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Zelensky : un portrait louangeur sur Arte

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27 mars 2022

Temps de lecture : 4 minutes
Accueil | Veille médias | Zelensky : un portrait louangeur sur Arte

Zelensky : un portrait louangeur sur Arte

Temps de lecture : 4 minutes

Nous publions l’analyse de nos confrères allemands de Junge Freheit du portrait sur Arte de Zelenski ou Zelensky, passé du statut d’amuseur public et de marionnette de l’OTAN à celui de chef de guerre, saint laïc et héros des temps modernes. Certains sous-titres sont de notre rédaction.

Le président de la guerre

Volodymyr Zelen­sky est désor­mais le héros de l’Oc­ci­dent : ce juriste de 44 ans, comé­di­en comique de méti­er, défend la lib­erté et la démoc­ra­tie, héroïque­ment et courageuse­ment, selon le tableau glob­al. Ses mes­sages vidéo, métic­uleuse­ment enreg­istrés avec un télé­phone portable, sont avide­ment partagés. En temps de crise, les héros ont apparem­ment tou­jours la cote, même à notre « ère post-héroïque »

Voir aus­si : Arte et la fab­ri­ca­tion de l’histoire de l’ex-Yougoslavie

Sur l’écran de projection

Il est devenu un écran de pro­jec­tion – pour les attentes et les besoins des Européens et, surtout, comme négatif pour Vladimir Pou­tine. Avant la guerre, les résul­tats de Zelen­sky dans les sondages étaient au plus bas et l’U­nion européenne obser­vait d’un œil cri­tique la cor­rup­tion du pays. Selen­skyj est main­tenant le cham­pi­on célébré de toute un hémis­phère. Com­ment cela est-il possible ?

Que, bien enten­du, le prési­dent ukrainien utilise égale­ment la pro­pa­gande dans cette guerre, ne sem­ble pas avoir effleuré les esprits. Se servir des moyens de pro­pa­gande peut paraître légitime, puisque le but est de mobilis­er le peu­ple pour défendre son pro­pre pays face à une incur­sion d’une puis­sance adverse. Néan­moins, la tâche des jour­nal­istes est de décon­stru­ire exacte­ment cela.

La grande scène lui va bien

Les réal­isa­teurs Dirk Schnei­der et Clau­dia Nagel abor­dent le sujet avec leur doc­u­men­taire « Zelen­sky – Un prési­dent en guerre ». Ce por­trait de 45 min­utes est disponible sur les chaînes de l’ARD et Arte. Il retrace com­ment le comique est devenu prési­dent ; non, en fait, le film ne fait qu’esquiss­er cela, car de grandes par­ties trait­ent de l’ac­tu­al­ité sans apporter d’in­for­ma­tion à ce sujet. Néan­moins, un nar­ratif en émerge, qui aide à répon­dre à la ques­tion posée ci-dessus. C’est l’im­age d’un homme qui, ayant un tal­ent cer­tain à soign­er son image, s’est trou­vé au bon endroit au bon moment. Pourquoi n’a-t-il jamais tra­vail­lé comme avo­cat, choi­sis­sant plutôt la scène ? « Cela n’avait pas grand-chose à voir avec ce que l’on appelle l’art », entend-on dire Zelen­sky, avec qui les cinéastes se sont entretenus en 2021. « Nous rece­vions des applaud­isse­ments, nous étions au cen­tre de l’at­ten­tion. Je pense que c’est ce que nous voulions. »

Lors de la cam­pagne prési­den­tielle de 2019, il a con­traint son adver­saire à un duel ora­toire sur « la très grande scène » du stade olympique de Kiev. « Cela rap­pelle les spec­ta­cles dans les arènes de Rome : le pain et les jeux font par­tie de l’at­ti­rail de Zelen­sky », fait remar­quer un poli­to­logue ukrainien. Il fait de la poli­tique un spec­ta­cle : « C’est exacte­ment la spé­cial­ité de Zelensky. »

Devenu président pendant la guerre

Zelen­sky, explique le doc­u­men­taire, a for­mé « la sur­face de pro­jec­tion des aspi­ra­tions des Ukrainiens » — tout comme il le fait aujour­d’hui, mais désor­mais pour tout le monde occi­den­tal. Cepen­dant, après de pre­miers suc­cès, le Prési­dent com­mence à faib­lir : au bout de deux ans, sa « bril­lance » com­mence à « s’estom­per », le téléspec­ta­teur en apprend la rai­son : prob­lèmes économiques, élec­tions per­dues. Et cor­rup­tion. L’oli­gar­que Ihor Kolo­mo­jskyj était un mécène de Zelensky.

L’homme politique des médias

Les troupes russ­es ont tout d’abord marché vers la fron­tière pour finale­ment envahir le pays. « Lorsque la pre­mière roquette est tombée, toute la nation s’est unie », explique une poli­to­logue. « Il n’y a plus d’op­po­si­tion parce que tout le monde com­prend que Zelen­sky dirige désor­mais la nation. » Zelen­sky utilise à nou­veau son tal­ent d’au­to-présen­ta­tion pour unir non seule­ment son peu­ple mais aus­si l’Oc­ci­dent der­rière lui. Cela fait de lui prob­a­ble­ment « l’homme poli­tique médi­a­tique le plus puis­sant de toute l’Eu­rope », selon un his­to­rien ukrainien.

L’im­pres­sion qui se dégage ici est que Zelen­sky n’est devenu prési­dent que main­tenant. A cet égard, il n’est pas seule­ment un « prési­dent en guerre », mais aus­si un « prési­dent de la guerre ». Le doc­u­men­taire donne un indice impor­tant à la fin : « Per­son­ne ne sait si Zelen­sky peut rester le héros pour lequel il est actuelle­ment célébré. »

Source : Junge Frei­heit, 16 mars 2022. Tra­duc­tion : AC

« Zelen­sky, l’homme de Kiev » est vis­i­ble sur Arte.

Voir aus­si : Un doc­u­men­taire sur l’Ukraine crée la polémique