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Jugement de la Cour constitutionnelle allemande sur la BCE : revue de presse européenne

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21 mai 2020

Temps de lecture : 6 minutes
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Jugement de la Cour constitutionnelle allemande sur la BCE : revue de presse européenne

Temps de lecture : 6 minutes

« L’Europe n’avait pas besoin de ça. À la crise sanitaire, économique, politique et potentiellement financière, vient s’ajouter, par le hasard du calendrier, une crise constitutionnelle susceptible d’ébranler les fondements de l’euro. La cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe a rendu mardi un jugement explosif pour le fonctionnement de la Banque centrale européenne (BCE) », expliquait Le Figaro le 5 mai. Ce jour-là, la Cour constitutionnelle allemande venait de rendre un jugement par lequel elle menaçait de forcer la Bundesbank à se retirer du programme de rachats de titres de dette souveraine par la BCE. Par la même occasion, les juges de Karlsruhe ont affirmé pouvoir remettre en cause un jugement de la Cour de Justice de l’UE puisque celle-ci aurait outrepassé ses compétences et aurait rendu un jugement non fondé. Affront suprême, ils ont réaffirmé leur primauté sur les juges de Luxembourg.

Remise en cause du droit communautaire

En effet, explique Le Figaro, la Cour con­sti­tu­tion­nelle alle­mande « passe out­re un juge­ment de la cour de Lux­em­bourg de 2018, qu’elle qual­i­fie d’«incompréhensible». Les juges alle­mands trou­vent ain­si le moyen de remet­tre à la fois en cause l’indépendance de la BCE et la supré­matie du droit com­mu­nau­taire. » C’est grave pour l’UE, et dou­ble­ment grave pour la zone euro, puisque l’« inter­ven­tion sur la pandémie n’est pas directe­ment con­cernée par le juge­ment de Karl­sruhe, mais elle risque fort d’être attaquée à son tour sur le même fonde­ment. Or, sans l’action de la BCE, les pays de la zone euro n’ont plus de prê­teur en dernier ressort capa­ble d’assumer leur endet­te­ment face à la crise. »

Inquiétudes de George Soros

Et ce n’est pas le seul prob­lème. L’autre prob­lème, c’est encore et tou­jours la Pologne et la Hon­grie ! L’Américain George Soros, chez qui les gou­verne­ments « pop­ulistes » de Pologne et surtout de Hon­grie sont une véri­ta­ble obses­sion, soulève la ques­tion dans un entre­tien pub­lié le 11 mai sur le site du Project Syn­di­cate : « si la Cour alle­mande peut remet­tre en cause les déci­sions de la CJUE, les autres pays peu­vent-ils suiv­re son exem­ple ? La Hon­grie et la Pologne peu­vent-elles décider si elles doivent suiv­re droit européen ou leurs pro­pres tri­bunaux dont la légitim­ité est mise en ques­tion par l’UE ? ».

…Et de la FAZ

La remar­que est judi­cieuse, d’autant que la CJUE, poussée par la Com­mis­sion européenne, a une fâcheuse ten­dance à out­repass­er ses com­pé­tences encore plus bien plus claire­ment que dans cette affaire de BCE quand elle a affaire à la Pologne et à la Hon­grie. C’est pourquoi, dans un arti­cle pub­lié le 10 mai sur le site du quo­ti­di­en alle­mand Frank­furter All­ge­meine Zeitung pour lequel on a demandé son avis au pre­mier min­istre polon­ais Mateusz Moraw­iec­ki, celui-ci affirme qu’il s’agit là d’« un des juge­ments les plus impor­tants de l’histoire de l’Union européenne ». En effet, explique-t-il, c’est dit pour la pre­mière fois aus­si claire­ment : « Les traités sont créés par les États mem­bres et ce sont eux qui déter­mi­nent où sont les lim­ites des com­pé­tences des insti­tu­tions de l’UE ».

L’euro en danger via l’Italie

« C’est l’Allemagne qui désta­bilise l’Europe, pas les sou­verain­istes », titrait le 7 mai le site du men­su­el catholique ital­ien Tem­pi. « La déci­sion de la Cour con­sti­tu­tion­nelle alle­mande d’ignorer la sen­tence de la Cour de Jus­tice européenne (…) a déclenché un trem­ble­ment de terre », assur­ait le 15 mai le site du quo­ti­di­en ital­ien Il Gior­nale trai­tant de la procé­dure d’infraction qu’envisage désor­mais de déclencher la Com­mis­sion européenne. « Pourquoi l’euro peut dis­paraître », pou­vait-on lire en titre dès le 8 mai dans le même jour­nal. En Ital­ie où l’action de la BCE est plus que jamais néces­saires pour sur­mon­ter la crise provo­quée par la pandémie de COVID-19 et les longues semaines de con­fine­ment strict, l’affaire est prise très au sérieux.

Les anglais en observateurs

Côté bri­tan­nique, où l’on regarde désor­mais tout cela depuis l’extérieur, le Finan­cial Times demandait le 5 mai : « que reste-t-il de l’ordre juridique européen ? ». Le 17 mai, l’éditorialiste du Tele­graph posait quant à lui le prob­lème en des ter­mes cru­els, mais sim­ples : « L’UE risque de per­dre l’Allemagne si elle mène une lutte con­sti­tu­tion­nelle à mort ou l’euro si elle ne le fait pas ». Pour le Tele­graph, la con­fronta­tion entre la Cour con­sti­tu­tion­nelle alle­mande et la CJUE risque de men­ac­er l’avenir d’une UE dans laque­lle « la Cour européenne a pris l’habitude de s’arroger des pou­voirs qui ne sont inscrits dans aucun traité. (…) L’UE pen­sait pou­voir s’en sor­tir avec ça parce que la classe poli­tique alle­mande était large­ment com­plice – jusqu’à un cer­tain point – mais l’Europe vient de se heurter à la rigid­ité de la Cour con­sti­tu­tion­nelle alle­mande ». Et de pour­suiv­re : « Brux­elles et la con­frérie des groupes de réflex­ions financés par l’UE sont scan­dal­isés par le défi de Karl­sruhe. Mais ceux qui exi­gent main­tenant de l’Allemagne de faire ren­tr­er ses juges dans le rang sont à peu près les mêmes que ceux qui poussent à des sanc­tions max­i­males con­tre la Pologne et la Hon­grie pour avoir fait exacte­ment cela. »

Mais la politique politicienne perdure

Ceci dit, il se pour­rait bien que la Cour de Karl­sruhe soit ramenée dans le droit chemin par le pou­voir poli­tique à Berlin, car quoi qu’en dis­ent la Com­mis­sion européenne et les grands médias européens la Cour con­sti­tu­tion­nelle alle­mande ne vit pas plus coupée du pou­voir poli­tique que ses homo­logues polon­ais et hon­grois (et c’est encore plus vrai pour le Con­seil con­sti­tu­tion­nel français, haute­ment poli­tisé). En effet, pou­vait-on lire le 15 mai sur le site wPolityce.pl de l’hebdomadaire polon­ais Sieci, le man­dat du prési­dent en exer­ci­ce de la Cour con­sti­tu­tion­nelle alle­mande étant arrivé à son terme, le Bun­desrat – la cham­bre haute du par­lement alle­mand – a pris soin de le rem­plac­er par un ancien député de la CDU (de 2009 à 2018), Stephan Har­barth, dont on peut espér­er qu’il infléchi­ra dans le bon sens les futures déci­sions. L’occasion pour­rait se présen­ter rapi­de­ment quand il s’agira de se pronon­cer sur les expli­ca­tions demandées à la BCE dans un délai de trois mois, sous peine d’interdire à la Bun­des­bank de par­ticiper à ces pro­grammes de rachat mas­sifs de dette sou­veraine en faisant tourn­er la planche à billets.

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