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Affaire Lola : La fabrique du mensonge, un titre mérité par France 5

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16 août 2023

Temps de lecture : 6 minutes
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Affaire Lola : La fabrique du mensonge, un titre mérité par France 5

Temps de lecture : 6 minutes

Pre­mière dif­fu­sion le 5 juin 2023

Le lundi 22 mai, France 5 tenait fièrement son rôle de chaîne de propagande en diffusant un nouveau numéro d’une émission intitulée La fabrique du mensonge. Si l’émission, qui était consacrée à l’affaire Lola, voulait dénoncer les « mensonges » professés par « l’extrême droite » suite à ce drame, on se demande après le visionnage du programme si le titre de celui-ci ne vise pas les méthodes de travail du réalisateur.

Lola, assassinée par une personne sous obligation de quitter le territoire

Rap­pelons les faits. Le ven­dre­di 14 octo­bre 2022 dans l’après-midi, la jeune Lola Davi­et 12 ans  est enlevée, séquestrée, vio­lée, tuée et enfin mutilée post-mortem par une dénom­mée Dah­bia Benkired, SDF d’o­rig­ine algéri­enne sous le coup d’une oblig­a­tion de quit­ter le ter­ri­toire français. La fil­lette sera retrou­vée dans la soirée du 17 octo­bre, le corps recro­quevil­lé dans une mal­lette. Sans sur­prise, ce drame a sus­cité une par­ti­c­ulière émo­tion dans le pays et les médias. Deux fac­teurs l’ex­pliquent aisé­ment : l’âge de la vic­time, une jeune fille de 12 ans fauchée par la folie de sa meur­trière, et la bar­barie du méfait. Une réac­tion, comme nous le disions, sans sur­prise, enfin, pas selon les « jour­nal­istes » de France 5.

Un « simple fait divers »pour Karim Rissouli

Dès les pre­mières min­utes, le ton est don­né. Karim Ris­souli, l’an­i­ma­teur de l’émis­sion, dit avec aplomb que cette affaire « aurait pu, aurait dû rester un sim­ple fait divers ». Un sim­ple fait divers, voilà com­ment est d’emblée qual­i­fiée cette affaire. En soi, cela décrit effec­tive­ment la réal­ité de cette affaire. Un fait divers, par­ti­c­ulière­ment som­bre, mais un fait divers un peut dif­férent quand même.

Le « complotisme » dénoncé, mais pas le crime

Suite à cette brève intro­duc­tion, le doc­u­men­taire démarre. Une homélie de près d’une heure débute alors, dans laque­lle est dépliée une ver­sion de l’af­faire, celle du ser­vice pub­lic. Selon cette ver­sion, c’est la « fachos­phère » qui aurait instru­men­tal­isé l’af­faire Lola et aurait imposé sa médi­ati­sa­tion par une imposante cam­pagne sur les réseaux soci­aux. Ni une ni deux, le doc­u­men­taire en prof­ite pour écorner les « com­plo­tistes » qui croient au grand remplacement.

De nom­breux com­men­taires s’im­posent. Tout d’abord, l’emploi du mot « fachos­phère » n’est pas anodin et est déjà un pre­mier indice du ton du doc­u­men­taire. Ce mot revient sou­vent sur les réseaux soci­aux, sur les comptes d’ex­trême gauche, sou­vent affil­iés à des antifas. C’est une façon de qual­i­fi­er la nébuleuse de sites et de per­son­nal­ités sur les réseaux soci­aux rat­tachés à « l’ex­trême droite ». L’emploi de ce mot mon­tre qui a fait ce doc­u­men­taire, l’im­age qu’il veut ren­voy­er. Mais si ce doc­u­men­taire n’é­tait qu’une his­toire de mot …

Zemmour en accusé

L’ar­gu­ment prin­ci­pal de ce doc­u­men­taire tor­chon­né serait que cette affaire a été l’oc­ca­sion pour des proches de Zem­mour d’in­fuser leurs thèmes dans le débat pub­lic et sur les chaînes de télévi­sion, en reliant ce meurtre à l’im­mi­gra­tion et en inven­tant un con­cept : le fran­co­cide. Suite à ça, un escadron d’in­ter­venants, dont tous ou presque ne sont pas neu­tres – nous y revien­drons – déploie des tré­sors de mora­line afin d’ex­pli­quer que ceux qui ont fait ça sont d’odieux salauds, des vau­tours buti­nant sur le cadavre d’une fillette.

Francocide et féminicide

Le « fran­co­cide », s’il est peut-être cri­ti­quable, ne l’est pas moins que le « fémini­cide ». Selon le doc­u­men­taire, « fran­co­cide » serait l’idée qu’un sys­tème voudrait tuer les Français blancs. Déli­rant, selon nos inter­venants. Mais alors, pourquoi le « fémini­cide » ne l’est-il pas tout autant ? Deux­ième chose : suiv­ons la logique de France 5 et admet­tons qu’il est odieux d’user de ce meurtre afin de cracher sur les immi­grés. Dans cette même logique, est-il nor­mal que la mort par acci­dent d’un homme ayant fait qua­tre séjours en prison (traf­ic de drogue, cam­bri­o­lage, braquage) lors de son inter­pel­la­tion pour des faits d’usage de faux bil­lets et d’alcoolisation sur la voie publique, soit un motif pour provo­quer des émeutes, faire pres­sion sur les médias et les poli­tiques, met­tre le genou à terre et cracher sur la police et les blancs ? Vous l’au­rez com­pris, nous par­lons de l’af­faire Georges Floyd. Nous pour­rions dire à peu près la même chose d’Adama Traoré.

La bonne et la mauvaise récupération

Dans le cas Lola, il n’y a eu aucune émeute, aucune rixe, juste quelques man­i­fes­ta­tions et un débat sur l’ef­fi­cac­ité des pou­voirs publics à expulser les immi­grés clan­des­tins. Sur ce sujet inter­vient le prin­ci­pal intéressé : Éric Dupond-Moret­ti, hélas min­istre de la Jus­tice. Comme d’habi­tude, le min­istre pond quelques phras­es pré­fab­riquées sur les charognes d’ex­trême droite, puis, par­lant des OQTF, se réfugie der­rière cette phrase « Il y a des OQTF que per­son­ne ne peut appli­quer ». Effec­tive­ment une par­tie de ces ordres ne peu­vent, pour divers­es raisons, être appliqués. C’est même le cas de 95 de ces ordres d’expulsion dans la sit­u­a­tion actuelle. Notons enfin que les chaînes pointées du doigt dans le doc­u­men­taire, C8 et Cnews, font par­tie du groupe Bol­loré. Tou­jours sur le plan médi­a­tique, les sites de réin­for­ma­tion comme Boule­vard Voltaire ou Fdes­ouche sont eux aus­si visés comme les vecteurs de cette cam­pagne de manip­u­la­tion mise en orbite par « l’ex­trême droite ».

Le lecteur l’au­ra com­pris, ce doc­u­men­taire donne SA ver­sion de l’af­faire Lola. Une ver­sion qui repose sur une lec­ture par­tiale, véhic­u­lant une dou­ble éthique. Ce qui scan­dalise le réal­isa­teur dans l’affaire Lolan l’in­dif­fère voir le réjouit dans les cas Tra­oré ou Floyd. Il y a la bonne et la mau­vaise récupéra­tion. Notons tout de même la per­ver­sité du proces­sus, France 5 a une image un peu intel­lectuelle, jouis­sant de ce statut, le réal­isa­teur en prof­ite pour faire pass­er son mes­sage poli­tique sur le ser­vice public.

Le réalisateur veut démontrer…

Le réal­isa­teur, juste­ment, par­lons-en. Dans une inter­view dans L’Obs, quelques jours avant la dif­fu­sion du doc­u­men­taire, Félix Seger déclare que « Toute la démon­stra­tion de ce doc­u­men­taire vise à point­er du doigt com­ment l’ex­trême droite mul­ti­plie sa présence sur Inter­net pour qu’on par­le d’elle. ». L’intention est claire, il s’agit d’une démon­stra­tion dont la mal­heureuse Lola con­stitue le prétexte.

Par­mi le paysage médi­a­tique, ce numéro de pro­pa­gande a sus­cité peu de réac­tions. Cyril Hanouna, dans l’émis­sion Touche pas à mon poste, a accusé de vol d’im­ages les équipes de France 5, les trai­tant au pas­sage de « voy­ous ». Voy­ous ? Le mot est peut-être un peu fort, mais pas tant que ça…