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Virage à droite d’Emmanuel Macron : une opération d’enfumage reçue 5 sur 5 dans les médias

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14 février 2020

Temps de lecture : 6 minutes
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Virage à droite d’Emmanuel Macron : une opération d’enfumage reçue 5 sur 5 dans les médias

Temps de lecture : 6 minutes

La tactique politicienne guide parfois les décisions politiques. Le Président Macron ayant perdu une partie de ses soutiens à gauche avec la réforme des retraites, il fait savoir dans les médias qu’il effectue un « virage à droite ». Alors que certains faits contredisent cette inflexion, quelques médias de grand chemin relaient sans recul cette opération de communication.

Le virage à droite

Dès le mois d’avril 2019, plusieurs médias nous infor­maient du « virage à droite » du Prési­dent de la République au sujet de l’immigration. France 24, France Info, Libéra­tion, etc. relayaient la volon­té d’Emmanuel Macron de débat­tre de quo­tas d’immigration au Par­lement et de pren­dre à bras de le corps la struc­tura­tion de l’islam de France pour lut­ter con­tre le communautarisme.

Les élec­tions munic­i­pales approchant, après avoir don­né en sep­tem­bre une inter­view à Valeurs actuelles, l’envoi de « cartes postales » à l’électorat de droite se renouvelle.

Le Parisien nous informe le 10 févri­er qu’« Emmanuel Macron vire sur l’aile droite en vue de 2022 ». « Si je suis bat­tu par Marine Le Pen, ce sera sur le ter­rain du régalien », aurait « souf­flé » Emmanuel Macron. Même con­stat pour Médi­a­part, qui émet cepen­dant dès le titre une réserve : « Face à l’extrême droite, Macron rejoue la par­tie per­dante de Sarkozy ».

L’argumentaire des deux médias est sen­si­ble­ment le même : face à Marine Le Pen, E. Macron veut appa­raître comme un Prési­dent act­if dans le domaine régalien, et pren­dre des déci­sions en matière d’immigration, de lutte con­tre la délin­quance et l’islamisme. Le Parisien et Médi­a­part soulig­nent néan­moins le risque que les électeurs préfèrent l’original (le Rassem­ble­ment nation­al) à la copie (LREM).

Si les jour­nal­istes émet­tent quelques cri­tiques vis-à-vis de l’inflexion du Prési­dent Macron, ils sont muets sur l’énorme décalage entre un éventuel posi­tion­nement plus à droite du Prési­dent de la République et la réal­ité. Sur les trois sujets dont Macron pré­tend s’emparer depuis plusieurs mois, l’immigration, l’insécurité et l’islamisme, non seule­ment la sit­u­a­tion est mau­vaise, mais elle se dégrade depuis le début de son man­dat. C’est en glanant les infor­ma­tions ici ou là qu’on le con­state. Pas en lisant Le Parisien ni Médi­a­part.

L’immigration

L’OJIM a souligné récem­ment l’extrême banal­i­sa­tion dans les médias de grand chemin de la hausse con­sid­érable de l’immigration depuis le début du man­dat d’E. Macron. Tous les chiffres sont en forte pro­gres­sion : pre­miers titres de séjour délivrés, deman­deurs d’asile, mineurs étrangers, c’est plus de 400 000 extra-européens qui sont arrivés « légale­ment » rien qu’en 2019. Aucun média de grand chemin n’est là pour soulign­er que même l’annonce de quo­tas d’immigration en début d’année 2019, qui ne con­cern­eraient pour­tant qu’une infime par­tie des flux migra­toires, est restée let­tre morte.

L’insécurité

Les chiffres de la délin­quance ont été très mau­vais en 2019, comme nous l’apprend le Point en début d’année. Et l’année 2020 com­mence très mal : « L’année 2020 démarre par une explo­sion de vio­lence » selon le Figaro le 9 févri­er. Homi­cides, coups et blessures volon­taires sont en forte hausse. Alors que les affaires de pédophilie dans le clergé catholique et le milieu sportif et les infan­ti­cides font les titres des médias de grand chemin, aucun ne cherche à recouper nationale­ment les infor­ma­tions sur d’autres phénomènes d’une toute autre ampleur.

Par­mi ceux-ci, la délin­quance en bande de mineurs étrangers, qui essai­ment dans de nom­breuses villes. A Nan­cy, ce sont selon 20 min­utes des vols de porta­bles avec vio­lence qui sont com­mis par des « mineurs non accom­pa­g­nés » (traduire : de jeunes clan­des­tins). A Nantes selon Ouest France comme ailleurs, les inter­pel­la­tions des jeunes délin­quants ne sont pas suiv­ies d’effet. C’est un peu partout en France des phar­ma­cies qui sont cam­bri­olées par des mineurs étrangers selon la presse locale. Mêmes phénomènes de délin­quance de jeunes étrangers à Paris selon l’Obs, en Gironde selon France 3, à Mont­pel­li­er où les mineurs sont finale­ment majeurs selon Actu.fr, etc. Le Préfet de Police de Paris évoque sur Pub­lic Sénat une « vio­lence inquis­i­tive, de voie publique, par­ti­c­ulière­ment sig­ni­fica­tive ». Il par­le sur la chaine par­lemen­taire d’« une réelle spé­ci­ficité à Paris » et se garde bien d’évoquer un phénomène nation­al. Aucun média ne cou­vre nationale­ment les infor­ma­tions épars­es sur ces ban­des de jeunes délin­quants étrangers qui sem­blent opér­er leurs méfaits dans une qua­si impunité, au point d’en faire un phénomène de société en pleine expan­sion mais à très bas bruit médiatique.

L’islamisme

Le Prési­dent Macron a annon­cé son inten­tion de s’appuyer sur le Con­seil français du culte musul­man (CFCM) pour lut­ter con­tre le com­mu­nau­tarisme. Le choix du Prési­dent est-il judi­cieux ? Bien peu de doutes tra­versent les médias de grand chemin à ce sujet. Ceux qui dénon­cent l’emprise des frères musul­mans sur cette organ­i­sa­tion ont bien du mal à se faire enten­dre. Valeurs actuelles par­le d’un Prési­dent qui est « à côté de la plaque » en s’appuyant sur le CFCM, une organ­i­sa­tion qui « souf­fre d’un sérieux prob­lème de crédi­bil­ité ». Les lanceurs d’alerte s’appuient sur les réseaux soci­aux, qui présen­tent néan­moins l’inconvénient de tourn­er en boucle dans des cer­cles de con­va­in­cus. Le jour­nal­iste Yves Mamou rap­pelle sur Face­book que « c’est Abdal­lah Zekri émi­nent représen­tant du CFCM qui, à pro­pos de Mila, a lâché (en sub­stance), bien fait pour sa gueule, cette pouffe n’avait qu’à la fer­mer au lieu d’insulter l’islam ». Et de con­clure : « on souhaite bien des résul­tats à Macron ». C’est L’Observatoire de l’islamisation qui recense des posi­tions inquié­tantes du CFCM, qui font douter sur la con­duite à son terme d’une réforme effi­cace. Des doutes qui n’effleurent pas les médias de grand chemin.

On pour­rait objecter que sur tous ces sujets impor­tants – islamisme, immi­gra­tion, délin­quance — les médias veu­lent laiss­er à E. Macron le temps d’agir et d’obtenir des résul­tats. Les trois dernières années indiquent que le Prési­dent de la République pra­tique une pro­fonde pro­cras­ti­na­tion : il annonce à inter­valles réguliers des mesures qu’il repousse sans cesse : ain­si de la lutte con­tre l’islamisme annon­cée en avril 2019 selon le JJD, ain­si de l’immigration en jan­vi­er 2019, tou­jours selon le JDD. C’est donc sans sur­prise que l’on recevra la prochaine « carte postale » d’E. Macron adressée aux électeurs sur ces thèmes, une carte postale qui ressem­ble de plus en plus à un joli self­ie dénué de sens et surtout de suites tan­gi­bles. Atten­dons une véri­ta­ble enquête médi­a­tique sur le sujet.