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Covid-19 : la Pologne fait mal aux médias français ?

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23 avril 2020

Temps de lecture : 7 minutes
Accueil | Veille médias | Covid-19 : la Pologne fait mal aux médias français ?

Covid-19 : la Pologne fait mal aux médias français ?

Temps de lecture : 7 minutes

Les médias convenus sont toujours attentifs à rendre compte de ce qui déplaît à leur idéologie, y compris en cette période de pandémie, insistant par exemple sur les supposées incompétences de tel ou tel « populiste », Trump ou autre, avec des reproches qui pourraient aussi bien être faits à Emmanuel Macron. Pour d’autres gouvernements peu aimés chez nous, comme celui de la Pologne, la médiatisation varie entre passage sous silence ou accusations. Petit tour d’ horizon.

Dans le con­texte de la pandémie du coro­n­avirus, les médias français s’intéressent à très peu de pays : en gros, la France, l’Italie, l’Espagne, l’Angleterre, l’Allemagne. Un peu les pays scan­di­naves, quand cela peut appuy­er la poli­tique gou­verne­men­tale française. Beau­coup plus le Brésil ou les États-Unis, toutes les occa­sions étant bonnes, même les plus sor­dides, pour s’attaquer à qui dirige autrement. La ques­tion n’est évidem­ment pas de défendre ou d’être en accord avec les poli­tiques de Trump ou de Bol­sonaro mais sim­ple­ment de s’étonner que ce genre d’hommes poli­tiques, aux yeux des médias français, ne parvient jamais, mais alors jamais, à met­tre en oeu­vre la plus petite déci­sion poli­tique qui pour­rait appa­raître comme pos­i­tive dans nos médias — quel que soit le domaine.

Il en va de même avec les pays d’Europe de l’Est en cette péri­ode, à ceci près que glob­ale­ment le silence s’ajoute à l’absence de vision éventuelle­ment pos­i­tive de poli­tiques menées. Un exem­ple avec la Pologne dans nos médias ces derniers temps.

Elle et Libération, la Pologne ils n’aiment pas ça

Pour Elle, le 15 avril 2020, l’information cru­ciale serait celle-ci :

« Covid-19 : le Par­lement polon­ais tente de restrein­dre l’avortement et l’éducation sex­uelle ».

Le lien entre le covid-19 et les ques­tions liées à la sex­u­al­ité et à l’avortement n’est pas de prime abord bien clair. L’information provient en réal­ité de Libéra­tion daté du même jour :

« Ce jeu­di, la Diète devait se pencher sur un texte qui vise l’interdiction totale de l’avortement en cas de graves mal­for­ma­tions de l’embryon. Des man­i­fes­ta­tions ont eu lieu dans la rue, mal­gré le con­fine­ment, et sur Internet. »

Dans cet arti­cle, Libéra­tion mon­tre qu’une sim­ple erreur de mot a par­fois de lour­des conséquences :

« Sous la pres­sion de la rue, le pro­jet de loi pop­u­laire « Stop­pons l’avortement » avait été poussé en com­mis­sion par­lemen­taire en 2018, ce qui reve­nait à le gel­er. Sor­ti du fri­go en plein con­fine­ment, le texte, rédigé par l’ultra-catholique insti­tut Ordo Iuris pour la cul­ture juridique (abrégé Ordo Iuris), prévoit de dur­cir la loi sur l’avortement, pour­tant déjà l’une des plus restric­tives d’Europe, résul­tat d’un com­pro­mis entre l’Église et l’État en 1993. »

Le mot « pop­u­laire » est une erreur man­i­feste, il rem­place de façon erronée le mot « pop­uliste » : si le pro­jet de loi avait l’aval du peu­ple polon­ais, ce que Libéra­tion ou Elle ne peu­vent en aucun cas imag­in­er, il n’y aurait pas lieu de porter le fer. Sauf à ne pas faire œuvre de démoc­ra­tie, ce dont ne sauraient être soupçon­nés deux organes de presse de cette répu­ta­tion. Dans Elle :

« La députée de l’opposition, Bar­bara Nowac­ka, engagée en faveur des droits des femmes, craint l’utilisation du coro­n­avirus pour engager un retour en arrière. « Nous avons vrai­ment peur qu’ils utilisent le fait que les citoyens polon­ais soient con­cen­trés sur leur futur et leur san­té main­tenant, et non sur leurs valeurs, l’éducation sex­uelle, les droits des femmes », a‑t-elle déclaré au quo­ti­di­en bri­tan­nique « The Guardian », hier. En effet, le droit à l’avortement ne sera pas le seul sujet débat­tu par le Par­lement polon­ais. Il pour­rait égale­ment être ques­tion de sup­primer les cours d’éducation sexuelle. »

La question n’est pas ici d’exposer une opinion pour ou contre l’avortement mais :

  • de trou­ver éton­nant que les raisons pour lesquelles tous les êtres humains n’y sont pas immé­di­ate­ment favor­ables ne puis­sent en aucune manière faire l’objet d’un compte ren­du hon­nête dans les médias français. Une ques­tion idéologique ;
  • de remar­quer ce qui est passé sur silence. Par exem­ple, dans les pays les plus ouverts sur le plan de l’éducation sex­uelle à l’école, depuis longtemps, la France par exem­ple, cette édu­ca­tion ne fait reculer ni le nom­bre d’avortements ni les vio­lences sex­uelles. Par con­tre, l’éducation sex­uelle est util­isée à des fins par­ti­sanes pour dif­fuser une autre idéolo­gie, la théorie du genre, par le biais d’association automa­tique­ment financées par des fonds publics.

La Pologne ne souhaite peut-être pas ressem­bler à la France, il devrait être pos­si­ble dans des médias d’en inter­roger le pourquoi.

La Pologne ? Un pays qui ne ressemble en effet pas à la France

Le 19 avril 2020, Le Parisien, rap­por­tant les chiffres de l’université améri­caine Johns-Hop­kins pour l’ensemble des pays du monde, indique que : « Au 19 avril 2020, 347 décès dus au coro­n­avirus ont été rap­portés en Pologne. Cela représente 15 nou­veaux décès par rap­port au 18 avril 2020). Pour 100 cas, cela représente 3,97, tan­dis que le rap­port est de 5,52 en Chine, 13,2 en Ital­ie et 12,6 en France. »

Voilà donc un pays et un gou­verne­ment que nos médias qual­i­fient habituelle­ment d’ultra-conservateur et d’extrême droite mais qui d’évidence est d’une effi­cac­ité sans com­mune mesure dans sa lutte con­tre le covid-19, com­par­a­tive­ment à la France. Le lecteur s’attend donc à trou­ver des analy­ses dans les médias français, des com­para­isons, autres que celles avec les pays cités plus haut, pour com­pren­dre com­ment un pays comme la Pologne parvient à réalis­er ce que nous sommes inca­pables de faire : pro­téger un peu mieux sa pop­u­la­tion (le Maroc serait intéres­sant aus­si, lui qui pro­duit autant de masques par jour que la France par semaine).

Mais pas un mot ou plutôt pas une analyse sur tout cela. L’imaginer, sim­ple­ment, revenant déjà à remet­tre en ques­tion tous les dogmes offi­ciels et ceux de nos médias en particulier.

Pour­tant, le réel revient par­fois au galop.
Le Jour­nal de 13 heures de France 2, relayé par Fran­ce­in­fo, indique le 18 avril que les masques sont déjà oblig­a­toires en Pologne. Le gou­verne­ment, qui soudain n’est plus ultra-con­ser­va­teur ni d’extrême droite…, installe des dis­trib­u­teurs automa­tiques, cha­cun peut s’en pro­cur­er et les polon­ais sont très con­tents d’en porter. Ce même jour Fran­ce­in­fo va encore plus loin dans la bien­veil­lance à l’égard de la Pologne :

« Con­cer­nant les appli­ca­tions pour smart­phones per­me­t­tant à un util­isa­teur de savoir s’il a été en con­tact avec une per­son­ne infec­tée par le coro­n­avirus, le gou­verne­ment polon­ais a, en mars dernier, mis en place une appli­ca­tion util­isant la géolo­cal­i­sa­tion et la recon­nais­sance faciale pour véri­fi­er si une per­son­ne placée en quar­an­taine la respecte bien. Bien évidem­ment les Polon­ais ont, pour l’instant, le libre choix de la télécharg­er, dans ce cas, la per­son­ne est sus­cep­ti­ble de répon­dre à des deman­des offi­cielles con­cer­nant son « confinement ».

Le lecteur, étant peu habitué, est sur­pris que le média n’accuse pas le gou­verne­ment polon­ais de mesure lib­er­ti­cide. D’ailleurs le PiS au pou­voir n’est décidé­ment plus d’extrême-droite ni ultra. Il est sim­ple­ment « con­ser­va­teur »…  Fran­ce­in­fo con­clut sur le risque de voir arriv­er au pou­voir le par­ti Droit et Jus­tice lors de prochaines élec­tions prési­den­tielles, par­ti quant à lui ici qual­i­fié « d’ultra con­ser­va­teur ». Tant qu’à choisir, la Pologne actuelle pour­rait bien plaire à la majorité des médias con­venus français, à l’exception de vieil­leries comme Libéra­tion ou Elle ?