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Menaces présentes et futures sur la liberté d’expression, les GAFA en première ligne

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27 décembre 2019

Temps de lecture : 6 minutes
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Menaces présentes et futures sur la liberté d’expression, les GAFA en première ligne

Temps de lecture : 6 minutes

Pre­mière dif­fu­sion le 09/12/2019

Le 21 novembre 2019, Claude Chollet Président de l’Observatoire du journalisme, a donné une conférence à Prague dans le cadre du « Free Media Forum », organisé par les autorités russes. Vous trouverez ci-dessous le texte revu en français de cette conférence donnée en anglais.

Totem et tabou

En 1913 Freud pub­lie son ouvrage Totem et tabou sur les struc­tures prim­i­tives d’appartenance et leur prég­nance. Pour faire par­tie de la tribu vous devez en partager les tabous. Partageant les tabous, vous révérez les mêmes totems, vous appartenez au groupe. Les médias dom­i­nants français parta­gent les mêmes tabous et adorent les mêmes totems. En sim­pli­fi­ant, 70 à 80% des jour­nal­istes et des médias qui les emploient parta­gent au moins trois tabous : l’immigration, l’Islam et l’insécurité.

Il est impos­si­ble d’évoquer dans les médias main­stream les effets négat­ifs de l’immigration extra-européenne, que ce soit sur le plan économique, cul­turel ou démo­graphique. Il en est de même pour les sujets se référant à l’Islam ou à l’insécurité ou aux liens entre ces dif­férents paramètres.

Habitus mon beau souci

L’habi­tus telle que définie par Pierre Bour­dieu représente le sys­tème sym­bol­ique qui per­met à un indi­vidu de se com­porter en société pour y être inté­gré. L’habitus indique à l’individu le com­porte­ment con­forme aux cadres accep­tés de sa caté­gorie sociale. L’habitus n’est pas une loi écrite, c’est un ensem­ble d’attitudes, de com­porte­ments séman­tiques, de choses dont on peut par­ler, de celles dont on ne peut pas par­ler y com­pris la manière dont on peut les évo­quer. Le proces­sus est large­ment inconscient.

La majorité des médias français ont un habi­tus pro­gres­siste que l’on peut appel­er libéral lib­er­taire. Défi­er cet habi­tus pro­gres­siste peut faire de vous un paria sur le plan pro­fes­sion­nel. Cette sit­u­a­tion est large­ment entretenue par les actions des GAFA.

Comment les GAFA influencent le journalisme

Il est inutile d’épiloguer sur le pou­voir des GAFA. Google domine le marché des moteurs de recherche et avec Face­book ils col­lectent à deux entre 70 et 80% des recettes pub­lic­i­taires dig­i­tales. Ama­zon étouffe ses con­cur­rents dans la dis­tri­b­u­tion et son pro­prié­taire investit dans la presse. Face­book, avec Insta­gram et What­sApp, a plus de 2,5 mil­liards d’utilisateurs. Apple, Ama­zon et Face­book domi­nent le marché des enceintes intel­li­gentes, recueil­lant ain­si encore plus de don­nées sur leurs clients.

Je ne par­lerai pas de la mode des fake news/infox ; pour notre sujet remar­quons que les GAFA ont saisi ce pré­texte pour s’engouffrer dans le con­trôle de l’information via de mul­ti­ples opéra­tions de « fact check­ing », la véri­fi­ca­tion des faits et le recours aux don­nées mas­sives. Je vous en don­nerai quelques exem­ples, la liste n’est pas limitative.

International Fact-Checking Network@Poynter

Un forum pour les fact-check­ers, abrité par l’Institut Poyn­ter pour les études sur les médias”

Finance­ment : Fon­da­tion Bill et Melin­da Gates, Google, Nation­al Endow­ment for Democ­ra­cy (NED), Open Soci­ety (Soros), Fon­da­tion Park. Remar­quons que la NED est une qua­si fil­iale de la CIA.

Cross-Check France

« Un pro­jet de jour­nal­isme col­lab­o­ratif pour com­bat­tre en ligne la dés­in­for­ma­tion en com­bi­nant les efforts de 34 parte­naires et ceux d’étudiants en journalisme »

Finance­ment : Google News Lab

Google Fact Check

« Une source con­fir­mée de véri­fi­ca­tion de l’information ». Pro­duit mai­son Google.

News Integrity Initiative (USA)

« Un con­sor­tium glob­al pour aider la pop­u­la­tion à se con­stituer des juge­ments infor­més au sujet des nou­velles qu’elle lit et partage en ligne. La mis­sion de l’Initiative est de faire avancer la con­nais­sance de l’information, de faire pro­gress­er la con­fi­ance dans le jour­nal­isme dans le monde et de mieux informer le public »

Finance­ment : Fon­da­tion Ford, Face­book, Mozil­la, Democ­ra­cy Fund.

The Trust Project (USA)

Le pro­jet Trust (con­fi­ance) explore com­ment le jour­nal­isme peut sor­tir d’un monde chao­tique et sig­ni­fi­er sa pertinence »

Finance­ment : Craig New­mark, Google

Le Décodex (France)

« Le Décodex est un out­il pour vous aider à véri­fi­er les infor­ma­tions qui cir­cu­lent sur inter­net et dénich­er les rumeurs, exagéra­tions ou défor­ma­tions ». Interne au quo­ti­di­en Le Monde.

Finance­ment : Google

Check News (France)

« Pour mieux com­pren­dre l’actualité, Libéra­tion lance Check­News, un nou­veau type de moteur de recherche géré par des journalistes ».

Finance­ment : Face­book

Festival international du journalisme de Perugia (Italie)

Depuis 2006 le prin­ci­pal fes­ti­val européen de jour­nal­isme se tient au print­emps à Pérouse. Pour l’anecdote, en 2018 lors de la table-ronde sur « les médias en Europe de l’est », les six per­son­nes du pan­el (inclu­ant le mod­éra­teur), avaient tous des liens avec l’Open Soci­ety de George Soros.

Finance­ment : Face­book, Google

Création d’un Conseil mondial par Facebook

Le 27 juin 2019, Nick Clegg, vice-prési­dent de Face­book annonçait la créa­tion d’un « Over­sight Board ». Le but de ce con­seil est de pren­dre en dernier ressort des déci­sions sur ce qui peut être posté sur le réseau social et ce qui doit être interdit.

Une équipe inter­na­tionale de 40 mem­bres, rémunérés par Face­book représen­tera je cite « les intérêts de la com­mu­nauté glob­ale ». Je cite de nou­veau « Le con­seil sera en mesure de porter un juge­ment final (vous lisez bien juge­ment final) sur ce que devrait être un dis­cours accept­able dans une com­mu­nauté reflé­tant les normes sociales et les valeurs des gens dans le monde entier ». Vous avez bien lu, « dans le monde entier ».

Les autorités françaises et la loi Avia

Comme si ce n’était pas suff­isant, le gou­verne­ment français charge la bar­que. Après une ren­con­tre précé­dente avec Mark Zucker­berg, le prési­dent Macron annonçait le 12 novem­bre 2018 une col­lab­o­ra­tion étroite entre des représen­tants du gou­verne­ment et ceux de Face­book pour com­bat­tre les fake news et les dis­cours de haine.

Une nou­velle loi a été pro­posée par Laeti­tia Avia, députée de la majorité. D’après cette loi votée (à la date de la con­férence) par l’Assemblée Nationale mais pas par le Sénat, tous les réseaux soci­aux devront dis­pos­er d’un « bou­ton rouge » sur lequel cha­cun pour­ra cli­quer pour dénon­cer les dis­cours « vio­lents, haineux, racistes ou extrémistes ». Le réseau social aura 24h pour les retir­er ou pour­ra subir une amende impor­tante. Il n’y aura pas d’intervention d’un juge. Les réseaux soci­aux ont anticipé l’application de cette loi lib­er­ti­cide et ont com­mencé dès le print­emps 2019 à « net­toy­er » tout dis­cours pou­vant être con­sid­éré comme dan­gereux, une nou­velle atteinte à la lib­erté d’expression et même à la lib­erté d’opinion.

La lib­erté d’expression fait main­tenant face à de nou­velles atteintes et ceci au nom de la lib­erté. Les GAFA défend­ent leurs intérêts pro­pres et dans la plu­part des cas, directe­ment ou indi­recte­ment, les intérêts des Etats-Unis. Devant ces men­aces des européens doivent pro­téger leur lib­erté d’expression et dévelop­per urgem­ment leurs pro­pres réseaux soci­aux. A une époque dif­férente Mao Tse Toung dis­ait « Compter sur ses pro­pres forces ». Le moment est venu pour l’Europe de défendre sa tra­di­tion de libre expression.