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Élections en Italie : Le Figaro et Les Échos aussi partiaux que France Culture et France Info

8 avril 2018

Temps de lecture : 6 minutes
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Élections en Italie : Le Figaro et Les Échos aussi partiaux que France Culture et France Info

Temps de lecture : 6 minutes

Red­if­fu­sion. Pre­mière dif­fu­sion le 15 févri­er 2018

Des élections législatives vont être organisées en Italie en mars 2018. Pour une large frange des médias français, l’enjeu est simple : les « populistes » qui nourrissent un discours xénophobe sont opposés à des candidats pondérés et respectables. Ce prisme est largement partagé par de nombreux médias. Au point que le principal sujet de la campagne électorale italienne, l’immigration clandestine, n’est plus abordé que sous l’angle de quelques débordements verbaux et d’un fait divers malheureux.

Les opposants à l’immigration massive : de dangereux démagogues

Jean Marc Vit­tori nous explique dans Les Échos du 9 jan­vi­er les raisons de « la mon­tée en puis­sance » des pop­ulistes dont le mou­ve­ment 5 étoiles en Ital­ie. La crise que tra­verse le pays serait selon les « pop­ulistes » « la faute à l’é­tranger. L’é­tranger qui vient s’in­staller chez nous, qui nous inonde de ses pro­duits, qui nous rachète nos joy­aux. Dès lors, la solu­tion est sim­ple : il suf­fit de fer­mer la porte et tout ira mieux ».

Le 6 févri­er, le quo­ti­di­en économique nous informe que la droite ital­i­enne (est) en pleine surenchère anti-immi­gra­tion. Les pro­pos de Mat­teo Salvi­ni, le leader de la Ligue du Nord, qui accuse ceux «  qui ont trans­for­mé l’I­tal­ie en un immense camp de réfugiés » sont «  out­ranciers de (la part de) celui qui ambi­tionne le poste de min­istre de l’In­térieur en cas de vic­toire de la droite ».

Pour Le Figaro du 18 jan­vi­er, pen­dant la cam­pagne élec­torale, on assiste à une « surenchère pop­uliste » en Ital­ie. Ce qui préoc­cupe le jour­nal­iste du Figaro c’est que «  les sondages s’accordent pour dire qu’un tiers des Ital­iens voteront pour les par­tis les plus rigoureux sur les poli­tiques migra­toires, déchaî­nant une escalade de déc­la­ra­tions bru­tales ». « En matière de con­trôle de l’immigration, 5 étoiles et Ligue se livrent à la surenchère pro­posant de réin­tro­duire le délit d’immigration clan­des­tine, fer­mer les fron­tières et ren­voy­er chez eux les migrants non autorisés ». Un comble !

Le 10 févri­er, le quo­ti­di­en con­sacre un arti­cle à la « flam­bée de racisme aux lég­isla­tives ital­i­ennes ». Si Mat­teo Salvi­ni, le leader de la Ligue ne cesse d’accuser gou­verne­ment et par­tis de gauche d’avoir favorisé « l’invasion de l’Italie par des migrants clan­des­tins », c’est «  à des fins élec­torales ». Quand Sil­vio Berlus­coni « promet d’expulser plus de 600 000 étrangers », le jour­nal­iste s’interroge sur la fais­abil­ité finan­cière de ces expulsions.

Pour France Cul­ture le 5 févri­er « l’Italie se trou­ve con­fron­tée à la dou­ble men­ace du Mou­ve­ment 5 Etoiles et d’une coali­tion de droite dure dirigée en sous-main par l’éternel Sil­vio Berlus­coni ». Un choix démoc­ra­tique présen­té par la radio publique comme une men­ace, plus per­son­ne ne s’en étonne. Sans pré­cis­er que la pos­si­bil­ité d’une coali­tion Renzi/Berlusconi est la plus prob­a­ble si aucun bloc n’obtient de majorité claire.

On pour­rait mul­ti­pli­er les exem­ples d’un prisme unique de nom­breux médias français dans la cou­ver­ture de ces élec­tions : les opposants à la poli­tique migra­toire (ou à son absence) ital­i­enne seraient de dan­gereux démagogues.

Un fait divers monté en épingle

Mais c’est un « faits divers »  classé comme tel par Europe 1 qui est cen­sé être représen­tatif d’un cli­mat délétère pen­dant la cam­pagne élec­torale. Le tir d’un homme sur des migrants en Ital­ie, qui a fait qua­tre blessés, devient pour de nom­breux médias un tour­nant majeur. Désor­mais, c’est à l’aune de ce fait divers que les argu­ments des par­tis opposés à la poli­tique migra­toire du gou­verne­ment ital­ien seront com­men­tés. Pour mémoire, l’auteur de la fusil­lade a indiqué qu’il voulait pro­test­er con­tre le meurtre d’une jeune ital­i­enne par un groupe de clan­des­tins nigérians.

Selon Mar­i­anne, qui s’appuie sur la fusil­lade de l’ancien can­di­dat de la Ligue du Nord et quelques débor­de­ments ver­baux, on assiste à une « inquié­tante vague de racisme en pleine cam­pagne élec­torale ». « L’Italie est sub­mergée par une vague haineuse ».

Le Point titre un arti­cle le 5 févri­er sur le fait que « le racisme fait irrup­tion dans la cam­pagne élec­torale ». « Les dernières semaines de cam­pagne élec­torale ont con­fir­mé le virage xéno­phobe et révi­sion­niste ». Pour L’Obs, « le raid raciste de Mac­er­a­ta boule­verse la cam­pagne des lég­isla­tives ». « Les lead­ers des par­tis de droite ont sauté sur l’occasion. Non pour déplor­er le geste raciste de Trai­ni, mais pour dénon­cer le nom­bre “exces­sif” d’immigrés sur le ter­ri­toire ».

Pour La Dépêche, « la fusil­lade raciste enven­ime la cam­pagne élec­torale. « L’I­tal­ie, comme la plu­part des pays européens, est con­fron­tée à la mon­tée des droites extrêmes, exac­er­bée par l’af­flux de migrants sur ses côtes ». France Info s’interroge : assiste-t-on au « retour du fas­cisme » ? « Cette attaque ali­mente les inquié­tudes sur la mon­tée du racisme et des dis­cours de haine sur fond de rejet des migrants ».

Les vrais enjeux des élections

Les com­men­ta­teurs appointés et dés­ap­pointés évo­quent rarement, voire taisent car­ré­ment, la rai­son pour laque­lle l’immigration est un thème cen­tral de la cam­pagne élec­torale en Ital­ie. Des débor­de­ments ver­baux et un fait divers trag­iques ne peu­vent pour­tant résumer à eux seuls cet enjeu pour de nom­breux italiens.

Marc Lazar, un enseignant en his­toire, rap­pelait oppor­tuné­ment sur France Cul­ture qu’« en 2016, on comp­tait 5 mil­lions d’immigrés enreg­istrés légale­ment (en Ital­ie), c’est-à-dire 5 fois plus qu’en 2001 ». Le nom­bre de clan­des­tins arrivés en Ital­ie a quant à lui atteint un nom­bre con­sid­érable : 578 000 de 2014 à juin 2017 selon France 24.

L’été 2017 sem­ble loin quand de nom­breux jour­nal­istes s’accordaient pour décrire l’Italie comme com­plète­ment débor­dée par un afflux migra­toire incontrôlé :

Pour Mar­i­anne en juin, « débor­dée, l’Italie men­ace d’in­ter­dire l’accès de ses ports aux migrants », « Les struc­tures d’accueil sont pleines et par ailleurs, toutes ces arrivées ont un impact sérieux sur la vie sociale et poli­tique du pays, a expliqué l’am­bas­sadeur (d’Italie) ». Pour Euronews, « face à ces arrivées mas­sives, le gou­verne­ment ital­ien est dépassé. Et la sit­u­a­tion devient ten­due dans cer­taines ports du sud de l’Italie ». France Inter nous indique en juil­let que « l’I­tal­ie demande de l’aide aux autres pays européens face à l’af­flux de migrants ». « Près de 200 000 places d’hébergement sont disponibles à tra­vers le pays, insuff­isant pour faire face à la demande ». France info nous informe que « la gare Rome-Tiburtina (est) débor­dée face à l’af­flux de migrants ». A tel point que « la ten­sion monte entre policiers et migrants dans le cen­tre de Rome », nous indique Il Mes­sag­gero.

Les signes d’exaspération se mul­ti­plient dans la pop­u­la­tion : À Vin­timille, à la fron­tière fran­co-ital­i­enne, une man­i­fes­ta­tion est organ­isée en novem­bre pour réclamer « l’expulsion immé­di­ate de tous les migrants qui sont en ville ». À Sicu­liana, des cen­taines de siciliens man­i­fes­tent pour réclamer la fer­me­ture d’un cen­tre pour migrants. À Lau­ren­zana, une com­mune de gauche vote à 80% con­tre l’accueil de migrants, etc.

Dans ce con­texte, de nom­breux médias s’appuient sur quelques débor­de­ments ver­baux et une fusil­lade pour exclure du champ de la nor­mal­ité idéologique ceux qui n’adhérent pas à l’ouverture des fron­tières et au chaos que celle-ci entraîne. La con­tex­tu­al­i­sa­tion est lim­itée aux excès con­damnables de quelques agités et occulte le débat de fond. Pour repren­dre une expres­sion du jour­nal­iste P.F. Paoli dans un récent ouvrage, c’est l’éviction par l’anathème. L’invocation de « la surenchère pop­uliste » doit agir comme une sorte de « clo­chette pavlovi­enne des­tinée à inter­dire toute ten­ta­tive de réfléchir libre­ment ». Une clo­chette qui reten­tit sou­vent ces derniers temps.

Crédit pho­to : wisegie via Flickr (cc)

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