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La violence de l’immigration clandestine en mode mineur dans les médias de grand chemin

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6 août 2021

Temps de lecture : 9 minutes
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La violence de l’immigration clandestine en mode mineur dans les médias de grand chemin

Temps de lecture : 9 minutes

Red­if­fu­sion esti­vale. Pre­mière dif­fu­sion le 7 juin 2021

À chaque crise migratoire aiguë, les médias de grand chemin mettent en avant un symbole de la détresse humaine, comme s’il était indispensable d’édifier les consciences. A l’opposé, les violences commises lors des tentatives d’entrées clandestines dans le territoire européen sont très souvent décrites en mode mineur dans les médias de grand chemin. Les quelques exemples que nous en donnons illustrent ce prisme dans la présentation médiatique des événements.

Des images pour émouvoir

En 2015, la pho­to du jeune migrant prénom­mé Alan, mort sur une plage grecque, a fait le tour de la terre. Le pho­tographe qui l’a prise ne cachait pas son inten­tion de « faire chang­er l’opinion de l’Europe con­cer­nant les réfugiés ». Plus proche de nous, le 18 mai 2021, lors des fran­chisse­ments mas­sifs de la fron­tière du ter­ri­toire espag­nol de Ceu­ta par des clan­des­tins, tacite­ment autorisés voire com­man­dités par les autorités maro­caines, la pho­to du sauve­tage d’un bébé de la noy­ade – à quelques mètres de la côte — par un garde civ­il espag­nol a été large­ment dif­fusée. Elle ame­nait les médias de grand chemin à présen­ter celle-ci, à l’instar du Parisien le 20 mai, comme un « sym­bole d’un drame humanitaire ».

Il y a pour­tant une autre facette de l’immigration clan­des­tine mas­sive que con­nais­sent les pays européens : celle des nom­breuses vio­lences com­mis­es par les clan­des­tins pour impos­er leur présence coûte que coûte sur le sol européen. Les médias de grand chemin ne ren­dent compte de cette vio­lence que ponctuelle­ment et de façon clin­ique. Est-ce parce que celle-ci pour­rait, en étant plus ample­ment présen­tée, provo­quer de l’indignation et faire pren­dre con­science de la hau­teur des enjeux ? Loin des clichés, cette vio­lence mon­tre égale­ment la déter­mi­na­tion des clan­des­tins à venir en France ou dans un pays voisin, face à des autorités tou­jours promptes à accorder des « droits ».

À Calais, des tentatives d’intrusion parfois violentes

Dans la région de Calais, les agres­sions des forces de l’ordre et des routiers par des migrants sont très fréquentes. Pour ne citer que deux exem­ples, durant la nuit du 1er au 2 juin 2021, la ville de Calais a con­nu des scènes dignes d’une guerre civile qui ont été passés sous silence par de nom­breux médias.

Le quo­ti­di­en région­al La Voix du Nord s’est fendu d’un arti­cle assez lap­idaire sur cet événe­ment. Il ne peut s’empêcher de vic­timiser les clan­des­tins en les appelant des « exilés ». Des « exilés », plus de 300, qui « armés de barre de fer et de bâtons (…) ont pris à par­tie des CRS. (…). Lors de ces heures d’affrontements, « une trentaine de CRS auraient été con­tu­sion­nés, sept blessés et hos­pi­tal­isés. L’un d’eux plus grave­ment ». Au vu de sa cou­ver­ture médi­a­tique, cela ne devait être qu’un épiphénomène pour les médias de grand chemin. Alors que cela aurait pu être l’occasion de relancer le débat sur la présence con­stante de mil­liers de clan­des­tins dans le secteur qui har­cè­lent douaniers, policiers et routiers.

Peu avant, le 14 mai, Ouest-France nous infor­mait qu’« une cen­taine de migrants a investi la rocade Est de Calais en découpant le gril­lage situé au niveau du chantier du nou­veau port. (…). Ils ont ensuite « ten­té d’entraver la cir­cu­la­tion en déposant du matériel sur la chaussée. (…). De même source, la cir­cu­la­tion a été « légère­ment impactée » le temps de l’intervention des forces de l’ordre et plusieurs camions ont subi des dégra­da­tions par des jets de projectiles ».

Il ne s’agit que de deux récents « faits divers », comme la ville de Calais et la zone du tun­nel sous la Manche en con­nais­sent tant d’autres depuis plusieurs années. Des évène­ments qui ont été traités par les deux quo­ti­di­ens régionaux de façon dés­in­car­née, presque clin­ique. Il est vrai qu’ils don­nent une image néga­tive de cer­tains migrants, alors que ces deux titres rivalisent d’efforts pour leur don­ner à longueur d’articles une image positive.

L’immigration clandestine arrivant en Espagne explose

En Espagne, les arrivées de clan­des­tins par la mer ne font qu’augmenter depuis 2019. Au 30 mai, le Haut-com­mis­sari­at aux réfugiés de Nations Unies recen­sait près de 10 000 arrivées clan­des­tines depuis le début de l’année 2021. Un chiffre qui est prob­a­ble­ment large­ment sous-estimé.

Les agres­sions con­tre les gardes civils espag­nols chargés de la sur­veil­lance des côtes se mul­ti­plient. En avez-vous enten­du par­ler en France ? Le site d’information Le Maroc diplo­ma­tique a don­né la parole à deux syn­di­cal­istes de la garde civ­il espag­nole : « Depuis le début de l’année, plus de 30 agents ont été agressés (…) dont sept dans des affron­te­ments avec des migrants ». Nous n’en saurons pas plus sur les cir­con­stances de ces agres­sions ni sur la nature des lésions dont ont été vic­times les mem­bres des forces de l’ordre espag­noles. Ce début d’information n’a été ni exploité ni dévelop­pé par les médias de grand chemin français.

Le 18 mai, plus de 8 000 africains se sont intro­duits clan­des­tine­ment dans l’enclave espag­nole de Ceu­ta, en Afrique du nord. Alors que le Maroc est rétribué pour empêch­er les départs clan­des­tins, les autorités de ce pays ont ouvert les vannes pour mon­tr­er leur mécon­tente­ment suite à l’accueil en Espagne du leader du Front Polis­ario pour des soins médi­caux. L’image d’un bébé sauvé de la noy­ade par un garde civ­il espag­nol a fait le tour du monde. Les vio­lences con­tre les forces de l’ordre espag­noles ont par con­tre été totale­ment passées sous silence par la majorité des médias de grand chemin.

C’est dans la presse locale espag­nole que l’on trou­ve des infor­ma­tions à ce sujet. Le jour­nal espag­nol local, El Faro de Ceu­ta, évoque une « offen­sive his­torique que l’on avait jamais con­nue aupar­a­vant ». Ce sont en effet des images de guéril­la à Tara­jal que le jour­nal a mis en ligne sur son site : d’un côté des migrants qui jet­tent des pier­res con­tre les gardes civils espag­nols, de l’autre, des tirs de grenades lacry­mogènes pour con­tenir les assauts des migrants. On apprend que la mobil­i­sa­tion de l’armée, de la police nationale, de la police locale et de la garde civile a été néces­saire pour faire face à ce que le jour­nal­iste qual­i­fie de « chaos ». En avez-vous enten­du parler ?

La France n’est pas épargnée par la violence de certains migrants

Notre pays n’est pas épargné par la vio­lence de cer­tains migrants. Faire sim­ple­ment respecter la loi appa­rait un objec­tif sou­vent inatteignable.

Par­mi les exem­ples récents, fin juil­let 2020, deux gen­darmes ont eu la curieuse idée de vouloir con­trôler un groupe de migrants à Ouistre­ham. Valeurs actuelles nous apprend que « (une) ving­taine d’individus aurait alors « sauté » sur les forces de l’ordre, selon ces dernières. Les gen­darmes auraient ensuite ten­té de dis­pers­er le groupe à l’aide de lanceurs de balles de défense (LBD) et de gaz lacry­mogènes. Out­re les deux mil­i­taires blessés, deux véhicules de la gen­darmerie nationale ont été endom­magés ».

De très nom­breux clan­des­tins arrivés par la mer méditer­ranée en Ital­ie cherchent – et réus­sis­sent sou­vent – à gag­n­er la France. Ils pren­nent pour cer­tains tout sim­ple­ment le train pour venir dans notre pays. Souhai­tant men­er une opéra­tion de con­trôle dans le train Nice Men­ton, des policiers ont été agressés par une dizaine de migrants le 7 mars 2021. Le quo­ti­di­en région­al Nice Matin nous informe qu’ « une pre­mière bagarre a éclaté, des migrants ont volé des out­ils et se sont ren­fer­més (dans les toi­lettes). (…) De nou­veaux affron­te­ments écla­tent. “Très vio­lents”, selon Unité SGP Police. Deux policiers sont touchés, l’un à l’œil, l’autre à la main. “Aucun migrant n’a été blessé dans l’opération, les col­lègues ont agi avec beau­coup de pro­fes­sion­nal­isme” » com­mente un syn­di­cal­iste policier.

Par­fois ce sont les no bor­der, qui mili­tent pour la sup­pres­sion des fron­tières, qui s’en pren­nent aux forces de l’ordre afin qu’elles lais­sent pass­er les migrants.

La radio Alpes 1 nous informe que le 17 mai, « plus d’une cen­taine de mil­i­tants con­tre les fron­tières et les con­trôles faits envers les migrants se sont mobil­isés ce same­di, entre Clav­ière et Mont­genèvre, à la fron­tière. (…)  Des accrochages entre les mil­i­tants et les forces de l’ordre se sont pro­duits, les gen­darmes ont dû essuy­er des jets de pro­jec­tiles, les man­i­fes­tants qui ten­taient de forcer la fron­tière ont été repoussés au moyen de gaz lacry­mogènes. Selon nos infor­ma­tions, le gen­darme aurait eu l’a­vant-bras frac­turé ».

L’article ne pré­cise pas si des no bor­der ont été inter­pel­lés, tant ils sem­blent béné­fici­er d’une qua­si impunité. C’est encore une fois un réc­it clin­ique, décon­tex­tu­al­isé, des événe­ments qui est fait. Une agres­sion devient un « accrochage ». Les agres­sions sont rarement décrites pré­cisé­ment. Comme s’il fal­lait min­imiser et éviter de reli­er des événe­ments qui « font sys­tème ». Rap­pelons que le mou­ve­ment Généra­tion Iden­ti­taire a été dis­sous pour avoir voulu sym­bol­ique­ment con­trôler une frontière.

À Paris, la mise à l’abri comme un droit

Dans la cap­i­tale française, les mis­es à l’abri des clan­des­tins se suc­cè­dent à un rythme mar­tial dans un enchaine­ment bien orchestré : les asso­ci­a­tions d’aide aux migrants rameu­tent les clan­des­tins pour qu’ils occu­pent une place de la ville. Les ser­vices de la pré­fec­ture prévenus à l’avance mobilisent des cars pour trans­porter les clan­des­tins vers un héberge­ment en Ile de France, avant très prob­a­ble­ment d’être répar­tis dans la France entière, con­for­mé­ment à la poli­tique de peu­ple­ment souhaitée par le gouvernement.

La « mise à l’abri » de tous les clan­des­tins, annon­cée par le prési­dent Macron dès le début de son man­dat, est désor­mais con­sid­érée comme un droit par les clan­des­tins. A tel point que ceux n’en béné­fi­cient pas immé­di­ate­ment perçoivent cela comme une injustice.

Lors de la dernière opéra­tion en date, le 30 mai, de nom­breux migrants ont véri­ta­ble­ment agressé les forces de l’ordre pour pou­voir accéder aux bus con­duisant à un héberge­ment. Un inter­naute a mis en ligne des images de cette scène assez effarante. Cela lui inspire ce commentaire :

https://twitter.com/BBR4369/status/1399076459499642881

Les faits relatés ne sont que quelques exem­ples, pris par­mi d’autres, d’un réc­it ignoré de la crise migra­toire qu’il faut plutôt appel­er inva­sion migra­toire. Un réc­it fait de drames human­i­taires mais aus­si de vio­lence que les médias de grand chemin ne peu­vent pas totale­ment pass­er sous silence. Une vio­lence qui donne la mesure de la pres­sion migra­toire qui n’est jamais traitée comme un véri­ta­ble sujet à part entière, alors qu’un nom­bre crois­sant d’Africains n’a comme seule per­spec­tive d’amélioration de son sort que de venir en Europe. Un phénomène mas­sif mais à bas bruit dans les médias, dont le réc­it reste à écrire.

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