pas de prob­lèmes majeurs en matière de sécu­rité, mais des ana­lystes émet­tent l’hypothèse d’une sit­u­a­tion qui pour­raient rapi­de­ment dérap­er. En Europe de l’Ouest aus­si, tout avait débuté avec une immi­gra­tion de tra­vail il y a près d’un demi-siècle…